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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 92, mars 2014

PSA : l’Ogre à trois têtes, dont deux bien françaises

Mis en ligne le 8 mars 2014 Convergences Entreprises

« L’Ogre chinois », comme dit la télé, dans le capital de PSA ? Mardi 17 février, le groupe annonçait officiellement l’entrée du groupe Dongfeng mais aussi de l’État français, à hauteur chacun de 800 millions, soit 14 % du capital, à égalité avec la famille Peugeot. Pour l’heure, ce serait plutôt l’ogre français, avec l’aide de nos impôts, qui part à la conquête de nouveaux marchés.

PSA en difficulté ? « Nous sommes parmi les constructeurs généralistes les plus rentables en Europe avec Volkswagen. Les autres perdent davantage d’argent ». Qui dit ça au journal La Tribune du 28 janvier ? Un dirigeant de PSA… qui souhaite garder l’anonymat. Début décembre 2013, alors que PSA réservait 71 millions d’euros de retraite-chapeau à six de ses cadres dirigeants, Ayrault, Montebourg ou Aubry, avaient joué les VRP en Chine pour les constructeurs automobiles français.

Comment vider les usines… avant de fermer les sites

Interpellé par des salariés d’Aulnay, fin janvier, sur les reclassements à Poissy qui se font attendre, Montebourg, le ministre du « redressement productif », avait nié être au courant de l’intention de PSA de supprimer à nouveau 684 postes à Poissy, alors même qu’un représentant de l’État, Louis Gallois, siège au Conseil de surveillance du groupe !

L’automne dernier, PSA imposait son « nouveau contrat social » pour l’ensemble du groupe en France [1]. Cet accord, une fois signé, devait permettre la « sauvegarde de l’emploi industriel en France ». L’annonce du passage à une seule ligne sur Poissy et maintenant à Mulhouse (où la direction prétend que c’est temporaire) met fin à toute illusion.

Depuis janvier 2014, à Poissy, quasiment tous les samedis matins seront travaillés jusqu’en fin avril, plusieurs dimanches aussi, et toutes les équipes devront faire 2 heures en plus chaque semaine pour la ligne C3/DS3. Pour la ligne 208, malgré quelques heures supplémentaires, les jours chômés sont en pagaille (11 jours en 3 mois jusqu’à fin avril pour l’équipe qui continue à produire la 208 au-delà de mars). Dans bien des secteurs, pour obliger à venir, la hiérarchie « oublie » de mentionner que certaines séances travaillées sont au « volontariat », pendant que la direction place et déplace les séances et rallongements à plaisir.

À l’Emboutissage par exemple, la direction avait annoncé qu’un vendredi, initialement prévu en repos, serait en fait travaillé en horaires obligatoires. La riposte ne s’est pas fait attendre : le 14 février, 50 ouvriers ont débrayé pendant plus de 4 heures. La direction a vite reculé : séance annulée.

Un spectre hante Poissy : le sort d’Aulnay

En ce début d’année, à moins de trois semaines d’intervalle, PSA vient d’annoncer pour son site de Poissy [2] l’arrêt au 21 mars d’une des deux équipes produisant la 208, et pour janvier 2015 la fin de l’autre équipe. L’objectif est de concentrer la production en faisant passer l’ensemble du site en « monoflux » : une seule ligne produirait trois véhicules avec trois équipes (matin, après-midi et nuit) et des cadences plus élevées.

Dès fin mars donc, 684 postes seront supprimés. Sans aucun licenciement, comme le prétend la direction ? En fait, ce seront environ 400 des 700 intérimaires du site mis à la porte, les salariés en CDI reclassés sur la ligne C3/DS3, plusieurs dizaines d’ouvriers qualifiés (professionnels, moniteurs...) renvoyés sur les lignes de production à des postes d’opérateurs, une centaine de salariés poussés dehors, en départs dits « volontaires » ou vers la retraite. Pour janvier 2015, avec la fin de la deuxième équipe sur la 208, ce seront en tout 1 400 postes (près d’un quart des effectifs du site) menacés par les mutations internes et reclassements, avec pressions au départ à la clé. Ceux qui restent se retrouveront à forcer les cadences à 58 véhicules par heure (contre environ 45 actuellement).

Les salariés de Poissy savent que le passage en monoflux a été (malgré les démentis de la direction à l’époque) une étape décisive, en juin 2008, vers la fermeture du site d’Aulnay.

Les seaux d’eau qui font déborder les cuves

Sur sa lancée, la direction a décidé de changer le système des congés d’été sur la plupart des sites de production, en les faisant passer de quatre à trois semaines pour « mieux correspondre à certains marchés » ; la quatrième semaine serait placée fin octobre, ce qui permettra de ne pas payer le chômage à ce moment de baisse importante des ventes. Pour les ouvriers d’origine immigrée qui retournent parfois très loin l’été voir leur famille, c’est une véritable agression. Alors que la direction annonçait les dates de vacances en décembre, elle ne les a annoncées cette fois qu’en février, ce qui a exaspéré tout le monde, y compris la hiérarchie.

À Sochaux et Caen, le mécontentement et le vote des syndicats ont réussi à faire reculer la direction : le fractionnement obligatoire des congés a été abandonné. À Saint-Ouen, début février, une centaine de salariés (sur différentes équipes) se sont réunis contre le fractionnement ; la direction a retiré sa proposition : ceux de Saint-Ouen garderont leurs quatre semaines.

À Poissy, fin janvier et début février, des réunions au Montage et au Ferrage avaient eu lieu durant les pauses pour discuter des suppressions de postes sur la ligne 208, mais aussi des congés. Elles ont réuni par secteurs cumulés environ 200 salariés. Le 5 février à Poissy, la direction a réussi à faire voter par une faible majorité d’élus le fractionnement (3 semaines et 3 jours de congé en été au lieu de 4 semaines). Dès la nuit du 6 au 7 février, 50 ouvriers débrayaient en équipe de nuit pour protester, 120 en équipe du matin pendant près de 2 heures, puis à nouveau en équipe de nuit. Ils réclamaient le droit à quatre semaines de congé pour tous et le fractionnement au volontariat uniquement. Au Ferrage, des salariés en ont profité pour protester aussi contre le manque de personnel.

Le fractionnement des congés, c’est l’une des mesures de trop… La colère couve. Des réunions de salariés ont à nouveau eu lieu la semaine suivante. PSA frappe de plus en plus fort contre les salariés. Si rien n’est tenté pour stopper la direction, le risque existe que l’usine ferme à petit feu comme Aulnay ou connaisse un effondrement encore plus important des droits des salariés... ou les deux.

20 février 2014, Léo BASERLI et Charles BOSCO


Quand l’État finance les licenciements

Les gouvernements de droite comme de gauche, loin de s’opposer à la casse de l’emploi, financent les « restructurations » ainsi que l’assaut des constructeurs français sur le marché chinois, entre autres. Actionnaire de Renault à 15 %, l’État n’avait pas bronché quand la direction avait supprimé 8 300 postes en France entre 2007 et 2011. Au même moment, PSA en supprimait 8 200. Actuellement, Renault veut faire disparaître 7 500 postes en France d’ici à 2016, et PSA est en train d’en supprimer bien plus que les 11 200 annoncés.


[1Baisse de primes et de majoration des heures supplémentaires ; gel des salaires jusqu’en 2016 ; indemnisation du chômage partiel déjà passée de 75 % à 70 du salaire brut ; « overtime » ; possibilité de mutation forcée sur d’autres sites. La direction a mis en place à un nouveau système de « compteurs de modulation », les heures supplémentaires obligatoires sont bloquées et compensées en chômage partiel pendant l’année en fonction des besoins de la production.

[2Jusqu’à maintenant, à Poissy, 2 équipes travaillaient sur la ligne 208 et 3 équipes sur la ligne C3/DS3.

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