Point de vue de Convergences révolutionnaires : « Combattre »… sur plusieurs fronts !
Mis en ligne le 29 septembre 2013 Convergences Politique
Notre camarade s’inscrit dans un débat qui a divisé l’extrême gauche (en particulier le NPA) ces dernières années et s’est quelque peu épuisé ; un débat qui aurait mérité sans doute d’être un peu dépassionné, les protagonistes ayant tendance à s’aligner sur un camp qui n’est pas le nôtre, qu’il s’agisse de la « laïcité républicaine » ou de l’islam « opprimé ».
Oui, la démagogie politicienne utilise le racisme et la xénophobie sous bien des formes. Ce qu’on désigne sous le terme islamophobie en fait partie. Là-dessus, nous sommes d’accord. Quant aux moyens de combattre tout ce qui « ...divise les travailleurs, cherche à détourner le mécontentement populaire (…) » et qui « peut avoir des conséquences tragiques dans l’avenir, si la crise s’approfondit », comme le conclut ce camarade, c’est une tout autre question posée au mouvement ouvrier qui dépasse de très loin les prises de position de l’extrême gauche et sa participation à des protestations le plus souvent organisées par d’autres.
Pour en revenir au sujet de cette tribune, puisqu’il s’agit « d’identifier clairement ce phénomène spécifique et relativement nouveau », mieux vaut tout de même être précis. La campagne de l’extrême droite contre « les prières de rue », la viande hallal ou les mosquées est une chose, comme certaines déclarations de députés de l’UMP ou de Valls. La réponse embarrassée de François Hollande à une question de journaliste suite à « l’affaire Babyloup », en est une autre : Hollande ne parlait pas d’interdire le port d’insignes religieux aux entreprises privées (et pour cause, nous y reviendrons !) mais d’éventuellement réglementer à ce sujet les associations de la petite enfance à financement public [1]. Quant à l’affaire Babyloup elle-même, puisque notre camarade s’y réfère, elle témoigne plus d’une pression des milieux islamistes intégristes ayant investi ce quartier populaire de Chanteloup-les-Vignes que d’une quelconque islamophobie de la directrice de cette crèche associative, laquelle a dû fermer depuis ! Autant y regarder de près avant de s’enflammer.
Quant à agiter la menace d’une loi réglementant la liberté religieuse dans les entreprises privées… Le patronat s’accommode parfaitement de la prière du vendredi dans les usines d’automobile, pas de la distribution de tracts politiques, surtout d’extrême gauche bien sûr ! Car, aujourd’hui, c’est la liberté politique qui n’existe pas sur les lieux de travail, où son expression ne peut être que clandestine… sous occupation patronale et juridiction républicaine ! Alors, avant de craindre une loi « liberticide » tout à fait hypothétique, quitte à mener un combat pour la liberté, n’y aurait-il pas à mener d’abord celui contre les lois et règlements bien en place ?
Notre camarade évoque également la Charte de la laïcité. Là aussi, à y regarder de près, se contente-t-elle de cibler « de toute évidence, bien que de façon un peu plus discrète, les Musulmans » ? Ne vise-t-elle pas, de façon « un peu discrète » également, d’autres cibles ? Article 11 de ladite charte : « Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions ». Le diable à double-détente se cache dans les détails. Ah ! La neutralité républicaine et laïque qui, outre le drapeau bleu-blanc-rouge de la France colonialiste, impose des programmes et des manuels passablement expurgés. Où s’arrête l’expression des convictions politiques ou religieuses d’un enseignant ? Peut-il se dire athée ? A-t-il l’obligation de s’en tenir aux auteurs du programme ? La vague libertaire d’après 1968 ayant introduit de fait les débats politiques au sein des établissements, est bien révolue. Quitte à « identifier » les nouveaux symptômes de la réaction politique, identifions-les tous. Sur plusieurs fronts.
La démagogie du Front national fait ses meilleurs scores dans les périphéries néo-rurales sans immigrés. En revanche, dans les banlieues populaires ghettoïsées, ce sont les intégristes islamistes qui tentent d’imposer leur ordre ultraréactionnaire à la population. Le danger n’est pas moindre. Sans oublier que, cet automne, on assiste moins à un regain de démagogie islamophobe, qu’à la démagogie anti-Roms, à leur expulsion systématique, à leur marginalisation institutionnelle ; à l’expulsion des sans-papiers de leur logement ; à la mise en place de tribunaux d’exception près des centres de rétention dans les aéroports ; à une hystérie sécuritaire en vue des prochaines municipales.
La bourgeoisie, toutes nuances confondues, ne manque pas de boucs émissaires en l’absence de luttes prolétariennes d’envergure. En attendant celles-ci, ne nous focalisons pas sur un aspect pour en oublier d’autres, au prix de faire passer au second plan nos réelles convictions subversives.
Huguette CHEVIREAU
[1] Citation de Hollande, « …Dès lors qu’il y a contact avec les enfants, dans ce qu’on appelle le service public de la petite enfance, une crèche associative avec des financements publics, il doit y avoir une certaine similitude par rapport à ce qui existe dans l’école »… « Là, je crois que la loi doit intervenir »… « que nous puissions trouver un texte qui fasse consensus » – réponse à David Pujadas sur France 2, 28 mars 2013.
Lire aussi :
- Tribune libre : Combattre l’islamophobie — 29 septembre 2013
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