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Syrie : L’impérialisme plus gêné par la révolte que par Assad

Mis en ligne le 24 novembre 2011 Convergences Monde

Mieux valait, semble-t-il, pour les grandes puissances, notamment la France et les États-Unis, avoir Kadhafi mort que vif. Le Canard Enchaîné du 26 octobre révèle les consignes données en ce sens par les services secrets des deux pays : coup de fil d’un colonel du Pentagone à son homologue français pour préciser que, laissé en vie, ce type serait une « véritable bombe atomique »  ; du côté des services secrets français (DGSE), la consigne donnée (notamment aux commandos de militaires français présents sur place) était, dès sa capture, de « livrer le colis à Renard », nom d’une unité spéciale de militaires libyens du CNT. La chasse à courre était lancée dans Syrte, drones US et mirages français à l’appui. On connaît la suite : la capture puis l’exécution. C’est que le dictateur déchu en avait bien trop long à dire sur les multiples marchandages de ces dernières années avec les USA, comme avec la France ou l’Italie. Pétrole, prospection d’uranium, ventes d’armes ou accords pour la chasse aux immigrés d’Afrique noire tentant de rejoindre l’Europe, avaient tissé trop de liens d’amitiés qu’il faut aujourd’hui passer sous silence. Sans compter que le nouveau régime qui se met en place en Libye et que les grandes puissances, avec toute leur armada militaire, ont porté au pouvoir, risque bien, au nom de la charia, de ne pas être moins dictatorial pour les Libyens que le régime renversé. À moins que le peuple libyen, après tant de morts et de mois de sacrifices, n’accepte pas du nouveau régime ce qu’il n’acceptait plus de Kadhafi.

Sur ce terrain des relations aujourd’hui inavouables pour les grandes puissances, le dictateur syrien Bachar El Assad (tout comme son père, qui a régné avant lui de 1970 à 2000) est de la même eau que Kadhafi. Tout comme Kadhafi, les El Assad père et fils, ont été vis-à-vis de l’impérialisme, à plusieurs périodes et de par leur nationalisme, des dictateurs trublions – à la différence des Ben Ali et Moubarak, fidèles alliés de toujours. Mais ils avaient pour les gouvernants des grandes puissances l’insigne avantage d’être, par la poigne de fer qu’ils faisaient peser sur leurs peuples, des facteurs d’ordre dans leur pays et même dans la région pour maintenir dans la misère, contre toute révolte, les peuples pauvres du Moyen-Orient. Nous rappelons quelques faits les plus marquants de cette collaboration entre grandes puissances et gouvernement syrien dans l’article ci-dessous.

C’est bien pourquoi, aujourd’hui que son régime est depuis six mois ébranlé par une vague de révoltes qui ne faiblit pas, malgré la sauvage répression qui a fait déjà 3 000 morts et près de 100 000 arrestations, Bachar El Assad à beau jeu de brandir vis-à-vis des grandes puissances occidentales la menace que son renversement pourrait provoquer dans la région une situation encore plus instable que l’actuelle guerre d’Afghanistan. Appel à leurs intérêts communs en quelque sorte : moi ou le chaos !

Pour enrayer les révoltes dans le monde arabe, les grandes puissances avaient pu sacrifier leurs vieux alliés Ben Ali et Moubarak en s’appuyant sur les chefs des armées tunisienne et égyptienne pour assurer l’intérim, pendant que l’armée de leur grand allié saoudien écrasait la révolte au Barhein. En Libye elles ont eu recours à la guerre directe pour porter au pouvoir la clique d’anciens kadhafistes qui s’étaient proclamés gouvernement de Benghazi. En Syrie elles n’ont pour l’instant, semble-t-il, comme carte de rechange que ce Conseil national syrien (CNS) créé en Turquie et rassemblant quelques notables et chefs de courants d’oppositions en exil, dont la seule force politique réelle semble bien être les frères musulmans syriens. Et elles cherchent une issue dans d’éventuelles négociations entre Assad et ce CNS, avec l’aide de la Ligue Arabe. Quand au président du CNS lui-même, Burhan Ghalioun (universitaire à Paris), il explique dans Libération du 29 octobre que, s’il faut remplacer Assad, il faut sauver l’essentiel de son régime et de son appareil d’État : « faire une distinction claire entre le régime et les institutions de l’État dont l’armée. Nous considérons que la majorité du personnel, y compris sécuritaire, est récupérable et qu’il ne faut surtout pas de débaasification ». En clair il faudrait calmer la révolte par quelques concessions, en conservant l’essentiel du personnel politique au pouvoir, le parti Baas, l’armée qui tire sur la foule et les tortionnaires ! C’est tout juste s’il dit, du bout des lèvres, soutenir les militaires qui désertent, refusant de réprimer. Il les appelle surtout à ne pas tirer sur d’autres soldats, par crainte de dislocation de l’armée.

Que sont ces comités de coordination locaux dans le pays même, dont parle la presse ? Que représentent-ils ? Quel degré d’organisation de la population ? Il nous est bien difficile de le savoir d’ici. Et, à la différence de la Tunisie ou de l’Égypte, il n’y a pas trace dans la presse de grèves ou d’autres mouvements sociaux reflétant une certaine organisation de classe à la révolte syrienne. Pourtant, il n’y a qu’en s’organisant sur ce terrain-là que les dizaines de milliers de Syriens qui manifestent dans de nombreuses villes, affrontent l’armée, pourraient souder leur révolte et déjouer le piège dans lequel cherche à les enfermer le régime qui continue à trouver des appuis dans les minorités religieuses (celle à laquelle appartient le clan des El Assad, les musulmans alaouites, mais aussi les chrétiens ou les druzes), Et, en mettant en avant leurs revendications sociales, indissociables de leur soif de liberté, ne pas se laisser bercer d’illusions par ceux, qui, avec l’appui des grandes puissances, ne veulent remplacer El Assad que pour en finir avec la révolte des pauvres.

12 novembre 2011

Olivier BELIN

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