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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 76, juin-juillet 2011

Élections en Pays Basque d’Espagne : retour en forces des nationalistes radicaux

Mis en ligne le 15 juin 2011 Convergences Monde

Alors que dans le reste de l’Espagne, les élections municipales et locales ont enregistré un recul spectaculaire du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) du premier ministre José Luis Zapatero, au profit de la droite incarnée par le Parti populaire (PP).

Dans les quatre provinces basques, si le Parti socialiste d’Euskadi et le Parti socialiste de Navarre perdent environ un quart de leurs voix et de leurs sièges et ne représentent plus que 16 % des votants, ce tassement ne profite nullement au Parti populaire qui lui-même recule même légèrement (– 2 %). Il en va de même des autres partis de droite et du centre qui existent localement puisqu’en Euskadi le Parti nationaliste basque (PNV – démocrate chrétien) stagne tout en restant la première force politique (30 % des suffrages exprimés) alors qu’en Navarre les régionalistes de l’Union du peuple navarrais (UPN) enregistrent eux aussi un léger tassement mais dominent largement les autres forces politiques en recueillant plus de 35 % des voix.

En fait ce sont les nationalistes basques radicaux qui profitent le plus largement du recul du PSOE. Pour la première fois depuis huit ans ils avaient été autorisés par les tribunaux à présenter des listes au sein d’une coalition indépendantiste baptisée Bildu (Rassembler). Et ils obtiennent dans ces élections leurs meilleurs résultats depuis la fin du franquisme en devenant le second parti d’Euskadi derrière le PNV avec plus de 25 % des voix, plus d’un millier de conseillers municipaux, des dizaines de mairies et une première place remarquée à Saint-Sébastien, capitale de la province du Guipuscoa.

Comment expliquer ce succès ? D’une part parce que l’opposition des nationalistes basques radicaux au gouvernement Zapatero n’était pas que politique. Elle s’est aussi manifestée à travers les trois grèves générales (en juin 2009, en juin 2010 et en janvier 2011) lancées par les syndicats nationalistes ELA et LAB contre la politique d’austérité du gouvernement espagnol, et notamment la réforme des retraites, le gel des salaires de la fonction publique et la réforme du droit du travail. Des grèves auxquelles s’étaient immédiatement opposés le président socialiste du gouvernement basque, Patxi Lopez, et l’Union générale des travailleurs (UGT), très liée au PSOE. De son côté l’autre grand syndicat espagnol, les Commissions ouvrières (CCOO), n’avait soutenu que celle de juin 2010, et que très mollement. À l’inverse, ELA et LAB ont pris ce prétexte pour refuser de se joindre à la journée de grève générale appelée par UGT et CCOO le 29 septembre 2010. Il reste que lorsque ELA et LAB étaient dans la rue le 27 janvier 2011, les dirigeants syndicaux de CCOO et UGT annonçaient avoir trouvé un accord avec le gouvernement et soutenir la réforme des retraites reculant l’âge de départ de 65 à 67 ans.

Bildu a donc recueilli les voix non seulement des opposants irréductibles à la politique du gouvernement central de Madrid, qu’il soit de droite ou de gauche (ces derniers constituent le fonds électoral permanent du nationalisme radical) mais aussi celles des déçus de la politique sociale et économique de Zapatero. À cela il faut sans doute aussi ajouter des voix venues tant de la gauche nationaliste modérée que d’électeurs du PNV désormais rassurés par la condamnation sans équivoque de Bildu de la violence et des attentats de l’ETA.

Si le succès de Bildu est un camouflet à tous ceux qui à Madrid avaient tenté de lui interdire jusqu’au dernier moment de se présenter (aux rangs desquels les dirigeants du PSOE et du PP, les magistrats de la Cour suprême et 5 des 11 juges du Tribunal constitutionnel, la police et la guardia civil qui ont poursuivi avec zèle arrestations et incarcérations des supporters de Bildu), il ne présume en rien de ce que sera la politique de cette nouvelle coalition électorale. Certains de ses membres, qui ont largué la lutte armée pour le bulletin de vote, rêvent d’une grande coalition « Bildu-PNV » qui, majoritaire en Pays Basque, pourrait détrôner Patxi Lopez et ses amis et former le prochain gouvernement autonome en contrôlant de plus les parlements des trois provinces. D’autres, notamment chez les plus jeunes, continuent à se réclamer du « socialisme » sans pour autant proposer un débouché quelconque à la classe ouvrière basque.

Et l’exemple de l’Irlande du Nord est là pour nous rappeler la facilité avec laquelle, en quelques années, le Sinn Fein, le bras politique de l’IRA, s’est intégré à tous les niveaux aux institutions et a jeté aux orties sa rhétorique pseudo-révolutionnaire qui avait pourtant séduit tant de militants d’extrême-gauche, et pas seulement en Grande Bretagne.

31 mai 2011

Léo STERN


Petit lexique de la vie politique en Pays basque sud

Le Pays Basque d’Espagne comprend quatre provinces (Guipuscoa, Alava, Biscaye, Navarre) regroupées en deux entités administratives distinctes : la Communauté autonome d’Euskadi, qui regroupe les trois premières, et la Communauté forale de Navarre.

La vie politique et syndicale est essentiellement polarisée entre nationalistes (abertzale, c’est à dire patriotes) et « espagnolistes ».

On trouve dans le camp nationaliste :

  • le Parti nationaliste basque (PNV), démocrate-chrétien, fondé à la fin du dix-neuvième siècle et principale formation politique locale ;
  • Bildu (Rassembler), front électoral constitué récemment par :
    • Eusko Alkartasuna (Solidarité basque, qui a scissionné du PNV en 1987 et se veut un peu plus « à gauche »),
    • Alternatiba (Alternative, regroupement d’anciens du PCE et des Verts),
    • et d’anciens militants de Batasuna (Unité), parti interdit car considéré comme proche de l’ETA, ces derniers constituant en fait la colonne vertébrale de la coalition Bildu.
  • On trouve enfin de petites formations comme Aralar, nationalistes de gauche qui rejettent depuis longtemps la lutte armée.

De plus deux syndicats ouvriers sont ouvertement nationalistes :

  • ELA (Eusko Langileen Alkartasuna, Solidarité des travailleurs basques), créé il y a tout juste 100 ans par le PNV, il a, à partir de 1976, pris ses distances avec les chrétiens-démocrates pour adopter un positionnement laïc et « socialisant », un peu semblable à celui de la CFDT en France.
  • LAB (Langile Abertzaleen Batzordeak, Commissions des travailleurs patriotes) est un syndicat lié à la gauche nationaliste radicale. Ces deux syndicats recueillent ensemble 60 % des voix aux élections professionnelles.

Le camp « espagnoliste » est composé essentiellement des

  • partis socialistes d’Euskadi et de Navarre, appendices locales du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE),
  • du Parti populaire (droite),
  • des syndicats Commissions Ouvrières (CCOO, anciennement proches du PCE mais aujourd’hui plus ou moins ralliées au PSOE) et Union générale des travailleurs (UGT - socialiste).

Entre les deux se trouve en Navarre une formation régionaliste, l’Union du Peuple Navarrais (UPN), résolument à droite, qui s’oppose aux nationalistes basques mais veut conserver ses distances à l’égard du gouvernement central de Madrid.

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