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DOSSIER : Tous ensemble contre les mille et un visages du chômage et des licenciements

La lutte contre le chômage passe par l’interdiction des licenciements et des suppressions d’emploi

Mis en ligne le 29 mai 2010 Convergences Politique

D’états généraux de l’Industrie en plans anticrise, le chômage continue de croitre [1]. Ainsi, lundi 10 mai, le gouvernement rencontrait-il les directions des principaux syndicats pour un nouveau « sommet social » : « l’occasion, selon Sarkozy, d’un examen des questions économiques, industrielles et d’emploi afin de dresser un bilan partagé des mesures prises face à la crise et des suites qu’il convient de leur réserver ». La montagne, et son sommet, accouchaient d’une souris. La prolongation des aides concernant le chômage partiel ou l’apprentissage complétera les nombreuses subventions que touche déjà le patronat. Pas de quoi faire baisser le chômage, ni même enrayer la vague de suppressions d’emplois et de licenciements pourtant à l’origine de celui-ci.

Les voies impénétrables des politiques pour l’emploi

Que le gouvernement soit de droite ou de gauche, les politiques se suivent et se ressemblent : aides à l’embauche, contrats aidés, exonérations de cotisations sociales ou encore subventions publiques, le tout accompagné de temps en temps de recommandations en faveur de l’emploi. Car il ne faudrait pas trop contraindre le patronat, l’effrayer, ni même le mécontenter de peur qu’il ne joue pas le jeu, voire qu’il délocalise. Le hic, c’est que toutes ces aides n’arrêtent ni les délocalisations, ni le chômage.

La faute en serait à un « coût » du travail trop élevé en France, empêchant le patronat d’embaucher et le handicapant face à la concurrence des pays à bas salaires. La preuve : ces petits artisans, tant montrés sur les grandes chaînes de télévision, qui ne peuvent se permettre de prendre un salarié car ils croulent sous les « charges » (entendez par là les cotisations sociales qui permettent aux malades de se faire soigner, aux retraités d’avoir une retraite ou aux chômeurs de payer leur loyer). Mais qu’y-a-t-il de commun entre cet artisan et des multinationales comme Renault, Philips, Total ou encore Sanofi-Aventis qui se succèdent au hit-parade des bénéfices et des suppressions d’emplois ? Le but de cette propagande est surtout de culpabiliser les travailleurs, de réduire les salaires et d’augmenter les subventions versées au patronat.

Autre leitmotiv : la croissance qui seule créerait des emplois. Toutes les politiques des gouvernements visent donc à la relancer : par l’investissement productif, par la consommation, les dévaluations monétaires ou la baisse des « charges » et des impôts… Pourtant un taux de croissance aux alentours de 2 % depuis 20 ans n’a pas résorbé le chômage de masse en France. Le mythe de la croissance a des coups dans l’aile, et qui ne viennent pas seulement des décroissants.

Enfin le dogme suprême : les lois du marché ! Socialisme de marché, économie sociale de marché ou encore son dernier avatar, le développement durable : cela fait longtemps que la gauche française ne conteste plus la suprématie du marché. Quant à la droite, elle ne jure que par les commandements gravés sur les tables de la loi du marché. Le rôle de l’État se limite donc à mettre de temps en temps de l’huile dans les rouages lorsque le marché se grippe : octroi de liquidités, prêts massifs pour relancer l’investissement, soutien à la consommation…

Dans ce cadre, il n’est pas question d’empêcher les licenciements, ni d’aller à l’encontre des lois du marché. Au contraire, la solution préconisée est de réduire les effectifs pour augmenter la productivité, dans le privé comme dans le public. On en arrive ainsi à ce paradoxe : pour créer de l’emploi, il faut plus de compétitivité. Et pour relancer la compétitivité, il faut supprimer des emplois. Donc moins il y a d’emplois, plus il y a d’emplois. Surprenant, non ?

Sauf que les faits sont têtus. Si le « moins d’emplois » se vérifie chaque jour par l’annonce de nouveaux plans de licenciements ou de départs dits « volontaires », de fermetures de sites ou de réduction d’effectifs dans le secteur public, le « plus d’emplois » se fait toujours attendre. Au point que certains analystes économiques reparlent aujourd’hui d’une possible « reprise sans emplois ».

Les syndicats jouent les accompagnateurs

Les directions syndicales se placent dans le même cadre d’accompagnement du marché. Leur principale source de mécontentement est d’être réduites au statut de chambres d’enregistrement alors qu’elles ne demandent qu’à être des partenaires loyaux et constructifs du gouvernement et du patronat.

Ainsi, si les syndicats sont sortis globalement déçus du sommet social du 10 mai, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, qui a tendance à positiver en toute circonstance, a quand même jugé que la reconduction des mesures en faveur de l’emploi était « une bonne chose » et que « la CFDT avait été entendue sur l’emploi » !

Chérèque a tout de même critiqué les aides aux heures supplémentaires et la réduction des effectifs publics. Instaurée en 2007, c’est-à-dire avant la crise, l’aide aux heures supplémentaires a coûté 4,2 milliards d’euros à l’État en 2009. Mais elle joue contre l’emploi : la CGT a calculé qu’elle prive les salariés de 400 000 emplois. C’est donc plus une interdiction des heures supplémentaires qu’un arrêt de leur défiscalisation qui pourrait obliger les patrons à embaucher.

On connait également l’engouement de la CGT pour les projets industriels, censés relancer l’emploi dans ce secteur en France. Si ces projets peuvent démontrer que la casse industrielle n’est pas une fatalité, ils servent surtout à positionner ce syndicat en force de proposition, voire de cogestion. Mais les patrons n’ont pas besoin de la CGT pour gérer leur business, et ces projets restent au mieux sur les étagères. Par contre, ils peuvent créer des illusions chez les travailleurs et les détourner de la nécessaire lutte d’ensemble.

Autre sujet cher à la CGT : la Sécurité sociale professionnelle. Inspiré de la Sécurité sociale, cet organisme paritaire patronat-syndicats-pouvoirs publics aurait pour principale fonction, en cas de perte d’emploi, la pérennisation du contrat de travail (maintien de la rémunération, de l’ancienneté, de la qualification, etc.) et une mission de formation et de reclassement. Plus question de lutter contre les licenciements mais bien de les accompagner. Mais la situation politique et sociale n’est plus celle de 1945 [2] et ce projet n’intéresse guère le patronat.

Formation, reclassement, aides incitatives ou conditionnées aux entreprises : des thèmes communs à toutes les centrales syndicales, mais qui ne donnent pas de réponse à la situation d’urgence vécue par les salariés.

Un plan d’urgence contre le chômage

Car, pour lutter contre le chômage, pourquoi ne pas commencer par ne plus fabriquer de chômeurs, c’est-à-dire arrêter de licencier et de supprimer des emplois ? Des mesures d’urgence s’imposent comme l’interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois, quelles que soient leurs formes : plans de départs volontaires, non remplacement des départs, etc.

Les salariés et les militants syndicaux de base menacés de licenciement ont besoin d’une réponse maintenant. Car les travailleurs ne restent pas l’arme au pied. De nombreux conflits contre des licenciements ou des fermetures d’entreprise rythment l’actualité sociale : PTPM, Steelcase, Sodimatex, Teleperformance, Freescale, Philips, et bien d’autres… [3] Mais ils se heurtent à un mur du côté patronal et gouvernemental et sont abandonnés du côté des centrales syndicales. D’où des réactions de désespoir : séquestrations, menaces de faire sauter un site… Des actes radicaux qui portent sur des revendications qui n’ont pourtant rien de radicales, souvent sur quelques milliers d’euros d’indemnités de licenciement supplémentaires.

Les journées d’action nationales et interprofessionnelles qui ponctuent ces conflits ne sont pas en mesure de leur donner de réelles perspectives tant leurs objectifs et leurs mots d’ordre sont flous. Ainsi les travailleurs sont appelés à faire grève et à manifester le 27 mai pour « donner la priorité à l’emploi stable, améliorer les salaires et le pouvoir d’achat, réduire les inégalités, réorienter la fiscalité vers plus de justice sociale, investir pour l’emploi de demain par une politique industrielle prenant en compte les impératifs écologiques et par des services publics de qualité ». Difficile de faire plus vague.

Cependant ces journées peuvent redonner confiance au monde du travail lorsqu’elles connaissent une forte participation. Mais pour qu’elles ne restent pas sans lendemain, il faut que les travailleurs en profitent pour tisser des liens directement entre eux, tout en avançant des revendications précises et qui peuvent permettre d’unifier leurs luttes. Une unité à la base et sur des objectifs clairs, loin des collectifs unitaires entre organisations politiques et syndicales sur des bases si larges qu’elles en deviennent vides de contenu.

La convergence des luttes est une des conditions nécessaires à la lutte contre les licenciements, et donc contre le chômage. Elle n’a rien de spontané et reste une démarche volontariste. De ce côté-là au moins, il n’y a pas de quoi chômer.

13 mai 2010

Gilles SEGUIN


[1Au premier trimestre 2010, le chômage touchait 10,1 % de la population active en France, soit une évolution de 1,2 point par rapport au premier trimestre 2009 (chiffres publiés mardi 11 mai 2010 par l’Organisation pour la coopération et le développement économique - OCDE).

[2Les ordonnances d’octobre 1945 sont à l’origine de la création de la Sécurité sociale en France

[3Pour plus d’infos, se référer au site : www.collectifcontrelespatronsvoyous.com

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