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Syrie

Une explosion sociale ensevelie sous la guerre

Mis en ligne le 29 septembre 2013 Convergences Monde

En 2000, la Syrie était déjà grevée de dettes que les maigres rentes pétrolières ne permettaient guère de résorber. La crise a encore aggravé la situation. En 2010, le chômage atteignait 25 % tandis que plus de 30 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, que les prix montaient en flèche, y compris ceux des produits de première nécessité (auparavant subventionnés). Misère accrue d’un côté, corruption et arbitraire policier de l’autre, les ingrédients qui avaient provoqué les explosions en Tunisie et en Égypte étaient là.

Le 26 janvier 2011, imitant le geste désespéré du jeune tunisien Mohamed Bouazizi, un jeune syrien, Hasan ali Akleh, s’immolait dans la ville d’Al-Hasakah. Mais c’est de la ville de Deraa que vint l’explosion lorsque, le 6 mars 2011, une quinzaine de collégiens furent jetés en prison pour avoir tagué des slogans hostiles au régime. Ce nouvel abus de pouvoir enflamma la ville. L’armée et la police tirèrent sur les manifestants. Et la colère se propagea de ville en ville.

Comme dans les autres révoltes des pays arabes, toutes les couches de la société s’en sont mêlées, en premier lieu les jeunes lycéens ou chômeurs. Mais on n’a pas vu d’intervention de la classe ouvrière en tant que telle, comme en Tunisie et en Égypte où des grèves ont contribué à ébranler les régimes. En tout cas, s’il y en a eu, elles n’ont pas suffi à marquer le mouvement et lui donner une ossature.

La composante religieuse ou communautaire qui est aujourd’hui dominante dans la guerre en Syrie n’a pourtant grandi qu’après, quand la constitution de groupes armés a répondu à la violence de la répression. Des responsables de communautés ou de groupes religieux se sont alors érigés en chefs. Même si certaines fractions, notamment les Frères musulmans, préexistaient.

Dans la Syrie, qui regroupe plusieurs confessions – des musulmans sunnites (la majorité), des minorités chiites ou alaouites (une des variantes du chiisme) ou chrétiennes – les cadres de l’appareil d’État et la fraction de la bourgeoisie qui leur est liée sont essentiellement alaouites. C’est la minorité à laquelle appartient le clan Assad. Mais la majorité des alaouites sont, eux aussi, des pauvres : entre autres, dans ce quartier alaouite de Damas, appelé Ish’al Warnar, où 70 000 habitants s’entassent dans des taudis rappelant les camps de réfugiés palestiniens.

La propagande d’Assad – présentant la révolte comme un complot de la population sunnite téléguidée par les Frères musulmans – et, en retour, celle des groupes intégristes – dont certains n’hésitent pas à promettre aux minorités religieuses un sort funeste – ont créé le climat actuel de guerre civile communautaire. C’est ainsi qu’Assad a pu récupérer le soutien non seulement de la communauté alaouite mais aussi celui de la minorité chrétienne.

Face à Assad ne surnagent aujourd’hui que les divers groupes armés, groupes religieux ou troupes de l’Armée syrienne libre, constituée au départ par des fractions de l’armée syrienne qui ont déserté. Ces troupes se partagent les « régions libérées » ou les quartiers en révolte, quand ils ne s’y battent pas entre eux pour le pouvoir. Leur poids dépend en grande partie des soutiens financiers et des armes qu’ils obtiennent de leurs fournisseurs respectifs : Arabie saoudite, Qatar ou même Turquie.

Dans tout cela, le peuple syrien a-t-il son mot à dire ? Vis-à-vis des divers chefs des fractions armées de la rébellion, certainement pas. Il n’est pas plus représenté par les notables, intellectuels ou hommes d’affaires émigrés, sur lesquels les grandes puissances ont tenté de s’appuyer au début pour constituer des embryons de gouvernement provisoire.

Ce qui ne signifie pas que le peuple syrien voie avec indifférence la guerre usurper sa révolte, et sa jeunesse s’y faire happer par un camp ou un autre. De petits groupes de militants révolutionnaires communistes en exil évoquent l’apparition au cours de la révolte de « comités populaires au niveau des villages, quartiers, villes et régions ». Quelle est, ou a été leur réalité, leur importance ? Qu’en reste-t-il après des mois de guerre ? Des réactions, y compris vis-à-vis des petits apprentis dictateurs qui se disent chefs du peuple, il y en a probablement. La presse a évoqué par exemple, dans la ville de Raqqa au nord du pays, des manifestations d’habitants contre le groupe armé islamiste (proche d’Al-Qaïda) qui contrôlait la ville.

Mais ce n’est pas cela qui apparaît au premier plan. La guerre, engendrée par la répression sauvage d’Assad, entretenue par les pays qui soutiennent tel ou tel groupe armé au gré de leurs propres intérêts, est un moyen de bâillonner, ou plutôt d’écraser, la contestation sociale.

Marcel DOUGLAS

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Numéro 89, septembre-octobre 2013