Boulots de merde ! Du cireur au trader
De Julien Brygo et Olivier Cyran
Mis en ligne le 26 janvier 2017 Convergences Culture
Boulots de merde ! Du cireur au trader
De Julien Brygo et Olivier Cyran
La Découverte, 2016, 240 pages, 18,50 €.
Le « boulot de merde », ce n’est pas seulement le boulot précaire, pénible, mal payé, aux horaires extensibles et aléatoires. C’est aussi le boulot vide de sens, parfois humiliant, voire nuisible socialement, accepté sous la pression du chômage.
Les deux auteurs, journalistes indépendants, critiques des médias, en livrent quelques exemples, comme celui de cette jeune femme embauchée à la journée pour faire la « plante verte » à l’entrée d’un palace, potiche qui doit sourire en silence sous les remarques salaces de gros lourdauds, ou encore le livreur de repas à vélo, le cireur de chaussures de la Défense ou l’agent de sécurité de Dunkerque, chargé de débusquer les migrants dans les camions en partance pour l’Angleterre. Dans la ligne de mire des auteurs, également, l’institution du service civique, dont les volontaires rêvent d’être utiles à la collectivité, mais font du porte-à-porte pour prêcher « les bons gestes pour l’environnement », sous le patronage d’EDF et de la Lyonnaise des eaux. Les auteurs font aussi visiter le CHU de Toulouse, qui met en œuvre le « lean hospital » inspiré de Toyota, avec sa chasse aux temps morts, sa chirurgie dite ambulatoire (à peine opérés, vous prenez la porte !), son « logisticien du dernier mètre » qui charge et décharge des chariots automatisés apportant repas, linge et médicaments dans les services en mode zéro stock. Ils écornent au passage la « boursouflure » et l’hypocrisie de la com’ patronale, comme celle du patron d’Adrexo (distribution de publicités) qui se vante de faire économiser à ses salariés un abonnement au Gymnase Club en les faisant courir sur leur tournée.
Entre interviews de dirigeants et témoignages de salariés, les auteurs racontent la vie d’une multitude de salariés soumis à des boulots serviles ou sans intérêt. Ils mettent à nu quelques mécanismes de l’exploitation, comme la « préquantification », version moderne du travail à la tâche, qui permet aux patrons de payer un temps de travail forfaitaire largement sous-estimé.
Alors quand il donne la parole à un postier de Marseille pour conclure le livre en affirmant que « c’est la lutte collective qui redonne du sens à notre boulot », on opine du bonnet !
Maurice SPIRZ