Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 29, septembre-octobre 2003 > DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

Abolir la dette des pays pauvres ? Chiche !

Mis en ligne le 26 septembre 2003 Convergences Monde

Il serait plus juste de parler de pays en voie de sous développement que du contraire : les conditions de vie des populations les plus pauvres ne cessent de s’aggraver. En Afrique subsaharienne, la moitié des habitants est plus pauvre qu’en 1990 et le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté est passé de 242 à 300 millions au cours des dix dernières années. Il devrait atteindre les 345 millions selon les prévisions de la Banque mondiale [1]. Par ailleurs, selon le magasine Forbes, en février 2002, les 7 plus grosses fortunes du monde représentaient ensemble plus que le PIB total des 49 pays les moins avancés, où vivent 650 millions d’individus !

La dette des pays les plus pauvres rend tout développement impossible

La dette de ces Etats envers les pays riches ou leurs banques n’est pas pour rien dans cette situation. Les remboursements qu’ils sont obligés d’effectuer chaque année grèvent lourdement leurs budgets sociaux : dans la période 1992-1997, le Cameroun consacrait 36% de son budget au service de la dette et 4% seulement aux services sociaux [2] ! Chaque année, 382 milliards de dollars quittent les pays pauvres au titre du remboursement de la dette, alors qu’une somme de 80 milliards de dollars par an pendant 10 ans suffirait pour assurer à la totalité de leurs populations une alimentation décente, l’accès à l’eau potable, l’éducation primaire et l’accès aux soins médicaux de base [3]

Ces emprunts ont conduit les pays pauvres dans une spirale sans fin de remboursements. Il y a bien longtemps qu’ils ont remboursé plusieurs fois l’équivalent des sommes empruntées. Mais ils continuent à en payer les intérêts et ils sont contraints pour cela d’emprunter à nouveau… Pour un dollar dû en 1980, les pays sous-développés ont remboursé 7,5 dollars mais doivent encore 4 dollars [4] ! Une rente pour la bourgeoisie des pays impérialistes.

Laquelle dispose d’un huissier efficace : le FMI. Sous prétexte d’aider les pays pauvres à rembourser, ses « plans d’ajustement structurel » visent surtout à accroître leur dépendance, et réduisent à néant leurs maigres moyens pour sortir du sous-développement : la privatisation du secteur public avec des licenciements à la clé, la réduction des dépenses de santé et d’éducation, ou la suppression des barrières douanières dans les pays pauvres pour les rendre plus vulnérables à la concurrence des produits venant des pays riches font partie des recettes les plus couramment utilisées.

Quelle campagne pour l’annulation de la dette ?

La plupart des associations partie prenante du mouvement altermondialisation se sont contentées jusqu’à présent de participer à la campagne dite du « Jubilé 2000 » dont l’objectif fut des plus modeste : demander aux dirigeants des pays riches de bien vouloir annuler les seules « dettes non recouvrables », selon une tradition remontant paraît-il à l’Ancien Testament… Cela ne mange pas beaucoup de pain, et d’ailleurs depuis 1996 le FMI lui-même a pris l’initiative d’annoncer à grand renfort de publicité son intention d’annuler une partie de la dette publique pour les pays les plus pauvres : en fait quelques pays triés sur le volet ont eu droit à quelques infimes allégements, après un véritable parcours du combattant et après avoir acceptés de nouvelles mesures d’ajustement structurel. En fait « d’annulation », cela représente en général pas plus de 10 % de la dette publique, en laissant intacte l’énorme fardeau des dettes privées contractées auprès des banques.

D’autres courants se voulant plus radicaux comme le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde, proche d’Attac) exigent l’annulation totale. Mais comment y parvenir ? Le premier problème est évidemment politique. Qui prendrait l’initiative d’un « front du refus » : de bons dirigeants de gauche, progressistes, comme Lula ? On voit ce qu’il en est aujourd’hui ! Ou la solution serait-elle de « faire pression » grâce au « mouvement citoyen » ?

La seule fois dans l’histoire du XXe siècle où la dette d’un pays pauvre (et une dette d’ailleurs colossale pour l’époque) a été radicalement annulée ce fut en Russie en 1917, c’est à dire à la suite d’une révolution prolétarienne, communiste, qui entendait bien faire table rase non seulement des dettes mais du capitalisme, en Russie et dans le monde ! Une perspective que refusent la plupart des organisations du mouvement altermondialisation, même les plus radicales, en expliquant que ce ne serait pas « réaliste ». Mais qu’est-ce qui est réaliste en la matière ?

En finir avec le capitalisme

Et puis même dans l’hypothèse, bien improbable tant que cela dépendra de la bonne volonté des prêteurs, que cette dette soit annulée, quelles conséquences si par ailleurs le monde reste en l’état ? La littérature publiée par Attac ou d’autres est plutôt ambiguë : le sous-développement semble lié au seul problème de la dette, comme si le fait de remettre le compteur à zéro devait permettre de repartir -définitivement- d’un bon pied. Or le sous-développement a une longue histoire qui est celle de la domination de l’impérialisme bouleversant en profondeur l’économie et la société des pays dominés. L’aspect financier ne représente qu’une partie de la question.

Faut-il dans ces conditions envisager d’autres mesures complémentaires ? Sans doute. Mais, toujours dans le cadre du capitalisme, elles semblent assez illusoires. Une hausse du prix des produits agricoles n’irait pas forcément grossir les revenus des petits paysans, et les multinationales chargées de la commercialisation seraient sans aucun doute les premières à tirer leur épingle du jeu. En ce qui concerne les matières premières, la hausse des cours du pétrole obtenue par l’Opep en 1974 montre que cela n’a pas suffit pour améliorer les conditions de vie des populations des pays producteurs [5]. Les bourgeoisies locales se sont enrichies et les groupes pétroliers se sont rattrapés sur les profits à la distribution.

Quant à l’application de « normes sociales », il est évident -dans le cadre économique actuel- que cela ne pourrait servir que de prétexte à un ensemble de mesures protectionnistes favorisant les intérêts de certains industriels aux dépens d’autres, et non à offrir à l’ensemble de la population au Nord comme au Sud des conditions de vie et de travail convenables.

Et c’est bien le problème : annuler la dette des pays du Tiers-Monde, immédiatement et sans condition, nous sommes pour ; créer les conditions d’un véritable développement économique aussi ! Mais on voit mal comment cela serait possible sans renverser le capitalisme.

Lydie GRIMAL


[1Damien Millet et Eric Toussaint, 50 questions 50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, éditions Syllepse

[2Source : PNUD, Rapport sur la pauvreté dans le monde 2000

[3Source : idem

[4Damien Millet et Eric Toussaint, 50 questions 50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, calculs d’après des données de la Banque mondiale…

[5Convergences révolutionnaires n° 24 : le pétrole, une chance pour le développement ?

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article