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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 18, novembre-décembre 2001 > Toulouse, deux mois après l’explosion d’AZF

Toulouse, deux mois après l’explosion d’AZF

Les sinistrés des quartiers se font entendre…pas les travailleurs du site

Mis en ligne le 1er décembre 2001 Convergences Entreprises

Une coupure s’est malheureusement installée, dans les jours qui ont suivi l’explosion, entre les travailleurs des usines chimiques « Seveso » d’un côté, et de l’autre les associations qui se sont créées au sein de la population toulousaine aux côtés des organisations politiques et syndicales, pour former le collectif « Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs ».

Cette coupure a été entretenue par les organisations syndicales des usines du pôle chimique, à commencer par celles d’AZF, qui ont refusé de relayer les appels de leurs propres unions départementales à participer aux manifestations avec les sinistrés. Dans la semaine qui a suivi la grande manifestation du samedi 29 septembre, le secrétaire du syndicat CGT d’AZF s’exprimait lors d’une table ronde organisée par La Dépêche en déclarant en particulier : « Dire ’Plus jamais ça ici ou ailleurs’, je trouve ça proprement scandaleux... Le risque zéro n’existe pas. Il faut vivre avec... La procédure Seveso est une garantie de sécurité... » A aucun moment il n’a mis en accusation les dirigeants de TotalFinaElf, qui étaient fort justement la cible privilégiée des manifestants. Le syndicat CGT de l’usine a pris position pour le redémarrage des installations « épargnées » liant la défense de l’emploi à ce redémarrage. Cette « lutte » pour le démarrage passe depuis par un travail de persuasion auprès des élus, des responsables d’institutions et des dirigeants des organisations patronales. Cette « lutte » se mène bien évidemment sous l’œil bienveillant du directeur de l’usine.

La question oubliée : celle des salaires et de la garantie d’un emploi sur Toulouse

Les véritables problèmes qui se posent sur le site d’AZF-Toulouse aussi bien aux embauchés qu’aux travailleurs des entreprises de sous-traitance, lesquels y travaillaient parfois depuis plusieurs années, la question du maintien des salaires, celle de la garantie d’un emploi sur Toulouse, ont été évacués par l’ensemble des syndicats de l’usine dont l’unique préoccupation est jusqu’à maintenant le redémarrage de l’usine. Avec des nuances, les syndicats de la SNPE (Société nationale des poudres et explosifs) voisine ont adopté une position similaire. Mais loin de permettre d’exprimer les intérêts communs des travailleurs des cités et des usines, la politique choisie en la circonstance par les organisations syndicales d’AZF et de la SNPE les a rapprochées... des directions de leurs usines respectives.

A AZF, dès le début, la direction de l’usine a habilement joué de cet état d’esprit. Le directeur de l’usine a rendu hommage au sang-froid et au professionnalisme des travailleurs de l’usine et a « personnellement » pris position, à la télévision, pour le redémarrage de l’usine. Décision qui ne dépend pas de lui, mais du groupe Total, et il est de notoriété publique que ce groupe aimerait, depuis des années, se débarrasser de sa branche Engrais, dont AZF fait partie. Une prise de position qui ne lui a donc pas coûté cher mais lui permet d’apparaître comme le porte-parole de « ses » ouvriers, en tout cas d’attacher le char des organisations syndicales derrière lui. L’union sacrée est de mise.

Les possibilités existent pour que se fasse entendre une autre voix

Tout d’abord, l’état d’esprit des travailleurs est en train d’évoluer.

A AZF, immédiatement après l’explosion, pendant que syndicats et direction mettaient en place le cadre que nous venons de décrire, les sentiments dominants étaient l’hébétude, la prostration. Pendant plus de dix jours, les travailleurs ont enterré leurs morts (21 sur le site d’AZF, sur les 29 morts toulousains) et ont rendu visite aux nombreux blessés. Ils se sont répété qu’un tel accident n’était pas possible, que personne ne l’avait prévu, sentiments sur lesquels se sont développées les rumeurs d’attentats « islamistes ».

Au moment où tous les regards étaient tournés vers Toulouse, vers leur usine, les travailleurs d’AZF, au lieu de se sentir bien à tort sur la défensive, auraient pu s’adresser à tous les travailleurs toulousains pour dénoncer la responsabilité du groupe Total. Ils auraient pu poser, avec un immense crédit, la question de la sécurité dans les usines et le problème de la nécessité du contrôle des travailleurs et de la population sur les conditions dans lesquelles se fait la production. Mais, profitant de l’abattement des premiers jours, direction et syndicats se sont partagés la tâche pour tenter de les engager dans une impasse. C’est ainsi que lors de la grande manifestation toulousaine du samedi 29 septembre, qui a réuni 30 000 participants, seuls quelques travailleurs du site sont tout de même venus derrière une banderole du site AZF.

La situation évolue. Un hiatus commence à apparaître. Le chômage technique et des mutations s’annoncent pour janvier pour les embauchés de l’usine. Des associations représentant les habitants des cités sinistrées se sont constituées, comme par exemple le comité des résidents de la cité du Parc, au Mirail, qui le 14 novembre avait organisé une journée de protestation réussie avec les familles devant la mairie puis la préfecture. Et le 21 novembre, deux mois après l’explosion, les Toulousains manifestaient à nouveau.

Mais les travailleurs d’AZF et d’ailleurs, victimes dans leur salaire ou leur emploi, restent isolés. Or ils sont nombreux, plusieurs milliers. Pour l’instant, pas grand-chose n’a été fait en leur direction. De nombreux militants CGT de Toulouse et des environs sont venus aider les militants de l’Union locale du Mirail qui tentent de conseiller tous ceux qu’ils rencontrent. Cela ne suffit pas pour proposer une politique aux travailleurs touchés, mais cela peut être un point de départ.

Les militants des différents syndicats ou partis ouvriers qui pensent qu’il faut que les travailleurs posent aussi leurs problèmes sur la place publique sont certainement nombreux. Il leur est peut-être possible de se regrouper et de mettre en avant une politique qui unifie les travailleurs des usines et la population des cités.

C’est en tout cas une nécessité.

Vincent TIVOLI

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