Les précaires de l’Éducation nationale
Mis en ligne le 16 février 2021 Convergences Politique
Tous les secteurs professionnels connaissent une augmentation de la précarité, et l’Éducation nationale n’y fait pas exception. Les statuts étant divers et variés (qui ne s’est jamais arraché les cheveux face aux acronymes de l’Éducation nationale ?), les coordonner est un vrai défi, d’autant que ces travailleurs précaires sont souvent invisibilisés dans cette grande usine soupçonnée d’abriter, c’est bien connu, privilégiés et feignants.
Les AESH
Ainsi, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont de plus en plus recrutés pour des contrats de 24 heures avec des salaires en moyenne de 740 euros. Il s’agit surtout de femmes et plus de 60 % de la profession est aujourd’hui à temps partiel, ce qui oblige bien souvent à chercher un deuxième emploi. Ce ne sont pourtant pas les besoins qui manquent puisque chaque année des élèves ne bénéficient pas de l’accompagnement auquel ils ont pourtant droit. En outre, la plupart du temps, ces AESH suivent des élèves de différents établissements, ce qui les oblige à faire beaucoup de kilomètres et à passer du temps dans les transports pour un salaire de misère, une situation qui s’est aggravée depuis leur mutualisation dans les PIAL [1]. En outre, à cause de la pandémie, ces femmes ont parfois perdu leur deuxième emploi, ce qui les a obligées à avoir recours aux services sociaux de l’Éducation nationale (elles représentent environ les trois quarts des demandes, tout personnel confondu). Et toutes ne peuvent pas toucher ces aides, car certaines ne dépendent pas de la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN), sont recrutées en CDD par un établissement mutualisateur, et n’y ont tout bonnement pas droit !
Les AED
Cependant, les AESH n’ont pas grand-chose à envier aux assistants d’éducation (AED) : un service de 34 heures pour gagner 979 euros, il fallait y penser ! L’Éducation nationale l’a fait, sous prétexte qu’il y a les vacances. Mais cette précarité ne concerne pas que le salaire : comme tout contractuel, les AED attendent avec appréhension chaque année le renouvellement de leur contrat, dans une limite de six ans, après quoi il n’est plus possible de rester AED. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus un job étudiant comme il y a vingt ans et la peur de se retrouver sans rien, en plus d’être en sous-effectif et sans formation, est leur insupportable lot quotidien. À tel point qu’un mouvement est né cette année, avec une tentative de coordination nationale des AG locales, et des journées de grève indépendantes de celles qui ont réuni l’ensemble du personnel, où les AED étaient aussi au rendez-vous. La journée de grève du 1er décembre a ainsi été une vraie réussite, mettant en difficulté de nombreux établissements qui ont parfois dû fermer tant les AED ont un rôle crucial. Leur pouvoir de « nuisance » est à la hauteur des pressions qu’ils et elles subissent et du coût financier que cela entraîne sur les portefeuilles.
Les contractuels
Cette précarité touche enfin les enseignants contractuels, dont la part augmente d’année en année. On aurait pu comprendre le recours massif à ces derniers dans l’urgence du printemps en raison de la pandémie, mais faute de moyens, il n’en a rien été. Non seulement il n’y a pas eu d’embauches supplémentaires de titulaires à la rentrée de septembre, mais c’est l’inverse qui a eu lieu. Des collègues contractuels se sont retrouvés sans poste alors que des élèves n’avaient pas d’enseignants devant eux. Pire, dans les académies de Créteil, d’Aix-Marseille et dans certains établissements où les chefs sont zélés, les remplacements d’enseignants à la santé fragile ont cessé depuis Noël : ces derniers ont dû soit revenir en classe, soit télétravailler, et les enseignants contractuels se sont retrouvés sans rien. Par ailleurs, les salaires impayés et les contrats de seulement quelques heures sur plusieurs établissements sont très fréquents, y compris pour des contractuels qui enseignent depuis des années, mais pour qui le concours, dont le nombre de postes à pourvoir diminue et qu’il faut passer alors qu’on travaille à côté, n’est pas une réelle perspective. C’est la titularisation de tous qui doit être revendiquée, qui plus est à l’heure où une réforme de la formation prévoit que les étudiants de M2 assureront des heures devant les élèves avec un salaire de 850 euros, durant l’année où ils préparent le concours. S’ils ne l’obtiennent pas faute de temps pour le préparer et de postes en nombre suffisant, qu’à cela ne tienne, on en fera des contractuels ! Il est temps que les travailleurs du secteur s’unissent pour lutter contre cette précarité organisée et généralisée.
Barbara Kazan
[1] Pôles inclusifs d’accompagnement localisés : ils concentrent les AESH afin de les répartir ensuite sur chaque secteur.
Mots-clés : Enseignement