Tribune libre : Combattre l’islamophobie
Mis en ligne le 29 septembre 2013 Convergences Politique
En juin dernier, une série d’agressions contre des femmes musulmanes voilées et de contrôles policiers brutaux et racistes suscitait de vigoureuses réactions de la population. Deux manifestations réunissant un millier de personnes avaient lieu à Argenteuil, à l’initiative d’un collectif d’habitants, et le commissariat de Trappes était assiégé par des centaines de personnes révoltées par le comportement de la police.
Les femmes sont les principales victimes de la vague d’islamophobie [1]. Les incessantes campagnes médiatiques et politiciennes qui stigmatisent les Musulmans – que ce soit au nom de la laïcité, sous prétexte de défendre les droits des femmes, ou de façon plus ouvertement xénophobe – les ont désignées comme des cibles et ont encouragé les éléments les plus racistes de la population a donner libre cours à leur haine.
Depuis l’interdiction du foulard islamique à l’école, interdiction qui pouvait alors sans doute se justifier dans la mesure où il s’agissait de l’imposer à des scolaires mineures, nous avons assisté à une véritable escalade de mesures et de campagnes islamophobes :
- Campagne contre le voile intégral initiée par le député du PCF André Gérin, et reprise par Copé et Sarkozy, qui a eu une ampleur exceptionnelle, comme s’il s’agissait d’un problème national prioritaire, alors qu’on ne recense que quelques centaines de femmes intégralement voilées.
- Campagnes contre les mosquées et la viande halal.
- Campagne contre les prières de rue.
- Campagne pour interdire à des mères de familles portant le foulard d’accompagner des sorties scolaires.
- Campagne pour étendre aux entreprises privées l’interdiction du port de signes religieux, avec une proposition de loi de l’UMP et une déclaration de Hollande prenant l’affaire Baby loup [2] comme prétexte.
- Campagne pour interdire le port du voile à l’université, initiée par le Haut commissariat à l’intégration et soutenue par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
Début septembre 2013 encore, la « Charte de la laïcité », gadget lancé par le ministre de l’Éducation Vincent Peillon, ciblait de toute évidence, bien que de façon un peu plus discrète, les Musulmans.
L’islamophobie, en se parant de vertus « laïques », « républicaines », voire « féministes » et « anti homophobes », est devenue une forme de racisme politiquement correct sur lequel surfent politiciens de droite et de gauche. C’est un outil de diversion bien utile, avec la chasse aux Roms, dans une période où les mesures anti-sociales pleuvent sur la population. Dans un pays dont l’histoire est marquée par de sanglantes guerres coloniales, ces campagnes réveillent ou avivent un racisme latent, qui n’osait plus s’exprimer ouvertement, en lui donnant un visage respectable. L’islamophobie risque aussi de jouer, comme l’antisémitisme hier, un rôle de dérivatif face aux problèmes engendrés par la crise économique.
Il convient donc d’identifier clairement ce phénomène spécifique et relativement nouveau, qui a pris le relai du vieux racisme anti-arabe et s’est mélangé avec lui, et de le combattre. Malheureusement, la gauche et l’extrême-gauche semblent paralysées face à la montée de ce phénomène. L’extrême-gauche organisée était ainsi quasiment absente des ripostes populaires aux agressions d’Argenteuil et de Trappes. La crainte de « faire le jeu des islamistes » aboutit paradoxalement à leur laisser le terrain – bien que l’association qui s’est constituée à Argenteuil ne soit d’ailleurs nullement « islamiste », même si ses animateurs sont des Musulmans.
C’est un fait que l’extrême-gauche est divisée entre ceux qui, à des degrés divers, ont cautionné les mesures d’interdiction du voile et du foulard au nom de la défense des droits des femmes, nié le phénomène spécifique de l’islamophobie en rejetant ce terme sous des prétextes divers, et ceux qui y ont vu des mesures de stigmatisation liberticides. Mais, non seulement on ne libère ni les femmes ni les peuples de force, mais ces mesures et campagnes ont eu un effet strictement inverse à celui escompté. Les femmes, qui seraient contraintes de porter le voile ou le foulard par leur entourage, non seulement ne sont pas protégées par ces mesures, mais en sont doublement victimes, comme le montrent les récentes agressions. Quant à celles qui le portent par choix personnel, les mesures d’interdiction et les agressions ne peuvent que les renforcer dans leurs convictions, comme on l’a vu à Argenteuil.
L’islamophobie, comme l’antisémitisme hier, divise les travailleurs, cherche à détourner le mécontentement populaire contre les Musulmans. Elle peut avoir des conséquences tragiques dans l’avenir, si la crise s’approfondit.
George RIVIERE
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[1] Elles représentent 85 % des victimes d’agressions contre les Musulmans, selon une tribune publiée dans Rue 89 http://www.rue89.com/2013/07/28/les-hommes-politiques-doivent-combattre-lislamophobie-ambiante-244602?page=1
[2] La Cour de cassation a cassé un jugement qui approuvait le licenciement d’une salariée d’une crèche associative pour port du voile.
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