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DOSSIER : COP 21 : avec de tels sauveurs, la planète est mal barrée

Et la classe ouvrière ?

Mis en ligne le 9 décembre 2015 Convergences Société

Bien des combats dans cette société, contre de multiples oppressions et spoliations, n’ont pas attendu et n’attendent pas, heureusement, que la classe ouvrière en prenne la tête. Même s’il faudra bien qu’elle finisse par en prendre la tête, au fur et à mesure qu’elle prendra conscience de sa force et rendra convaincantes ses propres mobilisations. Mais on ne peut pas reprocher à ces mouvements, en dépit des limites de leurs leaders, de ne pas attendre la révolution socialiste… Non seulement ils sont légitimes, mais nécessaires. Et, même quand leur base sociale est fragile, voire marginale, ou petite bourgeoise, leur culot comme leur détermination méritent pour le moins la solidarité, et quand c’est à leur portée, la participation active des militants révolutionnaires se réclamant de la classe ouvrière.

Pour l’heure, où décidément les salariés encaissent beaucoup plus de coups qu’ils n’en donnent, nous en sommes réduits à des analyses propagandistes. À différents niveaux.

Les mesures élémentaires permettant une réelle transition énergétique

Tout d’abord, quelles mesures d’urgence, d’ordre technologique ou social, faudrait-il prendre ? Supprimer les milliards de subventions aux trusts des énergies fossiles, pour s’en servir pour les transports publics, la mise aux normes de l’ensemble du logement populaire, la reconversion des industries nocives, la recherche, et ainsi de suite. En sachant que ce sont les riches qui polluent et les plus pauvres qui en subissent les conséquences. En sachant également, les scientifiques nous l’expliquent, qu’il n’y a pas de « technique miracle », et qu’y compris les énergies dites renouvelables ont aussi leurs revers et leurs limites, ou dépendent elles-mêmes d’énergie fossiles.

C’est pourquoi, en vue de supprimer l’énorme gâchis énergétique actuel, il y aurait aussi, et peut-être surtout, des mesures d’urgence dans la réorganisation de l’habitat, donc de l’organisation sociale. Non pas transposer la ville polluante à la campagne, avec la civilisation du tout voiture et des deux à trois heures de transport par jour comme c’est le cas aujourd’hui, mais mettre les moyens d’amener la campagne à la ville… Tout un programme, disons transitoire, moins utopique que le marché du carbone. Et sans doute beaucoup plus efficace que l’exhortation aux bons comportements individuels. Car les véritables économies d’énergie, à grande échelle, doivent se réaliser en amont.

En fait, il nous suffit de puiser ce type de solutions dans le riche arsenal de propositions de principe faites par bon nombre d’écologistes, d’ingénieurs, de sociologues contestataires et de scientifiques. Le seul souci de tout ce panel d’idées, c’est que leur réalisation ne peut découler que de décisions politiques. Donc de qui détient le pouvoir et à quels différents niveaux. Et c’est toute la question, très concrète, où les marxistes révolutionnaires peuvent apporter leurs réponses spécifiques.

Aujourd’hui, contrôles et évaluations bidon

Pour se faire comprendre, il suffit d’attraper le capitalisme prétendu vert, par son point le plus faible, sa réglementation. Bref, sa façon de ne pas faire appliquer les décisions prises au fil de ces grand-messes internationales. Et a contrario, comment les salariés pourraient s’organiser pour faire appliquer les leurs.

Aujourd’hui, des tas de bonnes âmes militent en faveur d’une évolution de la réglementation afin de contraindre les pollueurs à payer, et rétablir une certaine justice… climatique. Mais ce principe pollueur payeur existe déjà, et depuis fort longtemps. Depuis qu’il a été adopté par l’OCDE en 1972 et qu’il a même été transcrit dans la loi en France en 1995. Sauf que pour l’heure, l’efficacité de la législation en question reste encore à démontrer. Cherchez l’erreur.

Comment, et c’est lié, les États évaluent-ils les émissions de CO2 d’une entreprise ? Simplement sur déclaration du patron. Celui-ci remplit un formulaire sur internet : la Déclaration annuelle des émissions et des transferts de polluants et des déchets… qui ne met pas en cause le secret industriel et le secret commercial. Malgré tout, pour bénéficier des « droits d’émissions », cette déclaration doit être confirmée par un audit dit « indépendant »… mais choisi selon des règles définies par le patron, et rémunéré par ce dernier.

Qui contrôle ces déclarations ? En France, c’est « l’inspection des installations classées ». 1 555 inspecteurs en 2014… chargés de vérifier plus de 500 000 installations classées, incluant tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture à la chimie en passant par la métallurgie. En 2008, ces valeureux inspecteurs étaient parvenus à effectuer 26 524 contrôles, ce qui est quand même une belle performance ! Mais parmi ces contrôles, seuls 3 944 étaient inopinés, donc potentiellement embarrassants pour les patrons. Et sur ces 3 944, seuls 297 étaient des contrôles sur site, tous les autres se limitant à vérifier la cohérence des formulaires de déclaration annuelle !

Un contrôle ouvrier démocratique pour une véritable transition énergétique

Mais qui aurait véritablement les moyens d’exercer un tel contrôle, démocratique celui-là, sinon les travailleurs, de toutes catégories, ceux qui se trouvent au cœur et tout au long des processus de production ? Ceux qui travaillent sur les chantiers, sur les chaînes de production, dans les services de comptabilité, les services juridiques des entreprises, dans les labos de recherche, ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs… sans oublier les petites mains des institutions publiques censées faire appliquer les lois, comme les malheureux « inspecteurs des installations classées » évoqués plus haut, aussi démunis en effectifs et en moyens que les inspecteurs du travail.

Les écologistes les mieux intentionnés parlent bien de « contrôle citoyen ». Mais leur horizon démocratique, généralement, ne dépasse guère les réunions « participatives » municipales, rassemblant gentiment à la marge quelques parents d’élèves, enseignants et retraités un peu disponibles. Leur point de vue est strictement consultatif, et les véritables centres de décision bourgeois s’en moquent allègrement.

En revanche, ne faisons pas un rêve, mais simplement un peu de prospective. Imaginons que la classe ouvrière accumule les succès dans ses confrontations avec le patronat, ce qui ne manquera pas d’arriver ; que sa lutte s’étende et se généralise, et devienne par là-même politique ; que dans la foulée elle se donne, à tous les échelons, des formes d’organisation inter-catégories, interprofessionnelles, inter-entreprises, inter-secteurs, inter-villes et régions (d’aucuns parleraient de comités de grève, de comités centraux de grève, de soviets…). Ce serait non seulement les outils politiques permettant des décisions authentiquement démocratiques, mais donnant enfin accès aux véritables centres de décision, de contrôle et d’exécution. Dès lors, laissons nos lecteurs imaginer quelles seraient les modalités, entre autres, de notre transition énergétique.

St.M.

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Numéro 102, novembre-décembre 2015

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