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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 28, juillet-août 2003

Pays basque : le gouvernement Aznar s’attaque aux nationalistes radicaux

Mis en ligne le 11 juillet 2003 Convergences Monde

Les grands exclus des élections municipales espagnoles du 25 mai dernier ont été, en Pays basque, les nationalistes radicaux du mouvement Batasuna (Unité), considéré comme la vitrine légale de l’organisation clandestine ETA. En effet leur formation, qui avant le scrutin dirigeait 62 municipalités, comptait dans ses rangs 890 élus locaux et recueillait selon les consultations entre 10 et 15 % des voix, avait été interdite en mars dernier par le Tribunal suprême espagnol.

Dès la fin août 2002 le juge Baltasar Garzon suspendait « provisoirement » pour six mois Batasuna et décidait de fermer tous ses locaux. Dans le même temps, avec le soutien du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le principal parti de l’opposition parlementaire, le premier ministre Aznar faisait adopter par les Cortes une loi rendant illégaux les partis qui refusaient de « désavouer le terrorisme ». Le texte ne visait en fait que Batasuna, ce qui n’empêcha pas Aznar d’expliquer que la lutte contre l’ETA était de même nature que la lutte contre Al-Qaida et d’obtenir l’inscription de Batasuna sur la liste des organisations terroristes du Département d’Etat américain puis de l’Union européenne.

Et, quelques jours avant le scrutin, le Tribunal suprême espagnol déclarait illégales 226 des 241 listes présentées sous des noms divers par les nationalistes radicaux au prétexte que la présence d’un seul ancien membre de Batasuna suffisait à rendre la liste inéligible dans son ensemble.

Toujours là, même dans les urnes

Malgré tout, dans un scrutin marqué par une poussée des nationalistes démocrates-chrétiens (PNV-EA) et de la coalition de la Gauche Unie et un transfert des voix du Parti populaire vers le PSOE, les nationalistes radicaux - qui appelaient à voter nul avec des bulletins spécifiques partout où ils ne pouvaient se présenter - ne sont pas passés inaperçus. 140 000 de ces bulletins nuls ont été dénombrés sur l’ensemble des quatre provinces basques d’Espagne (soit de 8 à 9 % des suffrages) auxquelles il faut ajouter 63 000 voix qui se sont portées sur des listes nationalistes de gauche autorisées, quinze proches de Batasuna, d’autres plus critiques vis à vis de la violence de l’ETA. Et dans certaines villes moyennes comme Oyarzun, Hernani ou le port industriel de Pasajes les votes nuls arrivaient en tête devant ceux obtenus par les autres familles politiques.

Il faut rappeler que les deux formations qui avaient précédé Batasuna et celle qui l’avait suivie [1] avaient déjà été interdites ainsi d’ailleurs que deux journaux quotidiens, Egin, considéré comme proche de ce courant en juillet 1998, et Egunkaria, pluraliste mais entièrement rédigé en basque, le 20 février dernier. De plus, près de 650 militants de l’ETA sont en prison (550 en Espagne et une centaine en France) et on ne compte plus le nombre d’associations de parents de prisonniers, de jeunes et de femmes, d’organisations culturelles et de cafés associatifs des quartiers populaires de Bilbao ou de Saint-Sébastien qui ont maille à partir avec la police ou la justice du fait de leur sympathie réelle ou supposée pour l’ETA.

Dans les toutes dernières semaines le gouvernement espagnol a encore enrichi sa panoplie répressive en instituant une peine incompressible de 40 ans de détention pour les détenus basques condamnés à perpétuité (et qui en général sortaient de prison après 15 ou 20 ans de détention) et en leur interdisant de suivre par correspondance des cours en langue basque auprès de l’Université publique du Pays Basque (EHU-UPV), ce que nombre d’entre eux faisaient depuis des années.

Mais jusqu’à présent cependant cette répression a été incapable de freiner le mouvement nationaliste basque. Bien mieux on a assisté, ces derniers temps, à une certaine radicalisation des nationalistes modérés du très chrétien-démocrate Parti nationaliste basque (PNV) qui, désormais, se prononcent pour la reconnaissance du droit à l’autodétermination des Basques et la création d’un Etat indépendant associé à l’Espagne.

Il est donc douteux que la tentative d’Aznar de museler les nationalistes radicaux puisse être couronnée de succès. Ces derniers se retrouvent désormais absents de la plupart des conseils municipaux. Mais ils ont montré dans le passé qu’ils savaient utiliser bien d’autres tribunes que les assemblées communales pour se faire entendre, et en premier lieu la rue.

Pour l’autodétermination, contre le nationalisme

A terme il n’y aura pas d’issue à la question basque et à son cycle de violences (qui a fait 800 morts et plusieurs milliers de blessés et autres victimes en 20 ans), en dehors de la reconnaissance pour le peuple basque (mais aussi pour les autres peuples de la Péninsule comme les Catalans, les Galiciens, les Aragonais etc.) du droit à l’autodétermination, y compris s’il le désire à se séparer de l’Etat espagnol. Et ce droit devrait être au programme d’un véritable parti ouvrier révolutionnaire espagnol qui, dans le même temps, devrait combattre politiquement et sans relâche les thèses nationalistes, celles des Basques comme celles des autres, radicaux comme modérés et lutter pour une Espagne socialiste au sein de laquelle tous ces peuples pourraient cohabiter sur un pied d’égalité et ainsi s’enrichir mutuellement.

Car la classe ouvrière du Pays basque - qui semble à l’heure actuelle se ranger majoritairement derrière les nationalistes comme l’ont montré les dernières élections syndicales [2] - risque de connaître d’amères désillusions en faisant confiance soit au PNV, soit au courant Batasuna. Le durcissement de ton du PNV, un parti de droite qui contrôle le gouvernement de la Communauté autonome basque, lui a permis de récupérer une partie des voix de la gauche radicale, notamment en refusant de dissoudre le groupe de Batasuna au Parlement basque. Cela devrait le mettre en position plus favorable dans ses tractations avec le gouvernement de Madrid pour obtenir la dévolution de nouvelles prérogatives prévues dans le statut d’autonomie de Guernica de 1979 [3].

Quant à la mouvance ETA/Batasuna - si elle conserve encore la sympathie de nombreuses couches populaires du fait de sa lutte courageuse sous le franquisme et de l’abnégation de ses militants - le radicalisme de ses méthodes d’action (guérilla urbaine, attentats, envois de colis piégés) va de pair avec un conservatisme social et politique qui l’a conduite à abandonner la phraséologie socialisante et tiers-mondiste qu’elle avait adoptée dans les années 1970 en faveur d’un discours purement nationaliste qui met dans le même sac tous les Espagnols qu’ils soient pauvres ou riches, ouvriers ou patrons, journalistes ou gardes civils, universitaires ou militaires, de droite ou de gauche... Et son terrorisme aveugle - qui prend désormais pour cibles aussi bien des membres de la Police nationale que des prolétaires et leurs familles en vacances sur la Costa Brava ou la Costa del Sol - n’a fait qu’aider Aznar à justifier ses mesures répressives aux yeux d’une grande partie de la population laborieuse d’Espagne.

30 juin 2003

Léo STERN


[1Herri Batasuna (Unité Populaire), Euskal Herritarok (Ceux du Pays Basque), Audeterminaziorako Bilgunea (AuB ou Plate-forme pour l’autodétermination)

[2En 2001 les deux syndicats nationalistes ELA (lié au PNV - 41%) et LAB (lié à Batasuna - 17%) recueillaient ensemble presque 60% des suffrages contre 18% aux Commissions ouvrières (plus ou moins liées au PCE) et 15% à l’UGT (liée au PSOE).

[3Côté français, ce type de marchandages a de nombreux adeptes parmi les nationalistes basques qui, dans leur grande majorité, cultivent les illusions sur les possibilités qu’offriraient les projets de décentralisation du gouvernement Raffarin concernant la création d’un éventuel département Pays Basque ou d’une Université de pleine exercice à Bayonne. Enbata, le principal hebdomadaire de cette mouvance, qui va de la gauche contestataire aux centristes, a publié le 12 juin un éditorial très critique vis à vis du mouvement des enseignants. Intitulé « Itsukeria eta imobilizmoari ez » (« non à l’aveuglement et à l’immobilisme »). Il les accuse d’être corporatistes et affirme que le transfert aux régions des lycées, aux départements des collèges et d’un certain nombre de services sociaux a été très positif.

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Numéro 28, juillet-août 2003