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Urgences

« Nos revendications sont claires et simples. Et si on n’augmente pas le budget global de l’hôpital, ça ne marchera pas. »

Mis en ligne le 17 septembre 2019 Convergences Entreprises

Représentant le Collectif inter-urgences (CIU) sur BFM le 3 septembre, c’est ainsi que Marie-Pierre Martin, infirmière gréviste des urgences de l’hôpital Necker (AP-HP), recadrait le gouvernement et le présentateur. C’est, très certainement, un résumé de l’actualité des mobilisations aux urgences. L’octroi par la ministre de la Santé de quelques primes, les négociations sur les effectifs hôpital par hôpital, ainsi que les effets d’annonces sur l’amont des urgences sont de plus en plus compris comme du bavardage alors que le gouvernement refuse de mettre les moyens nécessaires. Les revendications portées par le CIU et les soignants mobilisés vont nettement au-delà : 300 euros mensuels et plus, des postes en fonction des besoins et l’arrêt des fermetures de lits.

Summer vibes

La moitié des urgences publiques de France sont dans le mouvement. Depuis juin, le nombre de services en grève a été multiplié par deux. Juin, c’était la promesse de 100 euros de prime pour le personnel des urgences, et de 15 millions d’euros pour passer l’été. Cette « aide » est complètement insuffisante car l’augmentation de budget promise cette année n’est que de 0,08 %. Est-ce simplement suffisant pour payer les cartouches d’encre ? Au mois de juillet, 80 médecins de l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois indiquaient que celles-ci sont régulièrement manquantes. Sont-elles inutiles pour imprimer les ordonnances ?

À l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), où s’est initialement constitué le Collectif inter-urgences dans le cadre d’une mobilisation coordonnée partie de Saint-Antoine, des postes ont été promis, les primes de 100 euros versées et même d’autres qui doublaient ce montant. Quelques services ont repris. Toutefois, dans ces mêmes services d’urgence peu sont ceux qui estiment que c’est fini. Désagréger les mobilisations en promettant plus ici, moins là : la ficelle semble grosse. Après avoir mouillé le maillot pour faire reprendre, le gouvernement reste en difficulté. Peut-être plus que jamais. Dans les têtes, l’idée d’étendre la mobilisation à tout l’hôpital progresse. Et les grévistes sont actifs : assemblées générales, barbecues, clips musicaux, détournements de séries télé, rassemblements, communications. Les compétences et talents des salariés grévistes sont mobilisés.

Bouger bouger à la rentrée ?

Après avoir appelé à une assemblée générale fondatrice d’une coordination nationale le 25 mai [1], le CIU appelle le 10 septembre à une AG nationale des salariés non seulement des urgentistes mais de tout l’hôpital et a également contacté des hôpitaux psy. Des services à proximité immédiate des urgences pourraient partir. Plus encore, l’ensemble des services hospitaliers, dans une situation intenable, sont susceptibles de se joindre au mouvement. Car si les services d’urgence ont vu leur activité exploser, c’est en raison des difficultés d’accès aux soins en amont comme en aval [2].

Au Centre Hospitalier de Saint-Denis par exemple, en plus du sous-effectif qu’ils ne peuvent plus gérer, les soignants de médecine interne, qui s’étaient spontanément déclarés en grève en juin, dénoncent les sorties du service d’urgence (malgré la présence d’une Unité d’aval des urgences qui devient un service de médecine interne bis). À cela s’ajoute les va-et-vient avec un service comme la réanimation. Et ce jeu des « lits musicaux » est également subi en réadaptation, en court séjour gériatrique...

Nationalement, même des syndicats de médecins de toutes spécialités appellent à rejoindre l’AG du 10 septembre et de fait à rejoindre la mobilisation. Certains, à l’instar du médiatique urgentiste Patrick Pelloux, passeront de la pelouse de Longchamp où, « très heureux et très honoré de parler devant le Medef », il était invité à gloutonner des pâtisseries salées fin août, à la salle Marcel Paul de la bourse du Travail de Saint-Denis début septembre. En août, à ses côtés, devant les riches affalés sur les chaises longues de l’hippodrome patronal, la ministre évoquait le « consumérisme médical ». Derrière la formulation méprisante, l’idée est simple : restreindre l’accès aux urgences c’est-à-dire, dans la situation existante, limiter l’accès aux soins. Les généralistes sont inaccessibles ? Débrouillez-vous. Et pour les personnes âgées, il s’agit de « réduire au maximum » leur passage aux urgences. Pourquoi donc personne, pour reprendre les mots de la ministre aux patrons, ne « tolère d’attendre deux jours un rendez-vous » ? La douleur n’a rien d’urgent. Quant à l’état d’ébriété, que les flics et les juges s’en chargent.

5 septembre 2019, Kris Miclos


Les Bed Managers : viens jouer aux « lits musicaux »

En visite au CHU de Poitiers début septembre, la ministre paradait dans une salle avec écrans permettant d’observer en direct la disponibilité des lits pour promettre la généralisation des « cellules informatisées de gestion des lits » aussi connues sous le nom de Bed Managers. Une brillante idée de technocrate pour jouer aux « lits musicaux » : un travail incessant et insensé pour les collègues, des balades à haut risque pour les patients instables.


La CGT et FO

L’énergie militante, l’insolence envers la ministre et les revendications (salaires, effectifs) des jeunes qui ont lancé le mouvement contrastent avec l’état végétatif des bureaucrates syndicaux. Partie de la base, cette mobilisation leur pose problème. Lorsque le collectif les invitait à rejoindre l’AG du 25 mai, les fédérations santé CGT, FO, CFE-CGC et Sud convoquaient dans un élan « unitaire » leurs permanents syndicaux à une manifestation le 11 juin… pour faire concurrence à celle du 6 juin appelée par le CIU. De bonne volonté le 25 mai, le CIU avait intégré des représentants des principales fédérations au comité national de grève notamment chargé de négocier avec le ministère. Puis le 2 juillet, à l’issue d’une manifestation à Paris suivie d’une rencontre avec le ministère, alors que celui-ci baissait au dernier moment le nombre de représentants admis, les fédérations CGT et FO emmenaient plus de représentants que prévu au point d’empêcher le CIU de rentrer. En ce mois de septembre, la CGT appelle à une « journée d’action nationale » : non pas le 10, la journée appelée par le CIU, mais le 11 septembre. Si des pratiques militantes de terrain peuvent se perdre dans les bureaux syndicaux, le meilleur des manœuvres bureaucratiques reste préservé.


[2Le nombre de passages dans les services d’urgence a plus que doublé en vingt ans. Plus encore, il est souvent compliqué de transférer un malade d’un service d’urgence vers un service où il n’y a qu’une infirmière de nuit pour 30 patients hospitalisés, en raison du manque d’effectifs généralisé. Si le ministère ou la presse argumentent en pointant une hausse des budgets correspondant à une hausse du nombre de passages ces dernières années, le type de soin et les durées d’occupation de lits sont aussi à prendre en compte pour saisir l’évolution de la situation des services d’urgence.

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Numéro 128, septembre-octobre 2019

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