Des militants et des livres à se souvenir
Mis en ligne le 20 septembre 2005 Convergences Culture
Pierre BROUÉ
Pierre Broué, militant pendant près de 40 ans au PCI (Lambert) et membre de sa direction, avant d’être poussé vers la porte en 1989, est mort le 26 juillet dernier à 79 ans. Quelles que puissent être les divergences qui séparaient son organisation de la nôtre, c’est son travail et ses recherches sur l’histoire du mouvement communiste et trotskiste qui ont compté pour nous et sont toujours un apport incontestable à la formation des communistes.
C’est en lisant ses premiers livres écrits au début des années soixante que beaucoup ont pu redécouvrir une vision autrement plus véridique que la version stalinienne alors dominante. Révolution et guerre d’Espagne (éd. de Minuit) écrit en collaboration avec Émile Témine en 1961 montrait la réalité de la révolution sociale à laquelle aspirait la classe ouvrière espagnole et comment les dirigeants staliniens conduisirent celle-ci au massacre. C’est encore lui qui présenta et annota les textes de Trotski dans La révolution espagnole 1930-1940 publié en 1975 aux éditions de Minuit.
Le parti bolchevique, Histoire du PC de l’URSS (éd. de Minuit, 1963), nous faisait découvrir un parti vivant, - loin de l’hagiographie - œuvre de dizaines de milliers de militants, qui même s’ils menèrent des bagarres pas toujours idylliques, restèrent profondément dévoués aux idées communistes et à la classe ouvrière.
Sur l’Allemagne de l’entre-deux guerres nous ne pouvons que recommander la lecture riche et documentée de Révolution en Allemagne aux éditions de Minuit (1971) ainsi que la publication des articles de Victor Serge sur la crise de 1923 : Notes d’Allemagne, La Brèche, en 1990.
Il faut ajouter la publication des archives de Trotski, lors de l’ouverture de la Hougthon Library de Harvard aux USA, en 1980 et la publication des Œuvres complètes (27 tomes parus à ce jour aux EDI).
Nous ne saurions tout citer. Il s’est intéressé aussi à l’Europe de l’Est et à la révolution hongroise de 1956, à la Chine et la révolution de 1927, au mouvement ouvrier en France et Alfred Rosmer, à l’histoire du trotskisme avec la parution des cahiers Léon Trotski.
Aussi si ses livres sont épuisés chez l’éditeur, comptez sur les bonnes bibliothèques et celles des militants.
Cécile BERNIER
François-Xavier VERSCHAVE
Fondateur et président d’une association, Survie, François-Xavier Verschave mort le 29 juin dernier, à 59 ans, fut un dénonciateur acharné de tous les crimes de l’État français dans ses anciennes colonies africaines : le soutien aux dictateurs, les assassinats d’opposants, le pillage des matières premières, l’alliance avec le régime génocidaire au Rwanda en 1994, la préparation de la guerre civile au Congo-Brazzaville en 1997, l’appui donné en 2005 au nouveau dictateur du Togo. Aujourd’hui, la lecture de livres comme La Françafrique, le plus long scandale de la République (Stock, 1999), Noir silence (Les Arènes, 2000), L’envers de la dette (Agone, 2001), est vraiment édifiante sur la politique de l’impérialisme français en Afrique !
C’est pourquoi Verschave eut l’honneur d’être traîné en 2001 devant les tribunaux français par trois éminents dictateurs, le tchadien Déby, le congolais Nguesso et le gabonais Bongo, pour « offense envers un chef de l’État ». Les trois pauvres diffamés furent déboutés.
Catholique, sympathisant socialiste, Verschave se débattait sans doute dans les contradictions, tantôt démontrant les responsabilités de Mitterrand et des responsables socialistes dans le génocide rwandais, tantôt disant son espoir de voir le Parti socialiste imaginer une autre politique de la France en Afrique... En insistant sur le rôle des « réseaux » (Foccart, Pasqua, Mitterrand...) dans le néocolonialisme, il n’allait pas toujours à la racine de cette politique, les intérêts du capitalisme français, de pillage des richesses de la planète.
À sa mort, Libération s’est fendu d’un joyeux trait d’esprit : « Verschave plonge dans le noir silence » et lui reconnaît un « activisme plutôt excessif ». Le Monde dit de lui qu’il ne « s’embarrassait pas de vérifications », qu’il « n’était pas un enquêteur, mais le militant d’une cause qu’il jugeait sacrée ». De la part de journaux qui admettent souvent pour vérité révélée les informations données par les autorités françaises, et pour qui la France joua un rôle humanitaire au Rwanda, c’est un hommage.
B.R.