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Un livre, un film

Pour tout savoir sur le 22 mars 1968 à Nanterre

Derrière la vitre

de Robert Merle

Mis en ligne le 23 mars 2018 Convergences Culture

C’est la chronique d’une journée, le 22 mars 1968, presque ordinaire pour la grande masse des étudiants de Nanterre – nouvelle fac délocalisée en 1964 et toujours en chantier –, concentrant douze mille jeunes entre voies de chemin de fer, immense bidonville de travailleurs algériens et chantiers de construction. Journée prélude à mai 1968 : des étudiants « gauchistes », dont Daniel Cohn-Bendit et Daniel Bensaïd, occupent la salle du Conseil des professeurs, située à l’étage hiérarchique supérieur de la tour administrative.

Derrière la vitre

de Robert Merle

Collection Folio Gallimard, 9,40 euros.


Il y a 50 ans

Pour tout savoir sur le 22 mars 1968 à Nanterre

C’est la chronique d’une journée, le 22 mars 1968, presque ordinaire pour la grande masse des étudiants de Nanterre – nouvelle fac délocalisée en 1964 et toujours en chantier –, concentrant douze mille jeunes entre voies de chemin de fer, immense bidonville de travailleurs algériens et chantiers de construction. Journée prélude à mai 1968 : des étudiants « gauchistes », dont Daniel Cohn-Bendit et Daniel Bensaïd, occupent la salle du Conseil des professeurs, située à l’étage hiérarchique supérieur de la tour administrative. Autour de la table ovale (dont l’extrémité haute était habituellement réservée au doyen Grappin), ce fut une nuit d’assemblée générale fébrile, en riposte à l’arrestation deux jours avant, le 20 mars, de six des trois cents manifestants qui avaient saccagé le siège de l’American Express à Paris, en marge d’une manifestation contre la guerre au Vietnam.

Le propos de Robert Merle, c’est le climat politique de l’avant mai 68 et les grandes questions qui agitent le milieu étudiant comme la société. Mais il les aborde par l’art du détail, le prisme d’expériences et réactions personnelles. Parmi la vingtaine de personnages, étudiants et enseignants, il y a les apolitiques et les « politiques ». Une galerie de portraits cocasse, mordante, à la fois hilarante et émouvante – un regard cinglant sur la hiérarchie professorale, davantage de tendresse à l’égard des divers types d’étudiants, de milieux aisés ou dans la dèche, vantards ou laborieux. Toutes et tous pris dans les affres d’apprentissages amoureux et politiques – entremêlés [1]. Les filles sont montrées comme elles étaient souvent, plutôt dans l’ombre des « héros » autoproclamés… mais généralement bien plus fines.

Tous les « gauchistes » de l’époque sont croqués : les maoïstes ou « pro-chinois », les trotskystes de divers courants (JCR [2] ou FER [3]), les anarchistes de tout poil, dont Cohn-Bendit – verbe haut, yeux bleus perçants, tignasse rousse –, et les staliniens de l’UEC [4] – tels qu’en leurs certitudes. Le grand parti de la classe ouvrière, le Parti communiste, auquel ils étaient adossés ne pouvait pas se tromper quand il traitait les étudiants en révolte d’aventuristes, de provocateurs, de fils à papa irresponsables…

La vitre dont il est question dans le titre du roman est celle des chambres de la cité U séparant les étudiants des ouvriers qui sont de l’autre côté, sur les échafaudages des chantiers proches. Séparation mais aspiration à se retrouver. Un rapprochement déjà dans l’air et dans les envies d’une partie de la jeunesse estudiantine en révolte. Mai 68 arrivait dans un contexte de montée des luttes ouvrières, en particulier durant l’année 1967. La convergence couvait et allait imprimer sa marque aux « événements » de mai 68 en France. Étudiants, ouvriers, comment briser la vitre ? Une question toujours d’actualité…

En 1970, quand il écrit ce livre, Robert Merle est lui-même prof d’anglais à Nanterre, peut-être jaloux à 60 ans [5] de ne pouvoir en être. Il n’est pas spécialement tendre pour les « gauchistes » mais l’est moins encore pour les staliniens. Au lecteur de juger… Son reportage, heure par heure, de cette journée du 22 mars 1968 est en tout cas de l’excellente sociologie politique et littéraire.

Michelle VERDIER


[1L’époque n’était pas à la mixité hommes/femmes et un an auparavant, en mars 1967, des étudiants avaient envahi le pavillon des filles de la cité universitaire pour y imposer leur droit de visite. Pour les filles, rendre visite aux garçons était une tolérance mais pas un droit.

[2Jeunesse communiste révolutionnaire, jeunesse de la future LCR.

[3Fédération des étudiants révolutionnaires, jeunesses étudiantes du courant trotskiste lambertiste.

[4Union des étudiants communistes, liés au Parti communiste français.

[5Le romancier Robert Merle a eu le prix Goncourt, en 1949, pour son premier roman Un week-end à Zuydcoote relatant l’épisode de juin 1940, durant la seconde guerre mondiale, où des troupes anglaises et françaises furent acculées par l’armée allemande sur cette plage de la Manche, une partie embarquée in extremis, l’autre faite prisonnière (dont Robert Merle qui a personnellement vécu l’événement). Merle a ensuite écrit un très grand nombre de romans, dont le célèbre La mort est mon métier.

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