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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 83, septembre-octobre 2012

Les accords de « Flexibilité » et de « Compétitivité » : Sarkozy en a rêvé, Hollande le fait

Mis en ligne le 9 octobre 2012 Convergences Politique

  • 25 juillet : PSA annonce les conditions et modalités de la fermeture du site d’Aulnay.
  • Le lendemain, 26 juillet  : Sevelnord, propriété du groupe PSA, annonce la signature d’un « accord sur l’adaptation des conditions de travail, la pérennisation des emplois et le développement ».

En deux jours, PSA devient l’emblème et le laboratoire des deux volets des attaques anti-ouvrières du moment. Licenciements massifs d’un côté, chantage à l’emploi des accords de flexibilité et compétitivité de l’autre.

  • 14 septembre : dans la lancée de la Conférence sociale de juillet, le ministère du Travail amorce un long cycle de négociations avec les « partenaires sociaux », en vue d’un « accord gagnant/gagnant ». Michel Sapin, ministre de l’Économie, annonce une « flexisécurité » ayant pour but « la sécurisation des emplois pour les salariés, mais aussi pour les entreprises elles-mêmes ». Même objectif que celui proposé par Nicolas Sarkozy en janvier dernier avec ses projets d’« accords compétitivité-emploi », assaisonné de prétendues « garanties juridiques » aux deux parties, avec une durée légale du travail qui ne serait pas modifiée… « en droit ».

Les confédérations syndicales se bousculent à la table des négociations. François Chérèque, toujours zélé, invite syndicats et patronat à signer « au plus vite » un vaste accord, afin de « sécuriser ce type de négociations donnant-donnant ».

Le « modèle » Sevelnord

C’est le patronat qui cette année a tiré le premier, le 26 juillet 2012 à Sevelnord (Valenciennes), en faisant signer par tous les syndicats du site, sauf la CGT, un « accord sur l’adaptation des conditions de travail, la pérennisation des emplois et le développement », dans une entreprise qui est déjà passée en dix ans de 4 500 à 2 700 salariés.

Depuis la cessation du partenariat avec Fiat, Sevelnord est filiale à 100 % de PSA. L’accord, basé sur un énième chantage à l’emploi, serait (malheureusement) assez classique si les attaques sur les droits, rémunérations, carrières et conditions de travail n’étaient encore plus lourdes et surtout présentées comme un véritable « prototype », notamment par le syndicat patronal UIMM (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie), qui en a construit l’architecture depuis plusieurs années. Son président, Frédéric Saint-Geours, n’est autre que celui… de PSA Finance. Un tout petit monde ! Son CV est celui d’un partenaire privilégié de la gauche : en 1981 au cabinet du ministre des Transports et, de 1984 à 1986, directeur de cabinet du secrétaire d’État au Budget Henri Emmanuelli. Sous Hollande, le voilà satisfait d’une avancée historique pour le patronat qu’il voudrait extensible bien au-delà de la métallurgie.

Salariés « donnant-donnant », patrons « gagnant-gagnant »

Au menu de l’accord Sevelnord :

  • Gel des salaires sur au moins deux ans ;
  • Perte de quatre jours de RTT pour les Cadres, et pour les techniciens et ouvriers en horaires de journée. Les sept restants sont placés par la direction.
  • Suppression d’un jour de congé au titre de l’annualisation sur les deux dont disposaient les ouvriers ;
  • Instauration d’une prime complémentaire de 350 à 400 euros qui, de fait, remplacera la prime d’intéressement de 1 000 euros en moyenne par an ;
  • Temps de rattrapage quotidien non payé de 21 minutes « lorsque la production journalière n’est pas atteinte », ce qui décale la fin l’équipe du soir de 42 minutes. Les salariés peuvent n’être prévenus que deux heures à l’avance.
  • Organisation du temps de travail sur un cycle de plusieurs semaines avec des semaines pouvant varier de trois, quatre, cinq à six jours ;
  • Suppression de la majoration des rémunérations pour les séances supplémentaires du samedi ; suppression des limites aux heures supplémentaires collectives ; suppression de la prime pour toute durée de travail supplémentaire, supérieure à quatre heures ;
  • Mobilité interne à Sevelnord devenue « prérogative de l’employeur », avec un délai de prévenance compris entre cinq et dix jours. Le salarié peut être muté vers un poste de qualification inférieure, son accord n’étant nécessaire que dans le cas où l’affectation est supérieure à une année (en cas de sous-activité). Les salariés pourront faire une croix sur les avancements de carrière, car si on rétrograde les uns, ce n’est pas pour promouvoir les autres…
  • Mobilité externe à deux volets. Le premier par lequel la mobilité pourra s’étendre à tous les sites PSA du groupe et qui se fera au prétendu « volontariat ». Le second volet consiste, en vertu de l’accord UIMM du 7 mai 2009, à développer le « prêt de main-d’œuvre », à n’importe quelle entreprise de la métallurgie du Nord-Pas-de-Calais. La direction est déjà en négociation avec Pôle emploi pour étendre le prêt de main-d’œuvre à d’autres secteurs hors métallurgie et même hors industrie… Le « prêt » se fera au « volontariat » mais, en période de sous-activité, si les « volontaires » manquent, la direction pourra recourir au chômage partiel, avec rémunération minorée à 60 % ;
  • Le tout sera agrémenté d’un assouplissement du recours à l’intérim.

Objectif affiché de la direction : gagner 1 000 euros par véhicule produit. Objectif moins affiché : supprimer près de 500 postes supplémentaires (selon la presse), 1 000 selon les calculs de la CGT. Et, pour ce faire, il y a l’accord de Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences de 2010, et son fameux « observatoire des métiers » qui définira quel secteur ou service doit être vidé au gré de la direction à coup de mobilités internes, externes, départs, tout ça au « forçariat ».

Marché de dupes aux frais du contribuable

Comme dans tous les accords de ce type, les engagements de la direction n’engagent que ceux qui y croient. PSA annonce ne pas recourir à un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) durant les trois prochaines années, à condition bien sûr que Sevelnord soit choisie par la maison mère pour produire le nouveau véhicule « K-zéro ».

Quoi qu’il en soit, la signature d’un tel torchon a été célébrée par les politiciens locaux, qui se sont réjouis de ce qui a été présenté comme un sauvetage de Sevelnord. Borloo et consorts ont salué l’« exemplarité » de l’accord notamment dans « le dialogue entre les représentants du personnel et la direction de PSA qui a permis en juillet de signer un accord capital aboutissant à une réduction des coûts de production », tout en annonçant que les collectivités publiques soutiendraient PSA et son nouvel associé Toyota, via des aides publiques au frais du contribuable. Un franc succès en tout cas : Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault, a indiqué le 27 septembre, en marge du Mondial de l’automobile, qu’il aimerait conclure dans les prochains mois un accord de compétitivité dans l’ensemble de ses usines françaises.

Léo BASERLI, 29 septembre 2012


Chantage à l’emploi et accords piégés : les précédents

Ce type d’accords de Flexibilité / Compétitivité, dont Sevelnord est un des pires exemples, a-t-il jamais sauvegardé le moindre emploi ? Il n’y a qu’à regarder ceux qui ont précédé.

  • Renault-Vilvorde (Belgique) : en 1993, les syndicats négocient un plan de flexibilité et d’investissement visant prétendument au maintien de l’emploi. En 1997, Renault annonce la fermeture.
  • Sur le site PSA de Ryton en Angleterre, de 4 500 salariés en 2003, il n’en reste plus que 2 300 en 2007. Entre-temps, la direction impose sacrifices sur sacrifices à coup d’accords de flexibilité : baisse de 20 % les salaires, suppression de l’équipe de nuit en 2004 (700 licenciements), de l’équipe VSD en 2005 (850 licenciements). PSA (qui avait touché 20,8 millions d’euros de subventions depuis 2003) annonce la fermeture du site : 2 300 licenciements et suppression de 12 000 emplois induits.
  • Bosch à Vénissieux (Rhône) est menacé de fermeture en 2005. Les syndicats signent un accord de réduction des coûts salariaux en échange d’investissements. Après la perte de six jours de RTT, une diminution de la rémunération du travail de nuit et le blocage des salaires durant trois ans, les syndicats obtiennent l’engagement de la direction au maintien et au développement du site. L’accord est renouvelé en 2010, pour l’investissement dans de nouvelles chaînes de montage. 400 postes ont été perdus en cinq ans, soit la moitié de ses effectifs.
  • General Motors à Strasbourg (Bas-Rhin) : en juillet 2010, la direction de l’usine veut baisser ses coûts de main-d’œuvre pour une reprise de l’activité. En échange d’un carnet de commandes dont elle prétend qu’il est assuré jusqu’en 2014, elle obtient l’abandon de six jours de RTT sur seize, le gel des salaires durant deux ans et la suppression de la prime d’intéressement jusqu’en 2013. Les salariés se prononcent à 70 % pour. Les syndicats soutiennent le compromis, exceptée la CGT majoritaire sur le site. Aujourd’hui GMS est un des sites menacé de fermeture.
  • Goodyear. En 2007, la direction demande des « efforts » sur ses deux usines pour faire face à la crise avec le passage d’équipes des 3×8 aux 4×8. Les 35 heures seront ainsi calculées annuellement. Le PDG s’engage à augmenter ses investissements et à garder les emplois. Si l’accord n’est pas signé, il menace de fermer les deux usines. Ceux du site d’Amiens-Sud acceptent et quatre syndicats signent l’accord début 2009. Les ouvriers d’Amiens-Nord, refusent le chantage à 87 %. La direction tente de fermer le site depuis deux ans. Jeudi 27 septembre, Henry Dumortier, directeur général de Goodyear Dunlop France, déclare que « un retour à un plan social avec licenciements est une option parmi d’autres ».
  • Continental à Clairoix (Oise). En 2007, la direction veut baisser de 8 % le coût de sa masse salariale. Le syndicat CFTC, majoritaire, accepte (contre l’avis de la CGT et d’autres syndicats minoritaires) de signer l’accord, qui fait passer le temps de travail de 35 à 40 heures avec une hausse de salaire de 92 euros. Le groupe promet que le site sera maintenu et ses carnets de commandes remplis jusqu’en 2012. Mais, en 2009, la direction annonce la fermeture du site. Les Conti entament la longue lutte que l’on sait, derrière leur porte-parole Xavier Mathieu.
  • Peugeot Motocycle (2 sites : Doubs et Haut-Rhin). Le groupe menace de délocalisation. Pour maintenir la « compétitivité » des sites français, la direction propose aux syndicats, en 2008, un accord qui revient sur les 35 heures. Les syndicats acceptent la suppression de la moitié des RTT, et de la totalité du temps de pause, le tout sans compensation salariale. En échange, la direction promet un nouveau modèle de scooter un an plus tard. En 2012, la direction a délocalisé quand même une partie de la production, fermé un site et supprimé des emplois sur l’autre.

Voilà le genre de grande « négociation nationale » à laquelle le gouvernement socialiste appelle les confédérations syndicales, qui s’y prêtent avec complaisance. Mais c’est cela que les travailleurs de toutes les entreprises qui licencient auront raison de refuser, en coordonnant leurs ripostes.

L. B.

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Numéro 83, septembre-octobre 2012