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L’éducation en danger ?

Dix ans de suppressions d’emplois dans l’Éducation nationale

Mis en ligne le 25 septembre 2011 Convergences Société

Les chiffres du ministère parlent d’eux-mêmes. En cette rentrée 2011, 8 967 postes d’enseignants sont supprimés dans les écoles primaires publiques, 4 800 dans les collèges et lycées publics et 1 400 dans l’enseignement privé.

Un vaste plan de restructuration silencieux

Contrairement à ce que prétend le ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel, si les effectifs d’élèves de collège et lycée ont baissé jusqu’en 2009, c’est dans des proportions bien moindres que ceux des personnels. Depuis, la tendance est inversée. À la rentrée 2010, le ministère comptait 39 200 élèves de plus dans le second degré ; pour la rentrée 2011, il en annonce 40 700 de mieux [1] : la génération du baby-boom de l’an 2000 entre au collège. La natalité française connaît en effet depuis cette date une forte hausse [2], responsable sur la décennie passée d’une augmentation de l’effectif des écoles maternelles et primaires de 80 000 élèves, alors même qu’elles subissaient le gros des suppressions de postes.

Avec ses 16 000 suppressions de postes enseignants et non enseignants, l’année 2011 fait dans la continuité. Entre 2007 et 2010, 66 000 postes ont été supprimés par non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux, auxquels il faut ajouter les 30 000 postes d’enseignants en moins entre 2004 et 2007. L’équivalent d’un plan de 100 000 licenciements touchant l’ensemble du personnel de l’Éducation nationale en un peu moins de dix ans. La classe politique a fait subir une restructuration d’ampleur au premier employeur de France. À noter que gauche et droite divergent sur l’endroit « à dégraisser », mais pas sur l’orientation de fond. Rappelons que le ministre Claude Allègre, sous le gouvernement Jospin, avait inventé la comparaison — promise à un bel avenir — avec le « mammouth ».

Des conséquences de plus en plus graves

D’année en année, la saignée est plus violente. Entre les effets différés et les effets cumulés, on en mesure maintenant les conséquences. Un exemple : 600 postes de RASED [3], ces instituteurs qui s’occupent des élèves les plus en difficulté, sont supprimés cette année. Les problèmes spécifiques de quelque 30 000 enfants ne seront plus pris en charge. Il y a trois ans, c’est 1 500 de ces postes qui avaient disparu [4]. Combien d’enfants ont-ils vu leurs difficultés s’accroître ou en rencontrent de nouvelles ? D’autant que les classes spécialisées [5] qui leur étaient destinées accueillent maintenant en priorité les élèves atteints de troubles comportementaux graves ou de handicaps mentaux.

La réforme du lycée a supprimé de nombreuses heures de cours dans l’ensemble des disciplines. Par exemple, la première S (scientifique) perd une heure de mathématiques, une heure de sciences de la vie et de la terre, et une heure et demie de sciences physiques. Quant à l’histoire-géographie, elle disparaît de la terminale S cette année. Au collège, le ministère projette même de regrouper les sciences de la vie et de la Terre, les sciences physiques et la technologie en une seule discipline. Les enseignants des trois matières – pas forcément formés dans chacune d’entre elles – devenant interchangeables, les économies d’échelle permettront de supprimer de nouveaux postes.

L’autre levier des suppressions de postes, c’est l’augmentation du nombre d’élèves par classe. Le plafond varie selon les niveaux et au gré de chaque recteur. De sorte qu’il n’existe aucune règle absolue, et de fortes variations. Mais les classes de collège à 30 élèves, celles de lycée et de maternelle à 35 et plus se multiplient. Même en lycée professionnel où la pratique en atelier impose les petits effectifs, certaines sections passent cette année de 24 à 30 élèves !

Dans tous les métiers

Représentant 80 % des salariés, les enseignants encaissent le plus grand nombre des suppressions de postes. Mais les personnels non enseignants sont parfois frappés plus fort. Les places au concours des CPE, qui dirigent les services de vie scolaire [6], sont passées de près de 900 à 200 entre 2002 et 2007 ; elles stagnent à ce niveau désormais. Depuis 2006, le ministère ne remplace plus qu’un départ sur six à la retraite des Conseillers d’Orientation-Psychologues (COPsy). Une partie de leur travail est transférée aux enseignants – l’orientation des élèves de 3e par exemple. On attend désormais des COPsy qu’ils fassent l’accueil des adultes et des jeunes sortis de l’école sans diplôme, sur des plateformes régionales multiservices du type de Pôle Emploi, et animent des stands dans les salons d’information.

La visite médicale obligatoire en grande section de maternelle, à l’âge de 5 ans, est de fait supprimée dans les zones déficitaires en médecins scolaires, ou bien confiée aux infirmières – un « glissement des tâches » connu à l’hôpital. Alors que ces dernières sont une des rares professions du système scolaire à avoir connu une vague d’embauche, elles ne couvrent toujours pas l’ensemble des établissements, et occupent des « postes partagés », par exemple sur plusieurs écoles. Faute de psychologues scolaires, elles sont souvent le premier, voire le seul interlocuteur des adolescents fragiles. Même en lycée professionnel, où les effectifs sont renforcés, l’éventuel temps plein ne couvre pas l’ensemble des périodes de cours : les élèves ont intérêt à « choisir » le jour pour être malade, a fortiori avoir un accident d’atelier...

Des situations ubuesques

Certaines conséquences sont plus inattendues. Tout le monde a entendu parler cet été des 3 000 copies de l’épreuve de philosophie du baccalauréat sans correcteurs. Plus discret a été le sort de 120 professeurs de sciences physiques de l’Académie de Paris sans affectation à la rentrée 2010. Les inspecteurs leur ont proposé des postes administratifs de 35 heures dans des musées afin d’organiser des sorties scolaires. Faute de volontaires, ils ont très vite essayé de faire croire aux enseignants qu’ils n’avaient pas le choix. Ils ont aussi proposé des postes d’attachés de laboratoire, de maintenance informatique dans le bassin parisien de même que le remplacement des stagiaires en formation en mathématiques, sciences de la vie et de la Terre et même en éducation physique et sportive ! Si l’ampleur de ce phénomène est difficile à chiffrer, cette façon de faire faire n’importe quoi à n’importe qui est de plus en plus fréquente.

L’objectif des rectorats consiste à gérer au coup par coup et avec les moyens du bord la pénurie de personnel.

Arthur KLEIN


[1Le syndicat d’enseignants Snes les estime à 80 000...

[2Parmi tous les pays de l’OCDE, la France possède le plus faible taux d’encadrement des élèves avec 6,1 professeurs pour 100 élèves alors que le taux de fécondité y est le plus élevé d’Europe avec 2,1 enfants – futurs élèves – par femme !

[3Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté.

[4Les autres n’avaient été épargnés – on voit pour combien de temps – que pour lâcher du lest face à la colère des instits.

[5CLIS (Classe d’intégration scolaire) dans le primaire, ULIS (Unité localisées pour l’inclusion scolaire) et SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) dans le second degré. Leur suppression traîne dans les cartons du ministère...

[6Voir le glossaire ci-dessous.

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