Films et livres
Mis en ligne le 29 septembre 2022 Convergences
Des extraits de critiques de films et de livres que vous pourrez retrouver en version intégrale sur notre site
Films
De Saeed Roustaee
2022, en salle
L’année dernière, La Loi de Téhéran explorait, à travers un thriller policier au suspens haletant, les bas-fonds de la capitale iranienne pour livrer une critique en règle du système policier et judiciaire. Un an plus tard, Saeed Roustaee poursuit sa peinture décapante de la société iranienne contemporaine. Le spectateur se retrouve plongé dans le quotidien d’une famille iranienne qui étouffe sous les dettes. Chaque petite scène contribue à nous faire comprendre le point de vue et les ressorts psychologiques des choix des protagonistes. Jusqu’à un final à la mise en scène époustouflante.
De Dominik Moll
2022, en salle
C’est l’histoire d’une affaire criminelle non élucidée. L’intérêt du film ne réside pas dans un suspens et dénouement retentissant et libérateur. Un homme (très probablement) a tué une femme. D’autres (des hommes en écrasante majorité encore) sont chargés de le retrouver : un monde d’hommes, en somme. On suit le capitaine de la police judiciaire locale et son équipe aux prises avec l’enquête et leur conscience. Au fil d’une enquête comportant bien peu d’indices, les policiers s’immiscent dans la vie sentimentale de la victime. Sa meilleure amie vient mettre les choses à leur place : « Le problème, c’est pas Clara. Moi je sais pourquoi elle s’est fait tuer. Elle s’est fait tuer parce que c’est une fille. » Un film d’une grande finesse, réaliste, factuel et qui ne donne pas de leçon, mais touche à un problème de société profond et insaisissable.
Livres
Sous la direction de Pauline Clochec et Noémie Grunenwald
Hystériques & AssociéEs, 2021, 281 p., 16 €
Issu d’un colloque, le livre rassemble huit interventions qui offrent un panorama sur les questions trans telles qu’abordées par le courant féministe matérialiste revendiquant « une étude du monde social et politique » et une analyse de « la lutte ». Un « matérialisme » éloigné de Marx et du mouvement ouvrier. Quoique la classe ouvrière en soit quasiment absente, l’ouvrage est d’un intérêt indéniable. Ces textes sont d’une lecture fluide et agréable, faisant de l’ouvrage une bonne introduction relative aux questions trans, ce qui reste rare en langue française.
1000 ans de joies et de peines
D’Ai Weiwei
Buchet-Chastel, 2022, 415 p., 24 €
Né en 1957 à Pékin, Ai Weiwei est un artiste mondialement reconnu qui a touché un peu à tout. Il se veut résolument contestataire et se place dans la lignée de mouvements artistiques comme le dadaïsme et le surréalisme. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre de l’ouvrage, l’auteur ne passe pas en revue un millénaire de l’histoire de l’empire du Milieu. Il s’en tient plus modestement au XXe siècle et au début du XXIe racontés à travers la saga familiale. Son art, volontiers provocateur, lui vaut maints problèmes avec les autorités. Malgré la chape de plomb qu’impose le régime, il est remarquable de constater que les opposants arrivent malgré tout à faire entendre leurs faibles voix, à garder le contact entre eux et à faire sortir des informations du pays. Finalement Ai Weiwei, accompagné de sa femme et de son fils, a été contraint de choisir l’exil en 2015 pour l’Allemagne, puis la Grande-Bretagne et finalement le Portugal.
D’Iegor Gran
P.O.L, 2022, 174 p., 16 €
Journaliste à Charlie Hebdo, russophone né à Moscou, Iegor Gran se livre dans ce petit ouvrage à une charge féroce contre Poutine et son régime qui aurait transformé le pays en un Zombieland. Z, comme la lettre arborée sur les blindages des chars russes en signe de victoire. La partie la plus intéressante de ce pamphlet, bien documenté, est celle où il décrit par le menu la propagande quotidienne du régime. On trouve aussi dans ces pages des informations intéressantes concernant la vie quotidienne des Russes dans les villes et les campagnes, les difficultés de ravitaillement, le délabrement des services publics et des équipements collectifs, etc.
Cependant quelques réserves de taille. On a maints exemples de par le monde de peuples qui se font berner un temps par la propagande officielle, ce qui ne fait pas d’eux des zombies. On a vu l’impérialisme occidental à l’œuvre en Indochine, en Algérie ou en Afghanistan et depuis la fin de la guerre froide et la disparition de l’URSS avancer ses pions (et ses bases militaires) dans toute l’Europe centrale et orientale. Ce qu’Iegor Gran ne semble pas voir. Bref au final il semble choisir un camp qui n’est pas le nôtre.