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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 62, mars-avril 2009

Unité politique « durable » ou front unique pour la grève générale ?

Mis en ligne le 7 mars 2009 Convergences Politique

Le problème politique important, posé par ce congrès, est celui des conditions fixées pour la réussite des luttes. « Il y a besoin de victoires » a déclaré Olivier Besancenot, « donc de propositions unitaires » , a-t-il ajouté. Et de citer un premier « appel des 10 » que la LCR a signé, entre autres avec le PCF et le nouveau Parti de gauche de Mélenchon – « en soutien à la journée du 29 janvier » . Puis un « communiqué de toutes les organisations de gauche » , PS en tête, PC, etc. (jusqu’à Lutte ouvrière), se félicitant de la journée du 29 janvier.

Pour appeler résolument et précisément à une suite et ses étapes ? Pour fixer des revendications unitaires au monde du travail (interdiction des licenciements, 300 euros de plus de salaires, contrôle des travailleurs sur les comptes des industriels, des banquiers et de l’État à leur service) ? Rien de cela. Aucune de ces « propositions unitaires » nécessaires à la victoire, comme dirait Olivier Besancenot. Aucune utilité donc, si ce n’est celle, plus que discutable, d’écrire le nom du NPA au bas d’un parchemin, aux côtés de partis qui n’ont pas brillé ni ne brillent aujourd’hui par la défense des intérêts fondamentaux des travailleurs.

Certes, il ne s’est agi en la circonstance que de simples communiqués « de soutien » ou de « félicitations ». Mais justement… pourquoi cette petite caution du NPA (et de LO pour le deuxième communiqué), qui pour l’heure n’engage heureusement à rien (lesdits appels étant passés inaperçus des manifestants du 29 janvier), à des appareils de gauche se refusant justement à décliner un programme de mobilisation pour les travailleurs ? Ce dont témoigne d’ailleurs les formulations indigentes de ce communiqué du 4 février, vagues à souhait, dont certaines, qui plus est, collaient directement au train des appareils syndicaux ( « Nicolas Sarkozy et le gouvernement ne peuvent se dérober à ces exigences et ignorer les grands axes avancés dans la plate-forme syndicale unitaire   » ), jusqu’à se contenter, à propos de la grève générale de la Guadeloupe, de quémander au gouvernement «  d’engager au plus vite de réelles négociations sur les revendications exprimées… »

De la « durabilité » unitaire…

Une bonne partie des travaux du congrès, en particulier la discussion sur les prochaines élections européennes, s’est tenue sous le signe de « l’unité durable à gauche » : « Le congrès fondateur du NPA est favorable à un accord durable de toutes les forces qui se réclament de l’anticapitalisme, un accord qui pourrait donner un élan supplémentaire aux mobilisations et aux luttes pour faire payer leur crise au patronat, aux banques et aux gouvernements tant à l’échelle nationale qu’européenne. » affirme la résolution adoptée, en concluant sur « une unité qui ne soit pas un cartel électoral sans lendemain mais un instrument pour les luttes des travailleurs, et qui ne se limite pas aux élections européennes, mais s’étende aux élections régionales (…) toujours dans l’indépendance vis-à-vis du PS   » .

Il était d’abord question des suites à donner au 29 janvier, et voilà qu’on regarde l’horizon électoral à 6 mois (au lendemain des européennes) et même à plus d’un an (les régionales !).

On est en pleine confusion. Ou plutôt, la référence aux luttes dans cette résolution est toute de convenance et il fallait décrypter : il s’agissait en fait de simple tactique électorale signifiant au PC et au PG de Mélenchon que le NPA se présenterait sans doute seul aux Européennes en comptant sur un score lui permettant d’être en position de force à la gauche de la gauche, tout en laissant toutes les options ouvertes à un front politique « durable » pour la suite.

Mais s’il s’agissait vraiment des luttes, que peut donc signifier cette unité durable à gauche ? Car s’il est un terrain sur lequel une unité « durable » pourrait avoir des conséquences dramatiques, c’est bien celui des luttes justement.

Ce serait en effet d’abord laisser croire aux travailleurs qu’une alliance préalable « durable » avec le PS, le PG, le PC ou les Verts (qui ne comptent plus les ex-camarades ministres), serait nécessaire à l’éclosion et la victoire de leurs futures luttes.

Ce serait aussi tout simplement oublier qu’au cours d’une lutte d’envergure, les travailleurs devront se forger leur propre direction, incluant certes tous ceux qui la mènent, mais prête à tenir le coup en cas de retournement des appareils politiques et syndicaux de gauche. C’est oublier que dans les grandes luttes du passé, 1936, 1968 et même 1995, sans parler des luttes récentes de moindre envergure, les travailleurs ont eu ces appareils (ou leurs prédécesseurs) contre eux.

…et de l’unité circonstancielle pour la lutte d’ensemble

Le « tous ensemble » est certes indispensable pour gagner, travailleurs du privé et du public, ouvriers et employés, jeunes, précaires, privés ou pas d’emploi. Tous ensemble y compris avec tout ou partie des organisations de gauche qui en seront. Si elles en sont, et le temps qu’elles en seront.

Oui, alors, pourquoi pas un front cette fois, mais sur un programme de revendications et de mobilisation précis, correspondant aux nécessités de l’heure : la préparation d’une grève générale sur des revendications communes de toute la classe ouvrière, à l’exemple des travailleurs de la Guadeloupe.

Et s’il fallait une idée d’un authentique front unique de mobilisation, il suffit de voir les étapes de la mobilisation depuis décembre en Guadeloupe : le LKP, sous l’impulsion des organisations syndicales et politiques les plus radicales de l’île, s’est constitué pour établir d’abord un front de mobilisation contre le prix de l’essence (un objectif précis donc), puis un véritable cahier de revendications (tout aussi précises) de toute la population en mettant l’accent sur les 200 euros mensuels et la baisse des prix sur les articles de premières nécessité, avec l’annonce et la programmation d’une grève générale reconductible. La décision a été suivie pendant un mois de toute une campagne militante auprès de l’ensemble des travailleurs. Rien à voir avec le « front syndical » des confédérations qui ici n’avaient avancé aucune revendication précise le 29 janvier et depuis marchandent lamentablement avec Sarkozy et le patronat tout en ayant rivalisé de lenteur pour finir par appeler à une nouvelle manifestation pour le 19 mars, en prenant soin d’expliquer ouvertement, comme Chérèque ou Mailly, qu’il n’est pas question de suivre l’exemple de la Guadeloupe. Rien à voir non plus avec des communiqués « de soutien » anodins, parce qu’ils n’engagent à rien, aux luttes existantes ou potentielles. Rien à voir enfin avec la constitution d’un front politique électoral à la gauche de la gauche. 

Le problème pour les militants ayant constitué le LKP n’était pas celui d’une « unité durable », mais d’une unité efficace en vue d’une mobilisation de masse à brève échéance. Qu’en sera-t-il de la durabilité de ce front ? La dynamique, le déroulement et l’issue de la lutte en cours le diront. Pour l’heure, le plus notable est que les négociations entre les représentants du LKP d’une part, le gouvernement et le patronat de l’autre (dont les épisodes sont retransmis en temps réel par haut-parleur au dehors) se déroulent sous la pression directe de la population.

La classe ouvrière a certes besoin d’unité, plus exactement d’unifier ses revendications et de faire converger ses luttes. Des organisations d’extrême gauche comme le NPA, Lutte ouvrière, voire le POI, pourraient proposer aux organisations réformistes un programme revendicatif en vue d’une mobilisation d’ensemble. Le contexte actuel s’y prête particulièrement, et la popularité de la grève générale en Guadeloupe rendrait une telle démarche unitaire concrète d’autant plus crédible. Mais c’est là où il faut savoir ce qu’on cherche : soit l’unité d’abord sinon à tout prix, avec le risque de s’aligner sur le plus petit dénominateur commun, vide de contenu mais cher aux appareils réformistes et bureaucratiques ; soit la mobilisation pour laquelle l’unité, quand elle est possible, n’est qu’un des moyens de populariser auprès de l’ensemble des travailleurs un programme de revendications et d’action. Les deux démarches sont incompatibles.

M.V. et H.C.

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