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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 147, septembre 2022

La défaite de la Constituante au Chili : remarques sur les jours d’après

Mis en ligne le 29 septembre 2022 Convergences

Les résultats sont sans appel – 62 % pour le refus avec des scores encore plus élevés en province dans le sud et le nord – et semblent en contradiction avec la dynamique sociale initiée en octobre 2019 ; sur 300 communes, et notamment les quartiers populaires, l’approbation n’en gagne que huit et de justesse.

La canalisation de la colère sociale

Les élections précédentes s’étaient tranchées à Santiago, la capitale, qui compte près de la moitié des Chiliens. Cette fois, ce sont les provinces qui ont donné le ton en basculant fortement vers le refus. Ensuite, quelles sont les différences entre le déroulement du vote de 2020 démarrant le processus constituant, et celui de 2022 ? Le premier – qui n’était pas obligatoire – avait vu la faible participation de 51 % des électeurs, soit 7,5 millions de votants. Le vote du 4 septembre dernier, lui obligatoire, a vu 15 millions de votants (+ 85,7 %). En 2020, 78 % pour une nouvelle Constitution, soit 5,8 millions de voix ; en 2022, les 38 % pour l’approbation donnent 4,8 millions de votes, soit un million de moins entre les deux scrutins. Le non gagne en deux ans 6,2 millions de voix. Cela suggère que ceux qui n’ont pas voté en 2020, adoptant une position neutre ou ne désirant pas bloquer, ont cette fois décidé de participer pour exprimer un tournant conservateur. Mais il faut le répéter : les élections, surtout lorsqu’elles échappent au contrôle des travailleurs, ne sont qu’exceptionnellement un terrain favorable pour faire avancer leurs droits et libertés.

Du côté de la gauche

Quelles que soient les analyses des différentes organisations révolutionnaires (trotskistes ou libertaires) sur les consignes de vote, toutes soulignent à juste titre le bilan du court exercice de cette gauche dite radicale : austérité, répression, promesses non tenues. De quoi démobiliser les milieux populaires et déplacer le sens du plébiscite : il a d’abord sanctionné le gouvernement de Gabriel Boric. Un constat très juste à condition d’ajouter l’indispensable : ce sont les modalités du processus constituant, hors du contrôle des travailleurs et des populations, qui ont dévoyé l’énergie sociale de l’Octobre chilien vers une impasse institutionnelle.

La divergence vient de loin. Les militants le disent : à gauche, il y a d’un côté les « octobristes » (les partisans du mouvement extra-parlementaire) et de l’autre les « novembristes » (ceux, dont Gabriel Boric, qui en novembre 2019 ont refusé de faire tomber le gouvernement par « sens des responsabilités »). La recherche, le soir même du vote, ce 5 septembre 2022, lors d’une déclaration solennelle de la présidence, d’une « alliance de tous les partis » pour « relancer le processus constituant » indique que la coalition de Gabriel Boric (qui inclut le Parti communiste) désire coûte que coûte persévérer dans la réforme institutionnelle sans la mobilisation des travailleurs et de la population.

La droite savoure sa victoire et réserve sa réponse afin de mieux marchander. La gauche « réaliste » estime que le projet était trop radical, préparant ainsi des combinaisons dont elle a le secret pour éteindre la moindre radicalité, même de façade, dans une nouvelle mouture de Constitution. On reparle même du brouillon de l’ancienne présidente socialiste Bachelet, c’est dire le manque d’imagination. L’intégration de Carolina Toha, à l’Intérieur, et Ana Lya Uriarte, au secrétariat de la présidence (toutes deux issues du PS), l’éviction des « radicaux », et le refus d’intégrer le PC avec Nicolas Cataldo (veto de la droite), montrent le vrai visage de cette nouvelle gauche.

Des affrontements ont eu lieu à l’annonce des résultats à Santiago, et ce pendant cinq jours de suite, impliquant des milliers de jeunes – en grande partie critiquant sur la gauche le processus constituant – et la police du gouvernement de gauche. Ils ont la conviction, à juste titre, que les choses se feront hors des parlements issus de l’ancienne constitution héritée de la dictature, mais aussi loin des tentatives de rénovation institutionnelles qui préservent l’ordre social.

18 septembre 2022, Tristan Katz


Lire aussi sur le site de Convergences révolutionnaires :

« La nouvelle Constitution du Chili : illusions et mensonges font-ils bon ménage avec le droit des travailleurs et des peuples autochtones ? », 3 septembre 2022.

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Numéro 147, septembre 2022