XVIIe congrès de la LCR : un pas en avant vers le nouveau parti anticapitaliste… et en arrière en terme de clarification politique ?
Mis en ligne le 21 mars 2008 Convergences Politique
« Historique » ! C’est ainsi que différents dirigeants de la LCR, dont Alain Krivine et Olivier Besancenot, ont qualifié le XVIIe congrès de l’organisation, réuni fin janvier 2008 et engageant formellement la Ligue sur la voie de la construction d’un Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Historique aussi la majorité à laquelle cette orientation a été entérinée. Si l’enjeu du congrès était de réunir largement autour de la plateforme majoritaire et de son adresse appelant à la création du nouveau parti, l’objectif a donc été atteint. Et un calendrier prévisionnel est d’ores et déjà établi, avec une première réunion nationale des comités d’initiative en juin, puis un congrès de fondation du NPA fin 2008 ou début 2009, précédé de celui de dissolution de la LCR.
Si le « processus constituant » est donc lancé et annoncé comme « irréversible » , il reste que le congrès n’a guère permis d’avancer dans la clarification des contours politiques du futur parti. Parti révolutionnaire ? LCR relookée ? Gauche de la gauche ? Il est clair que la majorité de la LCR n’a pas voulu trancher clairement entre ces diverses options. L’adresse issue du congrès fixe l’objectif d’ « un parti pour préparer un changement radical, révolutionnaire de la société c’est-à-dire la fin du capitalisme, de la propriété privée des principaux moyens de production, du pillage de la planète et de la destruction de la nature » … mais sans fixer les voies que ce parti devrait emprunter pour parvenir à ce changement. Elle permet donc à tout le monde d’y trouver ses petits, révolutionnaires comme non révolutionnaires. Marx y retrouvera-t-il les siens ?
Avec qui ?
L’adresse est un peu plus claire sur ceux avec lesquels la LCR veut faire le nouveau parti. Elle en appelle aux « individus, équipes militantes, courants politiques » , « à toutes les organisations ou courants politiques nationaux ou locaux » partageant cet objectif.
En pratique pourtant elle ne semble pas avoir trouvé (ni vraiment cherché en fait) de partenaire politique à l’échelle nationale. Aucun en tout cas ne s’est déclaré, ni avant le congrès ni depuis, prêt à s’engager dans cette démarche – ce que nous regrettons de la part de Lutte ouvrière à qui, en tant que minorité, nous avions proposé d’explorer avec la LCR la possibilité de créer un nouveau parti sur des bases clairement révolutionnaires.
D’où pourraient donc venir les « dizaines de milliers de militants agissant sur le terrain de l’anticapitalisme et à la recherche d’une politique en rupture avec le “réalisme” des directions syndicales, du PS et du PC » qu’évoquent les thèses majoritaires ? Est-ce une allusion aux nouveaux ou plus anciens, éveillés ou réveillés à la politique par les récents succès électoraux de la LCR ? Mais dans ce cas des dizaines de milliers, vraiment ? Sur ce point en tout cas, le congrès qui devait initialement permettre un bilan d’étape des premières initiatives aura seulement lancé le signal pour la constitution de comités dans lesquels il reste à voir qui et combien vont se retrouver.
Restent des équipes militantes, notamment syndicales et associatives, sur qui compte explicitement la LCR. Peut-être en effet une partie de ce milieu, déçu de la gauche ou se sentant trahi par elle, est disposé à adhérer demain à un parti se proclamant anticapitaliste, à un « nouveau parti des résistances, de la rupture avec le système et pour le socialisme » . Mais si ce parti ne s’affiche ni communiste ni révolutionnaire, même si cela facilite dans un premier temps l’adhésion d’un plus grand nombre, c’est à coup sûr dans un second dresser un sérieux obstacle à ce qu’il s’engage, même à terme, dans la voie révolutionnaire.
Dans quelle direction ?
Il n’est donc pas anodin pour tenter de comprendre dans quelle voie la LCR est en train d’engager la nouvelle organisation, que la critique de la politique « des grandes confédérations syndicales » ait été édulcorée dans la version finale de l’adresse issue du congrès, remplacée par des considérations vagues sur « un syndicalisme d’accompagnement [prenant] le pas sur un syndicalisme lutte de classe et de transformation sociale » . Ou encore que le bilan du congrès fait dans Rouge par la plateforme majoritaire souligne à nouveau la nécessité de « regrouper les forces anticapitalistes et révolutionnaires » – s’adressant ainsi clairement à des militants, se considérant anticapitalistes peut-être, mais assumant de n’être pas révolutionnaires.
C’est d’ailleurs essentiellement à ce milieu, tant syndical qu’associatif, que la Ligue a cherché à s’adresser dans les élections municipales, privilégiant des plateformes bien plus axées sur les problèmes locaux que sur les problèmes politiques généraux posés à l’ensemble de la classe ouvrière. Ceci, contrairement à ce qu’elle avait plus ou moins annoncé. Et avec finalement à la clé, pour ce qui nous concerne, l’impossibilité de présenter des listes en commun dans des villes comme Cherbourg ou Sotteville-Lès-Rouen, où des discussions étaient pourtant bien avancées.
Nos questions restent donc entières quant à la nature de l’organisation que la LCR entend fonder et dans laquelle elle entend se fondre. Aussi nous participerons aux réunions des comités d’initiative pour le nouveau parti, pour y obtenir des réponses mais surtout pour y défendre la perspective d’une orientation révolutionnaire. Car à défaut de celle-ci, le parti qui sortira du processus en cours a bien peu de chances d’être une étape possible dans la construction du parti réellement communiste et révolutionnaire dont la classe ouvrière a besoin pour son émancipation… et qui reste notre objectif.
12 mars 2008
Gérard WEGAN