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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 69, mai-juin 2010

À lire : « Chantier interdit au public »… mais pas aux immigrés ni aux sans-papiers !

Mis en ligne le 29 mai 2010 Convergences Culture

Dans le contexte de la lutte des travailleurs sans papiers pour leur régularisation, la lecture d’un petit ouvrage de 2008 (avant les deux grandes vagues de grèves), intitulé Chantier interdit au public, est du plus haut intérêt. Il s’agit d’une enquête sociologique mais, surtout, d’un témoignage sur les ressorts de l’exploitation dans le Bâtiment et les rapports entre les hommes qui y travaillent – d’une grande précision et sensibilité. L’auteur, universitaire mais militant à sa façon, a consacré durant la décennie 2000 une année à des stages ou des missions d’intérim, comme « ferrailleur » dans le béton armé. Son expérience parle, complétée par des éléments sur l’histoire technique et économique de l’industrie du bâtiment : des lendemains de la guerre à l’industrialisation de l’ère des Bouygues, Vinci ou Eiffage – parmi les plus grands mondiaux.

C’est quoi, le Bâtiment ?

C’est le travail d’immigrés… de différentes générations et nationalités. Avec sa hiérarchisation : les Mamadou, Koïta ou Touré, d’origine malienne ou sénégalaise, condamnés aux postes les moins qualifiés – parce que souvent sans papiers et sans prétention possible à une promotion. Les travailleurs d’origine maghrébine occupent des postes plus qualifiés, ceux d’origine portugaise sont chefs d’équipes ou chefs de chantier. Quant aux « bien blancs », ils sont « conducteurs de travaux », jeunes ingénieurs loin du chantier lui-même. Qu’ils organisent néanmoins de leurs bureaux. Le schéma général tolère des exceptions, mais rares. Cette hiérarchisation s’accompagne de discriminations, mépris et racisme, mais pourtant aussi de solidarité ouvrière.

Le Bâtiment, c’est aussi le règne de l’intérim et de la sous-traitance (les deux se cumulant et s’imbriquant en chaîne). Les grands du Bâtiment sont des « bétonneurs sans ouvriers », du moins en tant que salariés propres. Sur un chantier, la proportion peut être de un à huit seulement. Les sept autres sont des intérimaires d’une multitude d’entreprises, entre autres pour le gros œuvre. C’est « l’extériorisation » de la main-d’œuvre par les grandes entreprises. Un système qui organise et stabilise la précarité, pour réaliser les gains maxima. Par une multitude de ressorts décortiqués dans l’ouvrage.

Le Bâtiment, avec la précarisation, l’usure physique et le danger permanent, c’est aussi et surtout le domaine non disputé des travailleurs sans papiers. Probablement des dizaines de milliers – dont certains travaillent au noir, recrutés au jour le jour dans des foyers ou ailleurs, par des intermédiaires combinards. L’ouvrage est paru avant les grèves récentes. Mais ce qu’il relate explique le vent de révolte qui s’est levé, parmi ces milliers de sans-papiers sur lesquels repose l’essentiel du gros œuvre du Bâtiment entre autres – vers lesquels vont les sympathies de l’auteur. Comme quoi la combativité ouvrière, même dans des conditions difficiles, peut ébranler le système le mieux huilé.

Michelle VERDIER


Chantier interdit au public

Enquête parmi les travailleurs

du bâtiment

Nicolas JOUNIN

La Découverte/Poche – 10 euros.

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Numéro 69, mai-juin 2010