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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 21, mai-juin 2002 > Après les présidentielles

Après les présidentielles

FrankensPen, le cinéma de la gauche plurielle

Mis en ligne le 12 mai 2002 Convergences Politique

Le 21 avril au soir, la gauche gouvernementale a reçu un grand coup de massue sur la tête. Mais sous les larmes de la défaite, perçait encore l’arrogance. A entendre les hiérarques du PS, le succès de Le Pen, c’était la faute aux électeurs trop bêtes pour comprendre qu’ils avaient eu un excellent premier ministre, aux abstentionnistes coupables d’incivisme, la faute enfin à ceux qui, à gauche, avaient critiqué la politique menée pendant cinq ans par ce pauvre Jospin. Pas question bien sûr de tirer un vrai bilan des cinq ans du défunt gouvernement !

20 ans de politique anti-sociale, 20 % pour l’extrême droite

La responsabilité de la gauche dans le succès (relatif d’ailleurs) du FN est pourtant évidente. Elle a réussi à dégoûter d’elle des millions de travailleurs. Quand la gauche s’attaque aux classes populaires, c’est-à-dire, en grande partie, son propre électorat, les dégâts politiques et même moraux sont bien plus graves que lorsque la droite se charge elle-même de faire le sale boulot. Il y a 20 ans, la gauche suscitait encore bien des illusions. Elle les a elle-même piétinées depuis. Du coup, tout en écœurant des dizaines de milliers de militants des syndicats ou encore du Parti communiste, elle a engendré la résignation, le repli sur soi, la défiance profonde envers toute idée de lutte collective et d’espoir de changer la société, frayé ainsi la voie aux sentiments individualistes et aux préjugés racistes. La gauche a ainsi contribué à renvoyer des millions de travailleurs dans l’abstention, voire dans les bras de Le Pen.

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Celui-ci peut donc fanfaronner en proclamant, comme déjà en 1995, que le FN est « le premier parti ouvrier de France », et se réjouir de la « disparition du Parti communiste ». Il va peut-être un peu vite en besogne en enterrant dès maintenant le PCF. Mais il est vrai que celui-ci, exactement comme dans les années 1980, a payé bien plus que le PS toutes ces années de politique anti-ouvrière. Si c’est le PS qui décidait, alors que le PCF, finalement, ne faisait guère que cautionner et faire avaler la pilule, l’électorat communiste était le premier à souffrir de toutes ces attaques, et c’est donc lui qui avait le plus de raisons de vomir et déserter la gauche plurielle. Ce n’est pas Le Pen qui tue le Parti communiste, ce sont les Mitterrand et les Marchais hier, les Jospin et Hue aujourd’hui et sans doute, hélas, les Hollande et Buffet demain.

Le bain de jouvence de « l’anti-fascisme »

Le Parti socialiste n’a pas la moindre intention de changer de politique, et ses alliés de la défunte gauche plurielle n’ont pas la moindre intention de rompre avec lui. Mais tous ont bien l’intention d’évacuer leurs responsabilités et faire oublier tout leur passé. Et pour cela ils ont tout de suite eu recours à une manœuvre bien rôdée : l’appel à l’unité contre la prétendue menace fasciste !

Face à celle-ci toute critique, toute divergence exprimée, tout rappel du passé devenait crime de division, brèche dans le mur de béton anti-lepéniste. C’est pour signifier cela qu’ils ont tous fait voter Chirac, qui n’avait en rien besoin de leurs voix. Mais pour faire taire les critiques à son égard, la gauche devait au moins momentanément taire les siennes à l’égard de Chirac, au risque évidemment de mettre la droite en meilleure position encore pour aborder les législatives prochaines. Tant pis pour ce risque ! Tant pis pour le risque d’avoir à se renier et se ridiculiser maintenant.

Car pour ces législatives la gauche n’a plus qu’à tenter de renouveler l’opération de l’unité. Mais cette fois contre Chirac, le soi-disant ami du dimanche 5, le prétendu ennemi du lundi 6. L’unité si fiévreusement recherchée depuis quelques jours par PS, PCF, Verts et même Chevènement, qui s’est rappelé tout d’un coup qu’il était de gauche, a pour but de sauver les meubles. Mais elle a aussi pour fonction de faire taire les critiques, en particulier d’extrême gauche. Tout maintenant pour battre la droite, comme tout pour faire barrage à l’extrême droite il y a quelques jours encore. Et rien qui chagrine ce bel ensemble. Surtout pas le rappel que lutter réellement contre l’extrême droite, qui constitue effectivement un danger potentiel, cela voudrait dire tout ce que la gauche n’a pas fait et ne fera pas : déclarer la guerre à la misère, aux licenciements, aux bas salaires. Autant de mots d’ordre qui sonnaient comme des sifflets accusateurs contre la gauche dans les cortèges du 1er mai encadrés par le PS, SOS Racisme et tous les relais de la gauche de gouvernement. Pas question de faire dans le social ! C’était « 100 % votons ! », le drapeau tricolore, la musique à pleins tubes, même si parfois la chanson était aussi ringarde que la Marseillaise. Le « 3e tour » à préparer n’était pas « social », mais législatif. Votez « utile » en juin, ne laissez pas la droite et le FN seuls au second tour...

Toute cette gauche, qui avait largement boudé la manifestation du 9 juin 2001, aux côtés des salariés de Danone ou de Marks & Spencer, contre les licenciements, était bien contente de défiler le 1er mai... pour assurer, le 9 juin 2002, le prochain premier tour des législatives. Pourtant, si ne serait-ce que le quart des manifestants du 1er mai avaient manifesté pour sauver les emplois des travailleurs jetés à la rue l’année dernière, en serions-nous là ? Le Pen pavoiserait-il aujourd’hui ?

Mais alors, sans doute la gauche ne pourrait pas agiter l’épouvantail qu’elle a elle-même fabriqué pour éviter d’être rejugée sur sa politique... comme elle vient de l’être, et sans bavure, le 21 avril dernier.

Le 8 mai 2002

Bernard RUDELLI

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