
Flic
de Valentin Gendrot
(éd. Goutte d’Or, septembre 2020, 18 euros)
Le texte ci dessous est la critique parue dans Convergences révolutionnaires no 133, imprimé, une version plus longue est disponible sur notre site.
Quelle meilleure manière pour connaître la police de l’intérieur que de devenir flic soi-même ? En septembre 2017, Valentin Gendrot, journaliste de profession, décide d’intégrer l’École nationale de police à Saint-Malo. Une fois diplômé, il finit par intégrer une brigade du commissariat du 19e arrondissement de Paris.
L’immersion dans le livre est totale. Tant la méthode d’investigation que la plume font penser à Florence Aubenas qui avait partagé puis relaté le quotidien de travailleurs précaires dans le très recommandable Quai de Ouistreham.
« En théorie, les flics sont censés lutter contre la violence, le racisme et le sexisme dans la société. En pratique, ils en sont souvent un avant-poste. » (extrait de Flic)
L’immersion dans le livre est totale. Tant la méthode d’investigation que la plume font penser à Florence Aubenas qui avait partagé puis relaté le quotidien de travailleurs précaires dans le très recommandable Quai de Ouistreham [1].
La profession attire avant tout des hommes aux affinités politiques qui penchent bien à droite. Un des condisciples de l’auteur lui révèle avec fierté son passé de néo-nazi. Un autre fait étalage de sa haine des migrants et des Arabes. Le cœur de l’ouvrage est consacré aux mois passés par l’apprenti-flic au sein du commissariat du 19e arrondissement. L’auteur y raconte les violences quasi-quotidiennes sur les gardés à vue ou lors des interpellations, principalement à l’encontre de migrants ou de jeunes du quartier que les flics appellent systématiquement « les bâtards ». Désignation souvent accompagnée d’un cortège d’insultes racistes. L’ambiance dans le commissariat est d’un virilisme crasse mâtiné de sexisme. Valentin Gendrot relate également les échanges entre collègues sur un groupe Whatsapp. Un commentaire à l’issue d’une manifestation ? « PD de Gilets jaunes »…
Comme le relevait déjà Didier Fassin dans son enquête [2], le quotidien policier est du reste marqué par la monotonie et l’ennui : il ne se passe rien ou pas grand-chose. Les contrôles d’identité sans raison s’enchaînent. L’objectif est « faire du chiffre ».
Le livre fourmille ainsi d’anecdotes plus révélatrices les unes que les autres. Entre autres scènes de violences gratuites, celles infligées à un adolescent dans la fourgonnette. Le jeune finit par porter plainte. Toute la brigade couvre le policier responsable en faisant de faux témoignages, dont l’auteur du livre, pris dans l’engrenage policier et ne voulant pas trahir sa couverture…
Que faire du « mal-être » policier ?
Valentin Gendrot s’appesantit également dans son livre sur le « mal-être » des policiers qu’il côtoie. Il décrit notamment l’émoi suscité par le suicide d’un agent du commissariat et relate la dégradation des conditions de travail des policiers « de base » : locaux décrépits, voitures vieillottes, etc. Oui, l’État fait des économies partout, y compris lorsqu’il s’agit de payer ses propres chiens de garde… Mais aucune réforme de la police – qu’elle soit de proximité ou non – ne lui enlèvera son rôle fondamental : défendre cet ordre social inégalitaire.
Boris Leto