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Intermittents et précaires

Interview

Mis en ligne le 24 septembre 2014 Convergences Société

Nous avons rencontré Daniel [1], travaillant comme technicien-son depuis dix ans pour le théâtre.

➤Convergences révolutionnaires : tu es intermittent à plein temps ?

Daniel : Intermittent n’est pas un métier, c’est un régime de chômage, légèrement différent du régime général. Il y a des intermittents soudeurs, menuisiers, comédiens, électriciens, musiciens. Leur particularité, c’est qu’ils exercent ces métiers dans le cadre de la création de spectacles donc toujours pour des missions temporaires. Par contre, lors d’une mission il est plus fréquent d’être à 48 heures par semaine que 35 ou 39, donc un gros temps plein.

➤C.R. : As-tu un lieu de travail fixe ? Combien d’employeurs as-tu dans l’année ?

D. : J’ai quatre à cinq employeurs principaux par an, mais chaque employeur peut avoir besoin de moi sur plusieurs lieux. On est amené à beaucoup se déplacer : je peux avoir jusqu’à 50 contrats de travail par an. Les périodes de travail discontinues ont conduit à une méthode de calcul particulière de notre chômage.

Par rapport au régime général, le statut a des avantages et des inconvénients. Nous avons besoin de faire un peu moins d’heures que les autres travailleurs pour avoir le droit à une indemnité chômage, mais elle dure beaucoup moins longtemps. Ce statut a été créé pour coller à la réalité du marché du travail dans le spectacle, c’est-à-dire la vie professionnelle de salariés qui ont toujours des périodes de chômage entre deux projets artistiques mais qui ne restent jamais longtemps au chômage.

➤C.R. : Mais il y a aussi beaucoup de contractuels à La Poste, de CDD dans l’industrie…

D. : Il existe d’autres régimes spéciaux comme les intérimaires et les saisonniers, qui ont été aussi attaqués par la dernière réforme de l’Unedic pilotée par le Medef et ratifiée par le gouvernement. Au final, ce sont tous les régimes d’indemnités chômage qu’il faut défendre, car ils sont tous attaqués.

➤C.R. : Comment s’est déroulé le mouvement de cet été ?

D. : Il a fallu trois mois au milieu du spectacle pour se mobiliser. Au début, quelques intermittents ou permanents syndiqués ont informé leurs collègues. Puis il y a eu des occupations de Pôle Emploi pour toucher des intermittents qui ne seraient pas encore au courant. Ensuite des «  Marches pour la culture » comme celle organisée le 17 mai. En général, les salariés débrayaient deux ou trois heures pour aller à la manif sans gêner le fonctionnement de leur lieu de spectacle. Souvent, il y avait l’argument que trop d’artistes perdraient leur statut en faisant grève, on choisissait donc des actions sans faire grève. À partir de juin, l’idée de la grève devint par endroits plus évidente et permit d’avoir des lieux de rendez-vous permanents pour les intermittents mobilisés (AG importantes à la grande halle de la Villette et le 13 juin, piquet de grève au Théâtre de la Colline). Cela a préparé les manifestations en commun avec les cheminots. Mais, avec la multiplication des lieux en grève, les discours des médias sur les privilèges se sont fortement durcis, ce qui a renforcé les tièdes dans l’idée qu’on allait, avec la grève, se mettre le public à dos. Alors que l’on constatait l’inverse.

➤C.R. : Est-il facile de faire grève dans un théâtre ?

D. : Malgré une politisation un peu plus élevée que dans d’autres milieux, il y a des difficultés. Les intermittents et le personnel permanent des théâtres, travaillant sous des statuts différents, n’ont pas toujours les mêmes priorités. Par ailleurs, il y a des différences entre les techniciens et les artistes. Ces derniers ont souvent plus de difficulté à obtenir le statut. Du coup, chaque jour de grève compte double d’une certaine manière : ils perdent une journée de salaire, mais aussi les heures de travail si précieuses pour obtenir le statut et ne pas tomber au RSA. De plus, il est fréquent que les artistes veuillent organiser des actions spectaculaires sans forcément annuler les spectacles. Mais les médias ne parlent généralement que des annulations, même si c’est pour les condamner, et alors que le public est souvent de notre côté.


[1Le prénom a été changé.

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Numéro 95, septembre-octobre 2014