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The Wire

Mis en ligne le 1er mai 2020 Culture

The Wire (Sur écoute), Drame/Policier, États-Unis, 2002, terminée.

5 saisons, 62 épisodes de 58 minutes.

Près de vingt ans après sa sortie, voilà un monument de la série télé qui n’a pas pris une ride. Sous prétexte de suivre la création, puis les enquêtes, d’une brigade spéciale de police qui opère notamment par la mise sur écoute (d’où le nom de la série), c’est en fait une plongée en profondeur dans les eaux saumâtres de Baltimore, une ville en perdition. Car le personnage principal de la série est bien la ville de Baltimore, prise dans les méandres de la désindustrialisation et du chômage de masse, qui charrient leur lot de trafics en tout genre, de criminalité de rue ou de grand banditisme. Les riches ayant littéralement fui ou s’étant réfugiés dans les quartiers huppés du nord, la population s’est effondrée, d’un million en 1950 à 600 000 de nos jours. Ne restent que les laissés-pour-compte, dont une majorité d’Afro-américains, et un quart d’habitants sous le seuil de pauvreté.

Une des grandes réussites de la série est de nous donner à voir, dans chacune de ses cinq saisons, des strates différentes de cette société urbaine en décomposition. La première saison se concentre sur le trafic de drogue dans les quartiers ouest, l’emprise de ce commerce prospère sur les gamins désœuvrés et autres marginaux, et la guerre sans fin que mène une institution policière où les flics intègres se font aussi rares, à mesure que l’on monte dans la hiérarchie, que les enquêtes résolues. Dès la deuxième saison, on est transporté de l’autre côté de la ville, sur les quais en berne du port industriel autrefois florissant où la contrebande est désormais l’activité la plus lucrative. La suite de la série explore les cercles du pouvoir politique et médiatique, en passant aussi par le système éducatif.

Mais ce qui érige The Wire au rang de monument, c’est sa finesse d’écriture et la pertinence du ton adopté pour raconter la ville. On pourrait qualifier la série d’œuvre naturaliste dans la lignée de Zola, tant elle est guidée par un souci presque documentaire de raconter des trajectoires et des conditions sociales pour ce qu’elles sont. À noter que le créateur de la série, David Simon, a écrit un ouvrage intitulé Baltimore sur son immersion dans la police de la ville, et que l’un des scénaristes est George Pelecanos, auteur d’excellents romans policiers.

La narration est faite par le biais de personnages désespérément humains, dont les choix sont toujours confrontés aux circonstances dans lesquelles ils évoluent. Les auteurs parviennent à ne jamais tomber ni dans le manichéisme, ni dans le voyeurisme sociologique. Ils nous font éprouver une profonde empathie pour cette humanité en déshérence, ces gens qui font ce qu’ils peuvent, jusqu’aux pires salauds dont on est déchiré de comprendre de trop près les motivations ; le tout, malgré une réalisation d’une sobriété parfois presque ennuyeuse, mais servie par la bande son discrète dont chaque morceau est une pépite, dès le générique de la première saison. En tout cas, si « les seules œuvres grandes et morales sont les œuvres de vérité », The Wire compte parmi celles-là.

Armand Thalot

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