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Un livre, deux films

Un monde à gagner – La lutte des classes au tribunal

de Marie-Laure Dufresne-Castets

Mis en ligne le 7 novembre 2017 Convergences Culture

Un monde à gagner – La lutte des classes au tribunal

de Marie-Laure Dufresne-Castets

ed. Don Quichotte, 283 pages, 18,90 €


Avec le livre de Marie-Laure Dufresne-Castets, l’expression « deux poids, deux mesures » prend toute sa dimension. Au fil des chroniques dressées par cette avocate engagée, qui a choisi d’être aux côtés des militantes et militants de la classe ouvrière (dont bon nombre de nos propres camarades) dans bien des aventures qui les dressent contre les patrons, on plonge dans l’arène du droit, machinerie étatique au service de la propriété patronale, mais qu’il est parfois possible de retourner jusqu’à faire de tribunaux un lieu d’« expression de la colère ouvrière […], au sein même de l’institution forgée pour la réprimer ».

L’auteure s’attarde sur quelques affaires qui l’ont marquée : la défense des Moulinex licenciés en 2001, de cégétistes de Renault, les « cinq de Renault Le Mans », licenciés en 2007. Si elle décrit à cette occasion les militants CGT dont elle a apprécié l’énergie et l’efficacité dans le travail commun, elle ne discute pas, car ce n’est pas son propos, la politique qu’ils ont menée, ou celle menée au-dessus d’eux, par les confédérations syndicales, sur lesquelles nous aurions des choses à redire [1]. Ce qu’elle décrit avant tout c’est la politique patronale, tous les artifices utilisés pour licencier massivement ou imposer des accords d’entreprise instaurant de véritables reculs sociaux. Et la répression contre les militants qui s’y opposent.

Elle détaille la lutte pour la défense des Conti, pour celle d’acteurs et leaders de la grève générale de Guadeloupe en 2009, celle d’un militant de l’Arsenal de Cherbourg. Pour une période plus récente, Marie-Laure décortique et dénonce les accords de compétitivité chez Renault, ou encore le scandale du cadmium à la Saft à propos duquel elle se fait journaliste d’investigation autant qu’avocate. Ce à quoi s’ajoutent un épluchage de la récente loi de sécurité intérieure, qui, sous couvert de mettre fin à l’état d’urgence, le rend en réalité permanent ; ainsi qu’un procès du « dialogue social », feuille de vigne de décisions unilatérales d’employeurs pour faire passer, entre autres, de prétendus « plans de sauvegarde de l’emploi » qui ne sauvegardent que le profit des actionnaires.

C’est aussi une plongée dans le monde post-ordonnances Macron, celui de la légalisation de pratiques préexistantes : les grands groupes n’ont pas attendu une quelconque loi pour faire primer des accords de groupe sur des accords d’entreprise afin d’en rayer les maigres protections, pour faire signer des « accords de maintien de l’emploi » s’accompagnant en réalité de charrettes de départs. Dans les cercles feutrés d’avocats patronaux et jurisconsultes du pouvoir, il se dit que bien bête serait aujourd’hui l’employeur qui procéderait à des licenciements secs vu l’armada de combines juridiques à leur disposition depuis des années pour supprimer des emplois en toute discrétion. Armada, dont les « ruptures conventionnelles collectives » prévues par les ordonnances Macron sont la dernière déclinaison.

Et son livre n’oublie pas les pratiques répressives en cours de la direction de PSA-Poissy qui a engagé un procès contre 9 militants CGT, assignés pour une prétendue séquestration (voir l’article sur PSA Poissy dans ce numéro) et que Marie-Laure défendra au tribunal de Versailles, jeudi 16 novembre. Rendez-vous à 11 h pour les soutenir !

Avec cet ouvrage, on est dans les ficelles juridiques patronales mais pas que... On est dans la vie et dans la lutte de ces ouvrières agricoles témoignant en créole à la barre face à des plaignants békés pour soutenir une leader de la grève générale de Guadeloupe en 2009 ; de ces salariés de la Saft témoignant en audience leurs angoisses face aux risques de cancers pulmonaires provoqués par l’intoxication par des doses illégales de cadmium : ils font face à des avocats de la direction qui prétendent allègrement que ces cancers seraient dus à la cigarette et obtiennent un délai permettant au patron de se dégager de toute responsabilité en vendant l’usine pour un euro symbolique à des liquidateurs d’entreprise ! Pendant que des salariés de Goodyear, de leur côté, sont condamnés à de la prison ferme pour une prétendue séquestration de cadres.

De quoi se décourager ? De quoi baisser les bras devant cette justice de classe ? Non bien sûr, et l’auteure termine en rendant hommage aux militantes et militants syndicaux et politiques qu’elle a défendus – du parti communiste à l’extrême gauche pour beaucoup –, dont l’énergie, la chaleur humaine et les convictions que le monde doit changer l’ont aidée en retour dans sa tâche d’avocate. Un genre d’épopée commune... qui n’a pas dit son dernier mot.

Joan ARNAUD


[1Cf entre autres « Moulinex : le pesant silence des dirigeants des confédérations syndicales », LO du 23 novembre 2001.

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Numéro 115, novembre 2017

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