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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 138, avril 2021 > Revenu universel

Revenu universel

Revenu universel, revenu de liberté, revenu d’existence… Demain on rase gratis !

Mis en ligne le 13 avril 2021 Convergences Politique

(Photo : en avril 2021 à Paris, la queue dans un centre de distrubution de vivres pour étudiants.

Le 3 mars 1794, Saint-Just terminait un de ses discours devant la Convention par une phrase devenue célèbre : « Le bonheur est une idée neuve en Europe. »

A contrario, on pourrait dire aujourd’hui que l’idée d’une même prestation distribuée à chacun n’est pas nouvelle. Formulée en France pour la première fois en 1795 par un autre conventionnel d’origine anglo-américaine, Thomas Paine, elle a été reprise au XIXe siècle par les penseurs socialistes utopiques. Et elle a refait surface ces dernières années, aussi bien à droite qu’à gauche, sous des noms divers : revenu universel, revenu inconditionnel, revenu de base, minimum décent, revenu de citoyenneté, revenu d’existence, voire revenu de liberté…

La crise frappe à la porte

Les raisons de cette réapparition soudaine s’expliquent facilement : le creusement des inégalités, l’accentuation des formes de précarité, la persistance du chômage à un niveau élevé, la remontée de la pauvreté, etc. et, surtout, le risque d’explosion sociale qui en résulte inquiètent les politiciens. Face à cette dégradation de la situation économique et sociale, aggravée par la pandémie, les « spin doctors » (conseillers en communication) et autres « think tanks » (groupes de réflexion) ont élaboré, à l’usage des politiciens de droite et de gauche, des pseudo-solutions diverses et variées, renonçant à la promesse du « plein emploi » devenue une chimère.

Tous les systèmes imaginés ne sont pas rigoureusement identiques, ni dans leur mode de financement, ni dans leur mode d’application. Plusieurs se substituent à toutes les prestations sociales existantes, d’autres à certaines seulement. Certains envisagent le même versement à tout le monde, de la naissance à la mort, d’autres des versements modulés en fonction notamment de l’âge, de la situation familiale, du niveau de revenus, etc.

Il serait bien évidemment fastidieux et de peu d’intérêt de les détailler tous. Mais, au-delà de leurs différences, ils ont plusieurs points en commun :

Ils proposent des solutions « clé en main », « réalistes » qui ne bouleversent pas en profondeur le système social et économique actuel ;

En supposant même qu’elles soient appliquées, ces « solutions » auraient fort peu de chance de sortir les plus pauvres de la misère de façon durable et ne règleraient en rien des questions comme le chômage et la précarité ;

Leur réalisation se ferait généralement par le biais de réformes fiscales – allant de la réforme de l’impôt sur le revenu à une hausse de la TVA – qui épargneraient largement les plus riches ;

Enfin, les montants de revenu envisagés sont généralement inférieurs au seuil de pauvreté, estimé à un peu moins de 1 100 euros mensuels pour une personne seule.

Le revenu universel mettra-t-il un terme à tout ça ? : on peut en douter !

La droite bien présente

Tout cela est bien entendu une évidence chez les gens de droite qui se réclament, sur le plan des idées, d’économistes réactionnaires et ultra-libéraux comme Friedrich Hayek et Milton Friedman.

Les inventeurs du « revenu de liberté » (liber), Marc Basquiat et Gaspard Koenig [1], envisagent de verser chaque mois 480 euros à chaque adulte, 200 euros aux moins de 14 ans et 270 euros aux adolescents de 14 à 18 ans. En contrepartie, on instaurerait un impôt de 23 % pour tous, quel que soit le revenu, on supprimerait à terme le smic et les cotisations sociales, notamment celles qu’on appelle indûment « part patronale », etc.

Chez Les Républicains, Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate de la droite et du centre à la primaire de 2016, s’en est inspirée. Elle a proposé un revenu de base de 470 euros, cumulable avec l’allocation logement mais en instaurant un impôt sur le revenu payable dès le premier euro, c’est-à-dire acquitté également par ceux trop pauvres aujourd’hui pour être imposés. Le secrétaire général de son parti, Aurélien Pradié, plaide quant à lui pour un « revenu vital » de 715 euros à partir de 18 ans. Quant à Valérie Pécresse, elle a lancé en mars 2021 dans la région Île-de-France qu’elle préside un « revenu jeunes actifs », de 500 à 670 euros par mois, conditionné à une formation gratuite pour les 18-25 ans sans emploi pour faire pièce à la création d’un RSA jeunes de 500 euros, souhaité par la maire de Paris, Anne Hidalgo (« pour une période de trois ans », a-t-elle précisé).

L’ancien ministre de Sarkozy rallié à Macron, Frédéric Lefebvre, est un chaud partisan de cette idée tout comme l’ultra-libéral Alain Madelin ou la très cul-bénite Christine Boutin (qui parle de « dividende universel ») et qui peut se prévaloir, sur ce plan, de l’autorité morale… du pape François.

De son côté, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, très marquée à droite et qui a inspiré le programme du candidat François Fillon en 2017, évalue à 605 euros mensuels son « allocation sociale unique » qui remplacerait toutes les prestations existantes (elle en dénombre une quarantaine), serait fiscalisée au premier euro et entraînerait là aussi la disparition du smic. Selon cette Fondation, cela permettrait de réduire le poids des dépenses sociales dans les budgets publics.

Quant à Marine Le Pen, elle dit « réfléchir à un dispositif plus juste » que le « revenu universel [qui] ne correspond à aucun travail  » et s’orienterait plutôt vers « une allocation pour les jeunes » visant à compenser la disparition des «  petits boulots » [2].

Le gouvernement n’est pas en reste. Macron a lancé en juin 2019 une « consultation citoyenne » sur le revenu universel d’activité (RUA) qui fusionnerait les minima sociaux actuels et a promis, dans la foulée, d’éradiquer la grande pauvreté… en 2030. Cela ne mange pas de pain. Dans le même temps, il a mis sur pied un « Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté », présidé par l’ancien patron de Renault, Louis Schweitzer. Ce dernier demande l’expérimentation « sans délai » d’un « revenu de base » (qu’il ne chiffre pas) pour les jeunes de 18 à 24 ans les plus démunis.

Les économistes qui ont travaillé sur les projections de ces différents modèles estiment que, si ce genre de schémas pourrait aider marginalement des jeunes en difficulté, globalement, ce sont les plus riches qui en profiteraient grâce notamment aux allégements fiscaux dont ils bénéficieraient. Quant aux patrons, ils pourraient voir baisser, ou même disparaitre, leurs cotisations sociales… et le smic. Un rêve.

Les idées mollement offensives de Benoît Hamon

À gauche, la philosophie est bien évidemment présentée de façon différente. L’objectif affiché est, dans ses grandes lignes, de ne laisser personne sur le bord de la route.

Benoît Hamon est incontestablement celui qui a relancé le débat, d’abord lors de la primaire socialiste de 2017 puis, l’an dernier, avec la parution de son livre Ce qu’il faut de courage, plaidoyer pour le revenu universel [3]]. Ancien ministre de François Hollande et fondateur du mouvement Génération.s, Hamon critique d’abord la déshumanisation de la société sous le régime capitaliste, la progression de la pauvreté, la perte des valeurs et de considération de ceux qui n’ont pas ou plus d’emplois salariés. Il propose donc l’instauration d’un Revenu universel d’existence (RUE) visant « à reconnaître la contribution de tout individu naissant sur terre à la réalisation du vivre ensemble ». Le RUE serait versé à tout le monde et permettrait de mettre fin à la distinction entre travail salarié et non salarié, travail domestique et bénévolat, associatif ou autre, etc. À combien se monterait-il ? Sur ce point Hamon a varié. Mais, actuellement, il indique que son montant serait fixé entre 500 et 1 200 euros mensuels pour les adultes à partir de 18 ans (avec une moyenne de 750 euros). Les enfants ne toucheraient eux que 300 euros. De plus, en seraient exclus… près de cinq millions d’étrangers présents dans l’Hexagone, sauf « ceux bénéficiaires d’un titre de séjour avec autorisation de travail depuis au moins 5 ans ». Autant dire que nombre de migrants et de sans-papiers ne toucheraient rien. Bref, dans son RUE, l’adjectif « universel » est à géométrie variable et quelque peu franchouillard.

Quant au financement, Hamon s’en remet à une vaste réforme qui verrait notamment la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, la fin des niches fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale. Son ambition affichée est notamment, grâce à son RUE, de réarmer idéologiquement la gauche. Et par qui cette réforme serait-elle mise en œuvre ? Par un gouvernement de gauche bien sûr, une nouvelle mouture de l’Union de la gauche ou de la Gauche plurielle, même s’il ne le dit pas dans ces termes. Sans s’en cacher, Hamon se place entièrement et explicitement dans la lignée du Front populaire, des deux quinquennats de François Mitterrand (qui créa en 1988 le revenu minimum d’insertion, ancêtre de l’actuel revenu de solidarité active) et de la première moitié des cinq années passées par Lionel Jospin à Matignon, entre 1997 et 2002, sous Jacques Chirac. C’est sa façon de « contester le capitalisme ». La bourgeoisie va trembler.

Enfin, il faut souligner qu’une des raisons qui pousse Hamon à mettre en avant le RUE est sujette à caution. En effet, pour lui, la robotisation de l’économie et la montée de l’intelligence artificielle aboutiraient à une destruction massive d’emplois qui ne serait plus compensée par des créations. Or si cela a été vrai dans certaines périodes, aujourd’hui cette opinion est fortement contestée.

Les autres variantes de gauche

Toujours à gauche, mais de façon plus ponctuelle, deux députés socialistes, Boris Vallaud (Landes) et Hervé Saulignac (Ardèche) ont déposé en février dernier à l’Assemblée nationale une proposition de loi créant un « minimum jeunesse » de 564 euros par mois à partir de 18 ans associé à une « dotation universelle » en capital de 5 000 euros, alors qu’en 2016 leur ancien collègue Christophe Sirugue (Saône-et-Loire) était quant à lui partisan de remplacer les minima sociaux existants par une « couverture-socle commune unique  » de 400 euros pour tous, à laquelle s’ajouteraient 100 euros pour les jeunes et 400 euros supplémentaires pour les handicapés « et les actifs n’ayant pas atteint l’âge de la retraite ».

De son côté Manuel Valls se déclare partisan d’un « minimum décent » de 800 à 850 euros par mois alors que l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) se prononce elle aussi pour un « revenu universel de solidarité », tout comme Julien Bayou d’Europe-Écologie – Les Verts. Quant à l’association « Terra Nova », située au « centre gauche », elle évaluait, en 2016, le « minimum décent » à 750 euros mensuels, c’est-à-dire là encore bien en dessous du seuil de pauvreté (estimé en 2016 à 1 056 euros mensuels).

Enfin, un groupe d’universitaires, autour de l’économiste Thomas Piketty [4], préconise un RSA jeune ou une allocation d’autonomie universelle financée par une réforme de l’impôt sur les successions.

Des économistes moyennement atterrés

Les Économistes atterrés – « qui se sont fixé pour tâche la critique radicale des politiques économiques néo-libérales et la mise dans le débat public de propositions alternatives à l’austérité en France et en Europe » – ont uni leurs efforts à ceux de la Fondation Copernic – « qui regroupe des chercheurs et des militants engagés pour remettre à “l’endroit ce que le libéralisme a mis à l’envers”, aux côtés des syndicats, partis et associations au sein des mouvements sociaux » – pour tirer à boulets rouges tant sur le « revenu universel » que sur « le salaire à vie » [5]. Mais c’est surtout le premier qui est dans leur ligne de mire, le second n’étant abordé qu’en passant.

Au premier abord, leur point de vue semble assez radical. En effet, un des reproches qu’ils font aux différents modèles de « revenu universel », c’est que tous abordent la question non de façon collective, mais essentiellement sous l’angle individuel, en oubliant la lutte de classe. Ainsi, Hamon explique que chaque salarié, grâce à son RUE, serait en bien meilleure position pour négocier face à son patron puisque, même en cas de menace de licenciement, il pourrait compter sur un filet de sécurité qui l’empêcherait de tomber dans la misère. Bref le rapport salarié/patron s’en trouve réduit à un bras de fer individuel qui laisse complètement de côté la lutte collective.

Autre reproche : le coût d’un RUE, même dans sa version la plus économique, serait selon eux astronomique et risquerait de mettre en péril les fondements de l’économie française.

De façon « réaliste », ils se proposent d’instaurer un revenu minimum décent de 1 400 euros pour une personne active, 1 600 euros pour un retraité, 2 600 euros, pour un parent seul élevant deux enfants et 3 600 euros pour un couple avec deux enfants. Ce revenu minimum décent serait ouvert à tous dès l’âge de 18 ans mais tiendrait compte des revenus existants. Pour les enfants de moins de 18 ans, l’allocation pourrait représenter de 30 % à 50 % du revenu garanti.

Pour le reste des salariés, on lutterait contre le chômage en instaurant la semaine de 32 heures (les auteurs tiennent à préciser que « l’expérience des 35 heures a montré qu’il était possible de créer un nombre important d’emplois sans plomber la compétitivité des entreprises et à un coût raisonnable pour les finances publiques »), et en embauchant massivement dans les services publics (notamment dans la Santé et l’Éducation). Cerise sur le gâteau, on « renforcerait les droits des salariés individuels et collectifs dans les entreprises » (là, on ne sait pas très bien s’il s’agit d’instaurer un contrôle ouvrier ou plutôt une cogestion à l’allemande, version CFDT) et, enfin, la rupture conventionnelle, trop défavorable aux salariés, serait abolie. Le tout permettrait d’assurer « une refondation du système productif pour assurer la transition écologique, créatrice d’emplois ».

Mais comment parvenir à tout cela ? Par les luttes ? Les négociations paritaires ? L’émergence d’un nouveau gouvernement de gauche (qui ne serait pas très différent que ceux que l’on a connus sous Mitterrand, Chirac et Hollande) ?

Le texte ne le dit pas. Tout juste souligne-t-il, au détour d’une attaque contre le revenu universel, que ce dernier étant défendu aussi bien par la droite que par la gauche il rendrait « impossible toute perspective de coalition progressiste dans le champ social et politique ». La « coalition progressiste » en question désigne probablement, sous un terme vague mais sans grand risque de se tromper, une coalition des partis de la gauche gouvernementale, appuyée par des centrales syndicales bureaucratisées, prête à beaucoup promettre pour parvenir au pouvoir mais à oublier une fois aux affaires, l’essentiel de ses promesses.

Un débat à l’ordre du jour

Dans une de ses livraisons récentes [6], l’hebdomadaire Courrier international titrait en première page « Revenu universel - C’est maintenant ! », tandis que son sous-titre affirmait : « La pandémie de Covid-19 a fait évoluer le débat sur l’État providence. Du Togo aux États-Unis, en passant par l’Allemagne, l’idée d’une allocation de base pour tous fait son chemin. » Et de citer pêle-mêle, dans le dossier qu’il consacre à la question, différentes expériences tentées, à l’échelle nationale ou locale, dans des pays aussi divers que la Corée-du-Sud, Hong Kong, le Japon, Singapour, le Brésil, la Finlande, le Kenya, etc.

Le débat sur le revenu universel est donc devenu international.

En France, il risque même de dominer la campagne des présidentielles de l’an prochain. Dans une étude réalisée par l’institut de sondage Ifop pour le compte du « Forum Solutions solidaires » et publié le 31 janvier dernier, près du tiers du millier de personnes interrogées (31 %) citaient « la création d’un revenu de base minimum versé à tout le monde » dans le trio des solutions plébiscitées pour aider les gens dans leur vie quotidienne, les deux autres (remportant chacune 35 % d’options favorables) étant « la garantie pour tous d’avoir accès à une alimentation de qualité » et « des aides supplémentaires pour le maintien des personnes âgées à domicile ». Enfin, 56 % estimaient que c’est à l’État d’assumer les protections supplémentaires nécessitées par la situation.

Il n’est pas impossible que la crise actuelle donne naissance à une nouvelle mouture d’État providence (mais sans doute au rabais), tout comme celle de 1929 avait été le facteur déclenchant de la création des welfare states au milieu des années 1940 dans nombre de pays capitalistes avancés. Mais il s’agira, comme toujours, de trouver de nouvelles béquilles au capitalisme en crise en tentant d’amortir les luttes sociales, tout en évitant, dans toute la mesure du possible, de toucher aux profits des actionnaires.

Leurs béquilles

Il est bien évident que, sous sa forme dite libérale (de droite), le revenu de base risque de conduire à une détérioration de la protection sociale et à un nivellement, par le bas, des prestations sociales. Sous sa forme « hamoniste », ses effets seraient sans doute plus nuancés. Il n’est même pas impossible qu’ils puissent avoir un effet positif pour une partie de la population la plus pauvre. On aurait alors un schéma keynésien visant à redonner un peu de pouvoir d’achat à des gens modestes dans l’espoir d’aider à la relance de la consommation. De plus, avec la disparition des minima sociaux par leur fusion dans une allocation unique pourraient également disparaître les conditions souvent humiliantes imposées à leur attribution et le flicage par les services sociaux de leurs bénéficiaires. Autant de points sur lesquels il faut rester attentifs.

Bien entendu, il n’est pas question d’entrer dans le débat technique sur le financement de telles mesures, encore moins d’arbitrer entre les différentes réformes fiscales proposées. Ce n’est pas notre affaire. Par contre, il est certain que, dans les schémas de droite et de gauche, les financements en question épargneraient largement les plus riches, les spéculateurs, les profits industriels et financiers, les magots des agioteurs de tout poil. Schémas bien sûr à dénoncer en affirmant qu’il faudra prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire dans la poche des plus riches. Mais, surtout, montrer que de telles réformes seront bien incapables de remédier durablement aux maux dont souffre la société : le chômage de masse, l’exclusion, le saccage des services publics, etc.

Car le système capitaliste ne peut pas faire disparaître la pauvreté et la précarité, qui sont la source même des profits dont vit la bourgeoisie. Tous ceux qui mettent en avant les « revenus de base », le « RUE » et autres RSA, ne font que faire miroiter dans leurs discours une autre très modeste répartition des richesses, mais pas du tout la disparition des inégalités. Ce qui ne suffirait de toute façon pas à faire sortir des conditions de vie précaires et de la misère l’immense majorité des classes populaires dans le monde. Il faudrait déjà pour cela cesser de consacrer une part énorme des richesses à la production d’armements, qui n’existent que pour permettre le maintien du système capitaliste lui-même.

Permettre des conditions de vie décentes au plus grand nombre, cela suppose abolir la propriété privée des moyens de production, seule façon de réorienter ceux-ci vers une production ayant pour but premier la satisfaction des besoins collectifs et non la réalisation du profit de quelques-uns. Une propriété privée au nom de laquelle les bourgeoisies ont déclenché au siècle dernier deux guerres mondiales – et continuent à perpétrer des massacres qui pour être plus locaux n’en sont pas moins innombrables.

Tout cela ne s’obtiendra pas sans luttes et sans dépouiller les riches de leurs privilèges et des fortunes qu’ils ont accumulées sur la sueur et les souffrances des classes populaires. Et, si les exploités et les opprimés y parviennent, 227 ans après Saint-Just, le bonheur pourrait devenir à nouveau non seulement une idée neuve en Europe, mais une réalité palpable.

Jean Liévin


[1Liber, un revenu de liberté pour tous. Une proposition d’impôt négatif en France, de Marc de Basquiat et Gaspard Koenig, éd. de l’Onde / Génération libre, 2014, 109 p.

[2Interview dans l’Opinion du 26 janvier 2021.

[3 Ce qu’il faut de courage, plaidoyer pour le revenu universel, Les éditions Équateurs, 2020.

[4Le Monde des 21-22 février 2021. Texte signé également par Boris Bouzol-Broitmann, statisticien, Camille Herlin-Giret, sociologue, Alexis Spire, sociologue, Samuel Tracol, historien.

[5Faut-il un revenu universel ? Ouvrage collectif coordonné par Jean-Marie Harribey et Christiane Marty, Les éditions de l’Atelier, 2017.

[6Courrier international, no 1588, 8 au 14 avril 2021.

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