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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 62, mars-avril 2009

États-Unis, Baie de San Francisco : Meurtre policier à Oakland

Mis en ligne le 7 mars 2009 Convergences Monde

Le 1er janvier dernier, Oscar Grant, 22 ans, travaillant dans un supermarché et père d’une fille de 4 ans, rentrait chez lui à Hayward dans l’Est de la Baie. Lui et des milliers d’autres jeunes qui ont participé aux festivités du réveillon à San-Francisco empruntent le métro local. Les rames sont pleines, des gens boivent. Altercations mineures.

Le train de Grant est retenu à quai à Oakland. Les forces de police entrent dans la rame et l’en sortent avec plusieurs autres jeunes Noirs. Des insultes sont échangées, les policiers commencent à frapper, certains sortent leurs tasers. Grant est placé face contre terre, un policier agenouillé sur son dos. Un autre, Johannes Mehserle, sort son pistolet, lui tire dans le dos et le tue. Tout cela au vu des passagers qui s’indignent. Étant donné l’âge moyen, les téléphones portables et autres appareils photo numériques sont nombreux. L’événement est donc enregistré en vidéo.

Les flics confisquent les téléphones portables. Il n’empêche, avant la fin de la nuit plusieurs vidéos de l’événement sont visibles sur le site internet YouTube. Le lendemain, une chaîne de télévision locale diffuse une partie des images. Le soir CNN retransmet une des vidéos. Dans les jours qui suivent, Mehserle, le policier, démissionne, évitant ainsi d’être obligé de répondre aux enquêteurs. Il n’est ni arrêté ni poursuivi. Les autorités restent silencieuses.

L’explosion de colère

L’enterrement de Grant a lieu une semaine plus tard à Hayward. Plus de 800 personnes. Manifestation à la station de métro où le meurtre a eu lieu : 1 500 personnes. Les gens sont en colère. Le maire d’Oakland garde toujours le silence. Les jeunes entament une marche de plusieurs kilomètres jusqu’à la mairie pour réclamer justice. Le maire fait une déclaration évasive. Les policiers d’Oakland, connus pour leur brutalité, provoquent la foule, mais sont rapidement submergés par le nombre. Des poubelles sont incendiées. Une voiture de police utilisée pour bloquer les manifestants est attaquée et brûlée. D’autres voitures de police sont attaquées, des vitrines sont brisées, plusieurs autres voitures sont incendiées.

Le lendemain, les médias et les autorités dénoncent les « violences » et les atteintes à la propriété. Plus de 130 personnes sont arrêtées cette nuit-là. Le fait que Mehserle, le policier encore libre, parte dans le Nevada voisin, renforce la rage. À la suite de l’assassinat d’Oscar Grant, le chef de la police d’Oakland a démissionné. 

Les brutalités et les meurtres perpétrés par la police à Oakland, la plupart du temps contre des jeunes noirs ou latinos, n’ont rien de nouveau. Et que les policiers restent impunis pour leur brutalité non plus. En témoigne l’histoire célèbre des « Oakland Riders » (un jeu de mot autour du nom de l’équipe locale de football américain les Oakland Raiders), un groupe de quatre policiers connus pour leurs exactions dans les quartiers pauvres. Ils ont fait régner la terreur pendant des années. Finalement, leurs agissements trop voyants et des affaires de corruption dans les services de police ont entraîné une série d’enquêtes. Après plusieurs années, les « Riders » ont été traduits en justice : l’un d’entre eux s’est échappé au Mexique, les autres ont été acquittés.

Et ses causes

La situation d’Oakland ressemble beaucoup à celle des autres zones urbaines : pauvreté, criminalité, brutalités policières. Fin 2007, Oakland a été nommée la cinquième ville la plus dangereuse des États-Unis. Les statistiques officielles indiquent que plus de 25 % des Noirs et 22 % des Latinos y vivent sous le seuil de pauvreté. En fait, le pourcentage est plus élevé parce que le coût de la vie à Oakland est près du double de la moyenne pour le reste du pays. Bien sûr, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’argent généré par le trafic de drogue et les autres activités criminelles, mais ils expliquent certainement pourquoi ces activités s’y développent tant.

Des groupes communautaires, dont Nation of Islam, des Églises et des ONG, ont appelé à une nouvelle manifestation deux semaines après le meurtre. Entre-temps, différents responsables publics avaient dénoncé le meurtre, mais leur indignation sonnait faux. Le jour de la manifestation, le policier a finalement été arrêté. Celle-ci n’a pas été aussi massive qu’on aurait pu l’espérer, mais elle a été plus importante (2 500 personnes) et mieux organisée que la précédente. La marche était ouverte par les membres d’un club local de motards, chevauchant leurs Harley. Nation of Islam était présente, de même que différents groupes d’extrême gauche.

Aujourd’hui, le calme est revenu à Oakland. Mais, dans de nombreuses villes du pays, des milliers de gens sont chassés de leur travail et de leur logement. Leurs quartiers croulent sous la présence conjuguée des gangs, de la drogue et de la violence qui en résulte. Et la police ajoute seulement encore plus de violence. Les syndicats se font complices des patrons dans les suppressions d’emplois. Les ONG qui prétendent représenter les intérêts des pauvres sont liées aux entreprises qui les financent. Bien des communautés religieuses dont les membres aidaient autrefois à s’organiser ne cherchent plus qu’à apaiser la colère.

Tous les ingrédients sont là pour une explosion des mécontentements et des colères encore plus formidable que celles de la fin des années 1960.

San Francisco, 25 février 2009

Ken BUTLER

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