2008-2018 : La crise, dix ans après ?
Mis en ligne le 13 novembre 2018 Convergences Économie
Il y a dix ans, le 15 septembre 2008, la faillite spectaculaire de la banque d’investissement Lehman Brothers, l’une des plus grandes faillites de l’histoire des États-Unis, marquait le début d’une nouvelle crise économique, appelée crise des subprimes, du nom des prêts hypothécaires à risque américains qui ont fait vaciller la finance internationale. Par bien des aspects, cette crise a été la plus profonde qu’ait connue le monde capitaliste depuis la grande dépression des années 1930.
Dix ans après, le monde capitaliste s’interroge encore : où en sommes-nous ? La crise est-elle derrière nous ? Menace-t-elle encore ? Les interrogations elles-mêmes en disent long sur le capitalisme et la société qu’il nous propose.
Pour les dirigeants politiques de ce monde, la crise est bien finie. La croissance est revenue, la courbe du chômage s’est enfin inversée. Aux États-Unis, le taux de chômage officiel est même historiquement bas, à 3,9 %. Dans un tweet en juin dernier, Donald Trump pavoisait : « À bien des égards, nous sommes dans la meilleure situation économique de toute l’HISTOIRE de l’Amérique et au meilleur moment que JAMAIS pour chercher un emploi ».
Bref, il n’y aurait déjà qu’à traverser la rue.
La réalité est moins rose pour les travailleurs des USA, comme pour ceux d’Allemagne avec ses 3,4 % de chômeurs ou du Royaume-Uni avec ses 4 % : un grand nombre de chômeurs ont été contraints d’accepter des petits boulots qui sont loin de faire de vivre mais… font sortir des statistiques !
Les actionnaires, au contraire, vivent bien. Au second trimestre 2018, les entreprises leur ont versé des dividendes record de 500 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Ils devraient atteindre 1 350 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année 2018 selon les pronostics. C’est l’équivalent du PIB de l’Espagne. Dans cette économie capitaliste, les records sont souvent des préludes à effondrement. Certains économistes en alignent des signes possibles.
Alerte aux prix du pétrole ?
La relance a été favorisée par les bas prix des matières premières, et notamment du pétrole, prix qui commencent à remonter. Le baril de pétrole, qui était tombé à 30 dollars en 2016 oscille maintenant entre 70 et 80 dollars. Jusqu’où encore ?
Alerte à l’augmentation des taux d’intérêt ?
La croissance retrouvée a également été tirée par les facilités monétaires accordées par les banques centrales, et notamment la Réserve fédérale américaine, la Fed, avec des taux directeurs exceptionnellement bas. Or, avec la reprise économique revient l’inflation. Et pour la limiter, la Fed pourrait être amenée à remonter ses taux, avec pour conséquence d’une part d’assécher les crédits et donc la croissance, et d’autre part de renchérir ces crédits dans une économie déjà largement endettée. D’où un sourd affrontement dont les médias se font l’écho, entre Trump et cette banque centrale américaine que le président américain traite publiquement de « folle ».
Alerte à l’emballement de l’endettement ?
Par ailleurs, la masse des dettes est colossale. L’endettement total dans le monde (États, entreprises et particuliers) s’élève à 237 000 milliards d’euros, soit trois fois le PIB mondial. Il est supérieur de 70 000 milliards d’euros à son niveau de 2007. Cet endettement, qui était à l’origine de l’éclatement de la crise, n’est donc toujours pas résolu, et pas seulement en Grèce ou au Portugal dont les gouvernants nous rebattent les oreilles, mais avant tout dans les pays les plus riches où la dette est la plus élevée. Mais entre temps, cette dette est passée des mains des entreprises, qui ont été renflouées avec l’argent public, vers les États, qui comptent continuer de la faire payer aux travailleurs.
Alerte aux surenchères protectionnistes et chauvines ?
Mais le plus inquiétant est certainement la chute du cours de l’action politique, dans les prétendues démocraties capitalistes, et la montée de la cote des extrêmes droites partout dans le monde : de l’Allemagne à la Suède, en passant par les USA et le Brésil où un démagogue ouvertement misogyne, raciste, homophobe et nostalgique de la dictature militaire vient d’être élu. Si les succès de l’extrême droite se font sur une démagogie xénophobe contre l’accueil de migrants ou populiste contre la corruption des milieux politiques, ils ne sont possibles que sur fond d’appauvrissement de larges couches de la population.
Où nous mène le capitalisme aujourd’hui ? Ce dossier se propose déjà et plus modestement de revenir sur la crise de 2008, ses causes, ses conséquences. Et les leçons que nous pouvons en tirer.
26 octobre 2018, Maurice Spirz
Mots-clés : Crise
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