Bombarderont ? Bombarderont pas ? Jeux occidentaux avec la vie des peuples
Mis en ligne le 29 septembre 2013 Convergences Monde
Avec la défection de Cameron, les atermoiements d’Obama et enfin l’arrangement entre ce dernier et Poutine, le va-t-en guerre Hollande a dû faire marche arrière sur le projet de frappes sur la Syrie. Il ne lui restait plus qu’à expliquer à la télé que la vue de ses petits muscles avait contraint Poutine à négocier. Et il est parti au Mali, y flatter les vertus démocratiques de la guerre.
Mais aussi horribles que soient les armes chimiques, qui pourrait croire que ce sont elles qui auraient soudain décidé Obama, Cameron et Hollande à annoncer des bombardements en Syrie ? Après avoir, depuis plus de deux ans, laissé se dérouler une guerre qui a déjà fait quelque 100 000 morts ? Assad aurait violé les lois de la guerre, comme s’il y avait des lois à la barbarie (par ailleurs largement pratiquée par les donneurs de leçons) ?
Laissons de côté la fable de la « ligne rouge » qu’Assad aurait franchie, ou la question de savoir s’il respectera sa promesse de détruire ses stocks, prétextes qui resserviront si des frappes doivent être justifiées plus tard. Les raisons de leurs menaces de guerre sont ailleurs.
Obama, Cameron ou Hollande ne sont pas plus préoccupés du sort du peuple syrien, qu’ils ne l’étaient de celui des peuples irakien ou afghan. Sans parler de celui du peuple du Bahreïn qui s’était soulevé lui aussi en 2011, dans la foulée des révolutions en Tunisie et en Égypte, et que l’armée saoudienne était allée écraser avec l’approbation des grandes puissances. Ce qui inquiète cette clique aujourd’hui, c’est que la guerre qui se prolonge en Syrie a de sévères répercussions dans les pays voisins et contribue à déstabiliser toute la région. Le Liban (où la France a gardé bien des intérêts) est un pays où s’entassent plus de 750 000 réfugiés syriens, et dont les milices chiites du Hezbollah sont directement impliquées dans la guerre en Syrie aux côtés d’el-Assad. La Jordanie est un pays où l’entrée de 500 000 réfugiés syriens a accru la misère générale, et où les liens que les Frères musulmans entretiennent avec une partie de la rébellion armée syrienne les renforcent vis-à-vis du roi et accentuent les difficultés du régime. En Turquie, où le gouvernement dirigé par Erdogan soutient et finance une fraction de la rébellion syrienne, l’entassement de 450 000 réfugiés a attiré des attentats sur le territoire turc et des réactions xénophobes contre ces réfugiés. Et, en Égypte, depuis le renversement de Morsi, on a assisté à des ratonnades contre des réfugiés syriens (125 000) supposés amis des Frères musulmans. Si la guerre menée par Assad à son peuple gênait peu jusque-là les grandes puissances, la poudrière que le conflit syrien est en train de créer leur fait craindre pour leur pouvoir sur les peuples de la région et pour leur contrôle sur les richesses.
Mais quel camp les puissances occidentales pourraient-elles bien aider ? Aucun. Le journal américain New-York Times l’écrivait fin août, dans un article intitulé « L’Amérique perd si l’un ou l’autre côté gagne », résumant d’une façon sommaire l’équation : « Un rétablissement du régime d’Assad soutenu par l’Iran renforcerait le pouvoir de l’Iran (…) une victoire des rebelles dominés par les extrémistes inaugurerait une vague de terrorisme d’Al-Qaïda ». Un casse-tête !
Les annonces de livraisons d’armes à la rébellion (mais à laquelle ?) que vient de renouveler Hollande lors de son voyage au Mali (pour l’instant ce sont surtout l’Arabie Saoudite ou le Qatar qui en livrent, pour leurs propres intérêts) visent à maintenir l’équilibre des forces et, par là, à prolonger la guerre plus qu’à faire pencher la balance. Faute d’avoir dans leur poche un gouvernement de rechange pour la Syrie, les puissances occidentales ne peuvent qu’espérer réunir autour d’une table Assad et les diverses factions militaires et chefs autoproclamés de la rébellion. Pour tenter d’imposer une alliance qui permette de rétablir l’ordre et maintenir à nouveau le peuple syrien dans sa misère, comme l’avait fait jusque-là Assad. C’est dans ce but qu’ils ont brandi la menace des bombes. Et qu’ils les enverront peut-être demain sur le peuple syrien.
Le 21 septembre 2013, Olivier BELIN
Mots-clés : Impérialisme | Syrie