Italie : un parti post-fasciste bientôt à la tête du gouvernement ?
Mis en ligne le 5 septembre 2022 Convergences Monde
À trois semaines des élections anticipées, les sondages donnent la coalition de droite et extrême droite (Forza Italia, Lega, Fratelli d’Italia) largement en tête, avec 46 % des intentions de vote. Ce qui lui permettrait d’obtenir pas loin des deux tiers des sièges dans le futur parlement. Au sein de cette coalition, c’est Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni, qui obtiendrait la première place avec 24 %. Un accord au sein de cette coalition prévoyant que le parti arrivé en tête pourra revendiquer le poste de président du Conseil, Meloni a donc toutes les chances d’être à la tête du prochain gouvernement italien.
Fratelli d’Italia est un parti issu, à travers différentes transformations, du Mouvement social italien (MSI) formé après-guerre par d’anciens membres du régime fasciste. Et si ses dirigeants ont cherché, au fil des années, à se donner un visage plus respectable et à se rapprocher de la droite classique pour accéder au pouvoir, Meloni se réclame des valeurs chrétiennes et de la patrie, qu’elle dit vouloir défendre contre l’« invasion des immigrés ».
Si Fratelli d’Italia est passé de 6,5 % aux dernières élections (européennes de 2019) à 24 % d’intentions de vote, dans le même temps la Lega de Salvini est passée de 34,3 % à 13,4 %.
L’« irrésistible ascension » de Fratelli d’Italia est donc due, en grande partie, à un rebattage des cartes au sein de l’extrême droite, au détriment de la Lega. Fratelli d’Italia avait refusé de soutenir le gouvernement de « grande coalition » formé par Draghi, allant du Parti démocrate jusqu’à la Lega, en passant par Forza Italia (de Berlusconi) et le Mouvement 5 étoiles. Fratelli d’Italia tablant sur le discrédit de ce gouvernement pour se présenter comme la seule vraie opposition. Un calcul visiblement payant. Un autre grand perdant est d’ailleurs le Mouvement 5 étoiles qui continue sa dégringolade électorale.
Et à gauche ?
Des discussions ont eu lieu entre différentes formations de la gauche dite « radicale », en particulier Refondation communiste et Potere al Popolo, qui ont abouti à la formation de l’Unione Popolare (Union populaire), lors de l’assemblée romaine du 9 juillet. La tête de cette Union a été prise par Luigi de Magistris, ex-magistrat et ancien maire de Naples, qui a commencé sa carrière politique au sein de l’Italia dei Valori (Italie des valeurs) un parti « libéral », formé par l’ancien juge anti-corruption Di Pietro. Selon lui, il s’agit de construire une « coalition populaire d’esprit pacifiste, environnemental et constitutionnel »… au moins le temps d’une élection.
Si pour beaucoup de celles et ceux qui se réclament de la gauche, l’exemple à suivre est celui de la Nupes française, de Magistris, parfois appelé « le Mélenchon italien » aurait du mal à se rêver, lui, en Premier ministre, les sondages créditant l’Union populaire de 1,1 %.
(Photo : L’Unione populare, coalition de gauche pour les élections de septembre 2022)
Côté extrême gauche
Sinistra Anticapitalista, organisation sœur du NPA, a exprimé « une volonté de contribution et de participation à l’Union populaire ». En mettant toutefois une « ligne rouge » : pour elle, pas question d’accepter une alliance avec le Mouvement 5 étoiles, « qui remettrait en cause le périmètre politique d’une gauche alternative et radicale ». Mais, tant de Magistris que Refondation communiste ont multiplié les appels du pied au Mouvement 5 étoiles en vue de constituer un pôle électoral. Même si ces appels ont échoué, Sinistra Anticapitalista a donc finalement décidé de ne pas rejoindre l’Union populaire (… ce que d’ailleurs personne ne lui avait proposé), mais de lui apporter son soutien politique et militant, arguant qu’elle serait « la seule liste dont le programme et le contenu sont alternatifs par rapport au cadre politique dominant actuel ».
De son côté, le Partito Comunista dei Lavoratori (Parti communiste des travailleurs) a proposé une alliance à d’autres groupes d’extrême gauche « pour une présence de classe, internationaliste et anticapitaliste aux élections », en précisant qu’il s’agissait d’une alliance de circonstance, afin de pouvoir recueillir les signatures nécessaires pour pouvoir se présenter [1].
Suite au refus de sa proposition, certaines organisations étant opposées par principe à la participation aux élections, et d’autres invoquant « le caractère contre-productif d’une présence électorale partielle avec des résultats insignifiants », le PCL a annoncé se présenter seul, dans certaines circonscriptions, selon ses possibilités. En fin de compte, il ne sera présent que dans deux circonscriptions, en Ligurie (région de Gênes) et seulement aux élections au Sénat. [2]
En aucun cas, celles et ceux qui se réclament de la classe ouvrière ne doivent se laisser démoraliser par le résultat des élections. Le problème n’est pas de sous-estimer le risque de voir s’installer au gouvernement un parti post-fasciste prônant une politique ouvertement dirigée contre la classe ouvrière, et en particulier les migrants, les pauvres, les chômeurs. Mais la seule façon de s’y opposer est de redonner confiance aux travailleurs dans leurs propres forces et dans leurs luttes, pour faire face aux attaques qui ne manqueront pas, quel que soit le futur gouvernement.
Thierry Flamand
[1] La loi impose aux partis n’ayant pas de groupe parlementaire de recueillir les signatures d’au moins 1 500 personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription pour pouvoir s’y présenter. Et même si ce nombre a, cette fois, été ramené à 750, du fait que les élections étaient anticipées, parvenir à ce but est difficile pour les petits partis. D’autant plus que la période pour recueillir ces signatures était pendant les congés d’été.
[2] En Italie, le Sénat comme la Chambre des députés sont élus en même temps, au suffrage universel, selon un système mixte. Dans un tiers des circonscriptions les sièges sont attribués au suffrage uninominal à un tour (le candidat arrivé en tête est élu) et dans les autres, les sièges sont attribués à la proportionnelle, aux listes ayant obtenu au moins 3 % des voix à l’échelle nationale.
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