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DOSSIER : France, Europe, États-Unis. Une même sale politique anti-migrants

Accueil des mineurs isolés étrangers : l’exemple toulousain

Mis en ligne le 29 octobre 2019 Convergences Politique

L’accueil des mineurs isolés étrangers (ou désormais mineurs non accompagnés) doit, selon la loi, être assuré par l’aide sociale à l’enfance, dépendant du conseil départemental.

Le conseil départemental de Haute-Garonne, comme d’autres, a créé un dispositif départemental, d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés, ou DDAEOMI. À Toulouse, c’est l’Anras (association nationale de recherche et d’action solidaire) qui, par délégation de service public, assure cet « accueil ».

Depuis juillet 2016, les jeunes mineurs arrivant à Toulouse sont donc « mis à l’abri » dans un bâtiment pendant environ cinq jours pour « une évaluation étayée et bienveillante ». Les entretiens sont menés par différents travailleurs sociaux, qui produisent un rapport final transmis au procureur. Lors de ces entretiens il semble qu’on cherche à les faire se contredire (certains, à une étape ou une autre de leur périple migratoire, ont déclaré être majeurs pour ne pas être bloqués dans un pays où ils ne souhaitaient pas rester). « L’évaluation bienveillante » est génératrice de beaucoup de stress et facilite la déstabilisation du jeune « évalué ». Officiellement, l’évaluation prend en compte le « développement physique » : pourtant, sans être très physionomiste, certains des recalés semblent très jeunes… Elle devrait tenir compte des documents d’identité présentés (dont le DDAEOMI n’est pas habilité à contester lui-même la validité) mais il semble que ce soit rarement le cas (ne serait-ce que parce que beaucoup préfèrent ne pas voyager avec les originaux).

Selon les chiffres officiels, pour 2018, sur la Haute-Garonne :

  • 1076 évaluations ont été lancées,
  • 800 ont pu être conduites jusqu’au bout,
  • 165 ont permis une reconnaissance de minorité.

Parmi les 800 jeunes « évalués » il y a donc eu 635 jeunes dont la minorité a été contestée par le DDAEOMI, soit plus de 79 %. Le procureur a systématiquement validé ces contestations. La grande majorité des recalés viennent d’Afrique noire, tandis que ceux qui viennent du Maghreb sont pour la plupart reconnus mineurs. Il semblerait que l’existence d’accords avec les pays du Maghreb pour faciliter l’expulsion des jeunes lors de leurs 18 ans (et leur absence avec les pays sub-sahariens) ne soit pas étrangère à cette différence de traitement.

Officiellement, les recalés sont informés des recours possibles. Mais le DDAEOMI cherche à les dissuader de les faire, en insistant sur les sanctions pénales encourues en cas de fausse déclaration. Les recalés sont ensuite mis à la rue. Enfin, pas tout à fait : bien souvent on leur donne aujourd’hui l’adresse d’un bâtiment désaffecté de l’hôpital Purpan où la mairie a ouvert en juin 2019 un lieu de vie pour eux. Elle ne l’a fait que contrainte, car auparavant le « lieu de vie » de ces jeunes était un squat ouvert par AutonoMIE (dans un bâtiment propriété de la mairie), devenu insalubre, avec un risque d’incendie important [1].

Sans doute la mairie (de droite) a-t-elle craint un accident grave et préféré ne pas voir ces jeunes s’ajouter aux nombreux sans abri de Toulouse. Peut-être, en cette période préélectorale, cherche-t-elle aussi à se donner le beau rôle face au conseil départemental (à majorité PS) ? Toujours est-il que c’est grâce aux militants et aux avocats d’AutonoMIE que les jeunes hébergés ont un toit et peuvent engager leur recours pour faire reconnaître leur minorité. Et grâce à des professeurs bénévoles que beaucoup peuvent suivre des cours, voire être scolarisés, durant les longs mois que peut durer le recours.

Dans environ neuf cas sur dix la minorité de ces « présumés majeurs » est finalement reconnue par les juges

Ce qui jette un gros doute sur le sérieux de l’évaluation initiale. Mais l’essentiel pour le conseil départemental n’est-il pas d’avoir gagné des mois où il n’a pas eu à prendre en charge ces jeunes ?

Cerise sur le gâteau, une récente loi a décidé que le dispositif « jeune majeur » mis en place pour les jeunes atteignant 18 ans ne serait ouvert qu’aux jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant 16 ans et demi. Les quelques mois gagnés par le conseil départemental permettront donc dans bien des cas de s’affranchir de tout devoir envers ces jeunes migrants après leurs 18 ans.

21 octobre 2019, Félix Rolin


[1On vient d’apprendre que ce lieu d’hébergement fermerait fin février 2020… avec retour des jeunes dans ce bâtiment « réhabilité »… et avec moins de places d’accueil qu’aujourd’hui.

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Numéro 129, novembre 2019