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Macron, Trump et l’Arabie saoudite

Que vaut un journaliste face à un marché d’armes ?

Mis en ligne le 13 novembre 2018 Convergences Monde

En sept minutes et en musique, par strangulation puis démembrement à la scie, puis le corps disparu dans les airs avec les hommes du commando chargé de son exécution, les dernières révélations sur l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, dans le consulat d’Istanbul, ont exposé au plein jour l’ignominie de la monarchie saoudienne.

Né lui-même dans une des grandes familles saoudiennes, Khashoggi, récemment émigré aux États-Unis, n’était pourtant même pas un opposant des plus virulents. Il avait joué le rôle de propagandiste du trône durant de nombreuses années avant de critiquer la politique du prince héritier Mohammed Ben Salmane, devenu l’homme fort du régime saoudien. Mais aucune opposition n’est tolérée.

On n’ose à peine imaginer le sort des autres victimes du régime. Israa al-Ghomgham, ainsi que cinq autres militants ayant participé aux manifestations de 2011 contre les discriminations dont sont victimes les chiites, risquent une exécution publique. Ils passaient en procès le 28 octobre. Le régime ne s’est pas donné la peine de les sortir de prison pour qu’ils assistent à l’audience. Les condamnations à mort et les décapitations sont en effet banales, entre autres sur une simple accusation de vol pour les immigrés venus chercher du travail depuis les pays pauvres de la région ou le sous-continent indien.

Des marchands de mort conséquents

Le meurtre d’un journaliste du Washington Post très connu pouvait plus difficilement être passé sous silence. Néanmoins, l’indignation médiatique internationale qui a suivi le meurtre n’a pas longtemps gêné les amis du roi d’Arabie saoudite et de son rejeton. Après quelques instants de gêne, retour au cynisme.

Version Trump : « Nous avons 450 milliards de dollars [de contrats avec l’Arabie saoudite], dont 110 milliards de commandes militaires. […] Ce n’est pas constructif pour nous d’annuler une commande comme celle-là ».

Ou version Macron, affirmant que les ventes d’armes à l’Arabie saoudite n’ont « rien à voir avec M. Khashoggi, [qu’]il ne faut pas tout confondre ». Il a, cependant, dû reconnaître, en toute décontraction, le « lien avec le Yémen ». Car les armes vendues par la France à l’Arabie saoudite (11 milliards d’euros de ventes en dix ans, de 2008 à 2017) y servent à massacrer des civils.

Cette guerre au Yémen a provoqué selon l’ONU « la pire crise humanitaire au monde  » avec cinq millions d’enfants victimes de la famine. Alors quand on entend ces tout derniers jours les USA, par la voix du secrétaire à la Défense, Jim Mattis, prôner un cessez-le-feu au Yémen « d’ici à 30 jours », alors que depuis le début de cette guerre, en 2015, ils n’ont cessé de l’alimenter, ce n’est très certainement pas pour préserver des vies humaines. Dans la foulée, la ministre française de la Défense, Florence Parly, y est allée aussi de sa tirade : elle aurait « demandé des gages de clarté sur le conflit au Yémen, où nous sommes très attachés aux règles humanitaires ». À coup de quelque 400 blindés, bon nombre de missiles et de bombes, quelques chars Leclerc, dont la France assure l’entretien, et d’une grande quantité d’armes légères, pour ne parler que d’une partie des ventes de la France, où sont les « règles humanitaires » ?

C’est avant tout avec l’aval des États-Unis que l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition de dix autres États arabes, mène cette guerre. Mais les Européens ne sont pas loin. Même si chacun a ses propres intérêts à défendre, comme le montre le mécontentement des industriels européens face à l’embargo de l’Iran décrété par les USA. Tous soutiennent, sans scrupule, les dictatures de la région qui garantissent leurs importations de pétrole et de gaz, et qui leur fournissent de jolis débouchés pour le matériel de mort, Lockheed Martin ou Northrop, Dassault ou Thales. Dictatures qui les protègent aussi de la colère des peuples pauvres de cette région si riche.

Face à cela, que pèse la vie d’un journaliste ?

3 novembre 2018, Kris Miclos


De « notre ami le roi » à « notre ami le prince », les mœurs immortelles des appareils d’État

« Je suis l’un de vos amis, votre frère » déclara Macron au prince héritier d’Arabie Saoudite, dès la première fois qu’il le rencontra, en novembre 2017 à Riad.

En 1965, pour le président de la république française de l’époque, Charles De Gaulle, « notre ami » était roi. Il s’appelait Hassan II, roi du Maroc, lorsqu’un de ses principaux opposants, Mehdi Ben Barka, était kidnappé en plein Paris devant la brasserie Lipp au quartier latin. Le ministre de l’Intérieur marocain en personne, le Général Oufkir, était venu sur place, accompagné du chef de la Sécurité marocaine et de quelques autres, réceptionner la victime dans une belle villa de la banlieue parisienne. Le corps de Ben Barka, torturé et exécuté sur place par ce commando de hauts gradés, n’a jamais été retrouvé, alors que le général Oufkir et ses acolytes reprenaient l’avion à Orly. Tout cela avec d’évidentes complicités dans la police et les services secrets français.

Maladresse de mauvais élève ? Le mystère Khashoggi s’est éventé plus vite que celui qui avait couvert l’assassinat du leader tiers-mondiste marocain qui gênait le roi. Mais l’État saoudien a sans doute appris la méthode des États marocains et français.

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Numéro 122, novembre 2018