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SNCF : Brétigny, sept morts, le révélateur

Mis en ligne le 29 septembre 2013 Convergences Entreprises

« Je veux le dire avec la plus grande clarté, la SNCF se considère comme responsable. » Gilet orange de sécurité, larmes de crocodile, au lendemain de l’accident de Brétigny, le PDG de la SNCF, Guillaume Pépy, utilisait toutes les ficelles de la « com’ » pour désamorcer une situation que la direction de l’entreprise ferroviaire jugeait explosive. Quelques heures après la catastrophe, il était déjà évident qu’il serait impossible de faire porter le chapeau à un lampiste en invoquant une quelconque « erreur humaine ». Encore moins crédible serait l’hypothèse d’un acte terroriste ou d’un « sabotage » – seul un dirigeant de la fédération CFDT a cru bon l’évoquer.

Pour gagner du temps et éviter la colère des usagers et des cheminots, la direction a simulé la contrition en multipliant les demi-aveux. À commencer par Jacques Rapoport, patron de RFF [1] pour qui, en dépit du bon sens, « le vieillissement du réseau et le sous-investissement ne mettent pas en péril sa sécurité. »

Depuis des années, les cheminots dénoncent les manquements graves à la sécurité, sans réaction de la direction. Les conducteurs ne comptent plus les endroits où « ça tape » et réduisent d’eux-mêmes leur vitesse sur certains tronçons qu’ils estiment dangereux [2]. Les contrôleurs avaient signalé depuis des mois qu’ils interrompaient leur tournée dans les wagons pour s’asseoir dans la zone de Brétigny, tant le train tanguait. Les cheminots de l’équipement repèrent encore aujourd’hui bon nombre d’éclisses dévissées dans les environs de l’accident.

Rien qu’au mois de juillet, au moins deux autres déraillements ont été signalés, à Saintes et à Lyon, dus à des ruptures d’essieu. Comment pourrait-il en être autrement alors que 10 000 postes ont été supprimés en cinq ans ? Les entorses réglementaires se multiplient, sous la pression de la hiérarchie. Pressions sur les délais, sur les coûts, sur la régularité, suppression des brigades de proximité, doublement, voire triplement de la taille des territoires à surveiller, allongement des pas de maintenance dans les ateliers... Lorsque, cet été, interpellés par l’accident, des cheminots ont dénoncé cette situation dans les médias, ils ont été menacés de sanctions.

Alors que les avocats des victimes et des associations d’usagers ont, à juste titre, très rapidement mis en cause la responsabilité de la direction de la SNCF et, au-delà, de l’État, la CGT, Sud-Rail et l’UNSA ont attendu le 5 septembre pour s’exprimer sur le sujet dans une lettre ouverte au ministre des Transports : « Vous l’avez constaté, les organisations syndicales, dans une quasi-unanimité, ne se sont pas prêtées à l’instrumentalisation de ce drame ni aux sollicitations nauséabondes de la presse visant à faire douter de la fiabilité du transport ferré et à remettre en cause le professionnalisme des cheminots. »

Les directions syndicales ont choisi de couvrir la direction au nom de la défense de l’entreprise et au mépris de la sécurité des usagers et des conditions de travail des cheminots. En conclusion de leur courrier, elles demandent à être récompensées de leur collaboration : « Le gouvernement est engagé dans un processus de réforme du système ferroviaire, il est impératif que, dans ce cadre, les propositions faites par les organisations syndicales et portées par les cheminots soient intégrées. »

Les différentes enquêtes commandées par la SNCF et par l’État ne rendront leurs conclusions que dans des mois, voire des années, quand l’émotion sera retombée. En attendant, des trains mal entretenus roulent sur un réseau délabré, et les directions syndicales mettent bien peu d’énergie à organiser la riposte pour mettre fin à ces économies mortelles.

Le 10 septembre 2013, R.P.


[1Réseau ferré de France, propriétaire et gestionnaire du réseau.

[2Voir à ce sujet l’excellente interview par Camille Polloni sur Rue89 : www.rue89.com/2013/07/15/bretigny-e...

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Numéro 89, septembre-octobre 2013

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