Recommandations : livres et films
Mis en ligne le 6 septembre 2021 Convergences
Des extraits de critiques de films et de livres, que vous pourrez retrouver sur notre site
Films
La guerre du Vietnam au plus près de ceux qui l’ont vécue
Documentaire de Ken Burns et Lynn Novick, disponible sur Arte Replay
Arte présente depuis début août (disponible jusqu’à février 2022) une série documentaire en neuf épisodes, de 55 minutes chacun, qui balaye trente ans d’histoire du pays et de la région : de 1954, L’Indochine, la fin (défaite du colonialisme français), jusqu’à 1975, L’effondrement (défaite et départ de l’armée américaine). Le documentariste, Ken Burns, dit vouloir ouvrir « un espace au sein duquel différents points de vue pourraient cohabiter », ceux de diplomates américains comme d’anciens du Viêt-Cong. À l’époque en tout cas (c’est ce que montrent les images), c’était la violence déployée par la puissance américaine, qui comptait réduire le camp d’en face en massacrant de façon systématique la population nord-vietnamienne. À noter qu’est disponible aussi sur Arte un documentaire, Afghanistan, pays meurtri par la guerre, qui balaie en quatre épisodes d’une heure chacun plusieurs décennies de l’histoire du pays, des années 50 à aujourd’hui. À voir aussi.
Film de Saeed Roustayi avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh
Le thriller de Saeed Roustayi, cinéaste iranien de 31 ans, nous entraîne dans l’univers de la lutte contre la drogue en Iran. Tout y est en montré : les ravages de la drogue, la misère des bas-fonds de Téhéran, l’atrocité des conditions carcérales, la violence des méthodes policières, la corruption de la justice…
Film de Farid Bentoumi, avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette
Une entreprise pollue toute une région montagneuse. Rouge est la couleur de la poussière omniprésente dans cette usine et des rejets dangereux mais c’est aussi l’engagement syndical d’un père, délégué du personnel qui fait engager sa fille comme infirmière dans l’usine.
Film d’Hubert Viel, avec Laure Calamy, Alice Henri et Bruno Clairefond
Louise, dite Louloute, replonge dans ses souvenirs d’enfance, dans une ferme en Normandie.
Le monde agricole se transforme sous la pression des banques et des grandes entreprises agroalimentaires.
Film de Myriam Verreault
Mikuan et Shaniss grandissent ensemble dans une réserve innue de la province de Québec.
Une réflexion sur la liberté pour le peuple Innu, qui se confondait autrefois avec l’immensité des paysages, mais se limite aujourd’hui à quelques pâtés de maisons dans la réserve.
Un très beau film, adapté d’un livre écrit par Naomi Fontaine, Kuessipan, ce qui signifie « à toi », en innu, comme un message poétique adressé à son peuple.
Livres
Plus aucun enfant autochtone arraché : pour en finir avec le colonialisme médical canadien
Samir Shaheen-Hussain
Lux, à paraître le 16 septembre 2021, 465 p., 24 €, numérique 14,99 €
Shamir Shaheen-Hussain, médecin urgentiste, a été mis en contact avec des enfants inuits. Il a découvert un racisme systémique qui infectait même le milieu médical. En 1876, l’Indian Act, adopté à l’époque, avait pour but de faire des Amérindiens des citoyens de seconde zone et de les sédentariser pour mieux contrôler leurs territoires et leurs ressources. En 1862 on avait sciemment inoculé la variole à des communautés inuites, sur l’île de Vancouver, pour voir comme elles réagiraient….
Combats et métamorphoses d’une femme
Édouard Louis
Seuil, 2021, 117 p., 14 €
Après Qui a tué mon père, Édouard Louis se penche sur la vie de sa mère. Histoire d’une femme de la classe ouvrière qu’un fils devenu écrivain comprend et raconte avec brio.
L’auteur retrace la métamorphose subie d’une jeune femme libre en femme opprimée, puis celle conquise par le combat, d’une plus grande liberté. Ou comment la réconciliation avec le passé de l’auteur peut passer par l’expression de la lutte des classes.
Bien connu des services de police
Dominique Manotti
Gallimard (Folio), 2010, 240 p., 6,9 €
De même que « Panteuil » est une contraction de noms de banlieues, le roman montre en une seule histoire un condensé des pratiques policières. On n’a donc pas sous les yeux seulement une histoire de ripoux, mais aussi la logique de l’institution policière et des individus qui la composent, et c’est glaçant.
Marie Cosnay
Éditions de l’Ogre, 2021, 170 p., 19 €
Le livre de Marie Cosnay reprend un fait de société, « L’affaire Finaly » qui a secoué la France dans les années d’après-guerre jusqu’au milieu des années 1950. Deux enfants, les frères Robert et Gérald Finaly, sont nés d’un couple de Juifs autrichiens qui avaient fui leur pays au printemps 1938. À la fin de l’année 1943, le couple confie les deux petits à une pouponnière catholique. Les parents seront arrêtés, envoyés à Drancy, puis à Auschwitz où ils sont assassinés. Après la guerre, deux sœurs du père demandent à les récupérer. Elles reçoivent un refus catégorique. On leur fait valoir que les enfants ayant été baptisés, ils sont désormais catholiques et qu’il n’est pas question pour eux de réintégrer une famille juive…
Ryan Gattis
Traduction française en poche en août 2016, 8,90€
Roman choral sur les émeutes de Los Angeles en 1992. En 1991 à Los Angeles, quatre policiers s’acharnent sur un conducteur noir, Rodney King. En dépit des images accablantes, les policiers sont relaxés. Commencent alors six jours d’émeutes. Une immersion dans les quartiers pauvres de la deuxième plus grande ville de la première puissance mondiale.
Seule la terre viendra à notre secours : journal d’une déportée du génocide arménien
Serpouhi Hovaghian
Bibliothèque nationale de France, 145 p., 29 avril 2021, 19€
Avant d’entreprendre la marche forcée vers des camps situés à l’intérieur du pays, en Asie mineure, à laquelle sont contraints les femmes et les enfants (les hommes étant en général fusillés ou massacrés en cours de route), Serpouhi confie son bébé à une crèche du Croissant rouge où la petite sera empoisonnée avec tous les autres enfants. Vers la fin de la guerre elle réussit à gagner Istanbul, où la communauté arménienne avait été relativement épargnée, puis s’embarque pour la France où elle reste jusqu’à sa mort à Marseille en 1976. Un témoignage unique et précieux sur ce qui fut le premier génocide du XXe siècle qui, malheureusement, ouvrit la voie à d’autres.
Où sont les gens du voyage ? Inventaire critique des aires d’accueil
William Acker
Éditions du commun, 2021, 224 p. + 200 p. environ de fiches techniques, 18 €
Lorsque le 26 septembre 2019 l’usine Lubrizol, à Rouen, partit en fumées toxiques (elle était classée Seveso à haut risque), ses riverains immédiats étaient les habitants de l’aire d’accueil des gens du voyage du Petit-Quevilly qui ne furent pas évacués. En partant de cet exemple, William Acker, un juriste issu de cette communauté a entrepris de dresser l’inventaire complet de toutes les aires d’accueil existant dans l’Hexagone. Édifiant !
Mathilde Larrère
Éditions du Détour, 2020, 224 p., 18,9 €
Mathilde Larrère, historienne, dresse une histoire des luttes des femmes en France, à la fois complète et très accessible. Elle évoque les luttes de travailleuses comme celles des sardinières (ouvrières d’usines de sardines) de Douarnenez et Concarneau en 1905 et 1924. Des sujets comme les femmes colonisées, la prostitution, le viol sont également abordés. L’ouvrage, très bien documenté, est d’une lecture facile et très agréable grâce au ton direct, engagé et combatif de l’autrice et à son humour.
Les États-Unis sous la plume de Iain Levison
Iain Levison né en Écosse en 1963, a grandi aux États-Unis et étudié la littérature. Dans Tribulations d’un précaire (2002), il raconte avec humour les 42 petits boulots qu’il a enchaînés après sa licence de lettres. Ce regard acéré, on le retrouve dans l’ensemble de son œuvre romanesque. Arrêtez-moi là (2010), s’inspire d’une erreur judiciaire réelle. Dans Pour services rendus (2017), une campagne électorale est l’occasion d’une polémique sur le passé d’anciens combattants au Vietnam. Un voisin trop discret (2021) prend des allures de polar, en mettant en scène deux vétérans déglingués de la guerre en Afghanistan.