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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 41, septembre-octobre 2005

De Villepin : cent jours ! Suffisant, en effet...

Mis en ligne le 20 septembre 2005 Convergences Politique

Ah, la belle victoire du monde du travail et de la gauche que le succès du Non au référendum ! Aussitôt l’épisode électoral achevé et le nouveau gouvernement de Villepin constitué, l’offensive anti-ouvrière reprenait de plus belle. Et dès juin, de Villepin annonçait les mesures « pour l’emploi » (c’est-à-dire pour les employeurs et contre les employés) qu’il allait instaurer par ordonnances cet été.

Les mauvais coups de l’été

Le coup le plus rude est la création du Contrat nouvel embauche (CNE). C’est un contrat à durée indéterminée, paraît-il, mais qui peut être interrompu à tout moment par l’employeur dans les deux premières années. Celui-ci n’a pas alors à motiver le licenciement, juste à verser une indemnité de précarité. Et celle-ci est inférieure à celle prévue en cas de fin de CDD. Après la rupture du CNE, un patron peut reprendre un autre salarié au même poste immédiatement, et même reprendre le même salarié s’il daigne attendre 3 mois. Autrement dit, rompre un CNE est plus aisé encore que de congédier un CDD ou un intérimaire en fin de contrat. C’est vraiment le contrat super-précaire. Enfin, si initialement de Villepin annonçait que le CNE ne concernerait que les entreprises de moins de 10 salariés, il touche finalement celles employant moins de 20 salariés.

Les autres ordonnances « pour l’emploi » sont de la même veine. Une prévoit que les jeunes de moins de 26 ans ne comptent plus dans les effectifs des entreprises. Le but de la manœuvre : dispenser certaines entreprises d’obligations qui se déclenchaient automatiquement jusqu’ici dès qu’elles atteignaient les seuils de 10, 20 ou 50 salariés, en particulier pour des questions de représentation de personnel et de droit syndical, mais aussi en ce qui concerne certaines cotisations sociales. Une autre exonère les entreprises d’entre 10 et 20 salariés de certaines obligations en cotisations sociales, en particulier pour le fonds d’aide au logement.

Pour ne pas être en reste avec le gouvernement, la droite a fait passer quelques amendements aux textes adoptées courant juillet. Ainsi, dans une loi portant sur « l’aide aux PME », un article étend le système du forfait-jours. Celui-ci était applicable aux seuls cadres : il concerne désormais une plus large fraction de salariés. Dans ce système le temps de travail se compte en jours et non pas en heures, ce qui permet aux patrons de contourner les 35 heures et le paiement des heures supplémentaires. Et dans la même loi, on a augmenté de deux à quatre ans la durée des mandats des délégués du personnel et des CE. Cherchez le rapport avec l’aide aux PME !

Les chômeurs, habituels souffre-douleurs des attaques contre l’ensemble du monde du travail, n’ont pas plus été oubliés cette fois. Alors qu’une nouvelle convention Unedic est en préparation, les contrôles et la répression ont déjà été accrus : un décret prévoit une sanction de 15 jours de non-paiement d’allocations en cas de refus d’emplois, puis des sanctions plus lourdes en cas de « récidive ».

Mais ce n’est qu’un début...

Pour bien marquer que les attaques contre les travailleurs n’allaient pas cesser, de Villepin a encore enfoncé le clou dans sa conférence de presse de rentrée. Il faut rendre le travail attractif par rapport aux minima sociaux, nous dit-il. Bien entendu, cela ne signifie pas hausser les salaires ou le Smic. Tout au plus, il fait miroiter une hausse de la prime pour l’emploi (300 € de plus pour un salarié au Smic, soit... 25 € par mois). En revanche, il a promis d’importantes réductions d’impôts sur le revenu. On sait que ce genre de mesure profite surtout aux plus riches, à la rigueur aux classes moyennes (et en général plutôt les moyennes hautes que les moyennes basses). D’ailleurs Villepin pour illustrer son propos a pris l’exemple d’un célibataire gagnant 30 000 € par an (qui verrait, paraît-il, son impôt réduit de 15 %), pas celui d’un smicard, évidemment ! Et on sait maintenant qu’il rêve comme toute la droite d’une véritable réforme de l’Impôt sur la fortune au profit des millionnaires.

Certes, face à la hausse du prix de l’essence, notre premier ministre s’est redécouvert une fibre écologiste : pour affirmer qu’une intervention de l’État pour baisser les prix à la pompe était à écarter car elle favoriserait une hausse de la consommation. Il préfère expliquer aux salariés qu’il faut rouler moins vite... Sauf pour les transporteurs routiers qui bénéficieront d’un allègement de la taxe professionnelle : les bonnes paroles pour les travailleurs, des cadeaux bien sonnants pour les patrons.

Attendre 2007 ?

Le Parti socialiste dénonce bien les mesures de Villepin, mais c’est pour offrir pour seule perspective de voter pour son candidat en 2007.

Le camp du « Non de gauche », après avoir fait croire que le Non au référendum serait une défaite politique majeure pour Chirac, doit bien reconnaître que la politique anti-populaire n’a pas changé et se serait même plutôt aggravée. Pourtant le PCF, chef de file du front qui va d’une fraction du PS à la LCR, continue gaillardement à faire un signer une pétition pour demander au gouvernement de « respecter le verdict populaire ». On peut toujours espérer que Sarkozy et de Villepin, les soi-disant vaincus du référendum, qui se livrent à une surenchère sur un programme des plus réactionnaires (expulsions de sans-papiers, évacuations violentes sans relogement de familles pauvres, réforme de l’impôt sur la fortune, service minimum, etc.) vont en mourir d’étonnement... sinon de rire.

Pour la gauche du Non aussi, il n’y a au fond d’autre perspective que 2007.

Les syndicats à reculons

Les confédérations syndicales ont annoncé une journée d’action pour le 4 octobre. Mieux vaut tard que jamais, certes. Et il faut souhaiter que cette journée d’action soit massivement suivie et qu’elle marque le coup face aux attaques gouvernementales.

Mais peut-on vraiment espérer que les centrales syndicales aient envie de lui donner une suite, elles qui l’ont engagé avec tant de retard et après tant d’atermoiements ? La CFDT acceptait en juin le Contrat nouvelle embauche comme base de discussion avec le gouvernement. FO refusait toute mobilisation avant l’été et Jean-Claude Mailly s’est rendu courtoisement à l’université d’été du Medef pour discuter du «  réenchantement du monde ». La CGT a bien pris l’initiative de manifestations et grèves le 21 juin, mais sans conviction ni mettre tout son poids dans sa balance. Bernard Thibault semble plus préoccupé du congrès à venir que de la construction d’une mobilisation. Et de préciser aussi que le but de cette journée d’action n’est pas d’entamer la lutte d’envergure qui serait nécessaire mais, encore une fois, d’obtenir de « vraies » négociations avec le patronat.

De toute évidence, si cela ne dépend que des confédérations syndicales nous aurons, au mieux, un nouveau 10 mars, quand les manifestations pour les salaires, pour l’emploi et contre la réforme des 35 heures avaient rassemblé un million de salariés, du public comme du privé. Une belle journée, mais restée sans lendemain, sauf... la campagne du Non au référendum.

Pour impulser le nécessaire mouvement d’ensemble de la classe ouvrière qui pourrait seul renverser la situation, on ne peut pas plus compter sur les chefs syndicaux ou politiques après la victoire du Non qu’avant. Heureusement, il n’a jamais été en leur pouvoir d’empêcher les initiatives de la base, militants et travailleurs conscients et combatifs.

12 septembre 2005

Michel CHARVET

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