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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 32, mars-avril 2004 > DOSSIER : Après Jospin, Raffarin. De mal en pis, Bilan du gouvernement

DOSSIER : Après Jospin, Raffarin. De mal en pis, Bilan du gouvernement

Licenciements, toujours

Mis en ligne le 6 mars 2004 Convergences Politique

De mai à décembre 2002, les plans de licenciements ont repris de plus belle : Ericsson-France, Solectron (en Gironde), Alcatel-CIT, Matra-automobile Atofina (filiale de TotalFinaElf), Alcatel-optronique (pendant que le groupe Alcatel annonce 23 000 suppressions d’emplois dans le monde), la filiale d’EADS Sogerma, Daewoo en Lorraine, ACT à Angers. Sans oublier le licenciement annoncé en juin des 400 derniers ouvriers salariés de l’usine AZF, victimes de l’explosion de leur usine mais jetés finalement à la rue.

Décembre 2002 : exit la « loi de modernisation sociale »

La « loi de modernisation sociale » votée par la gauche fin 2001, et dont des derniers décrets d’application ont paru in-extremis entre les deux tours des présidentielles, prévoyait d’allonger la procédure pour permettre aux syndicats de faire des contre-propositions, de demander un médiateur et d’être davantage associés à l’élaboration du plan social.

Ce délai étant pénible au patronat, une loi est votée en décembre 2002 à sa demande, suspendant les principales clauses de la loi de modernisation sociale pour deux ans, le temps de négocier une nouvelle loi plus au goût du Medef.

Cette loi, dite de « relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques », prévoit la possibilité de déroger à une partie de la procédure légale classique par un accord d’entreprise dit « de méthode ». Si le patron obtient l’accord des syndicats, il pourra procéder à des licenciements express... Ces « accords de méthodes expérimentaux » ont été effectivement expérimentés en 2003, et obtenu le paraphe de quelques syndicalistes du stylo, à EADS ou Mitsubishi-France. Le Medef voudrait en généraliser le principe.

Il revendique aussi qu’un plan social ne soit nécessaire qu’au-delà de 20 licenciements au lieu de 10 actuellement. Il demande une redéfinition légale du « licenciement économique », l’accélération des procédures et la limitation des recours en justice : ainsi un salarié n’aurait que deux mois pour contester un licenciement. Et le Medef a proposé qu’en cas d’invalidation d’un plan social par la justice, comme à Wolber-Michelin en octobre 2003 (le patron n’avait pas eu à réintégrer, l’usine n’existant plus, mais juste à payer les années de salaires manquantes), la sanction maximale pour l’employeur soit le paiement de 6 mois de salaires.

Autant de revendications que Fillon sera chargé d’intégrer dans la grande loi annoncée par Chirac le 1er janvier dernier, pour « alléger les procédures ».

Janvier 2003 : les patrons voyous en liberté

En attendant, pour les patrons, il y a toujours moyen de contourner la législation en toute impunité. L’une des plus expéditives est le dépôt de bilan, comme MetalEurop à Noyelles-Godault en janvier 2003. Cette usine étant enregistrée comme MetalEurop Nord, filiale de MetalEurop-SA., il a suffi que MetalEurop Nord se déclare en faillite et dépose le bilan pour que MetalEurop SA et son actionnaire principal, le groupe Glencore s’en lavent les mains, laissant 810 travailleurs sans emploi.

Chirac avait vitupéré les patrons voyous. Ils n’ont pourtant pas été inquiétés. Et l’Etat finance aujourd’hui des entreprises pour reprendre le site, sous prétexte de développer l’emploi pour la région. Ce « contrat de site », est encore une occasion de remplir les caisses patronales.

Février 2003 : suspension de la licence d’Air-Lib

Associer les syndicats à la mise en place d’un projet de reprise industrielle et d’un plan de licenciement, les salariés d’AOM-Air Liberté en avaient expérimenté la méthode, sous la houlette de Gayssot et du gouvernement Jospin, avec la création de Air-Lib comportant déjà un plan de 1 400 licenciements, pendant que Seillière et SwissAir, les deux actionnaires, retiraient leurs billes sans payer un sou.

Le second épisode était pour le gouvernement Raffarin et son ministre des transports Robien : retrait de la licence et mise en liquidation judiciaire d’une société Air-Lib en faillite, à laquelle le gouvernement a refusé toute nouvelle subvention. Les 3 200 salariés restants se retrouvent donc sur le carreau.

1 375 plans sociaux en 2003…

Bosch, Alcatel, Altadis, Giat, Aventis, Alstom, Tati, Air-Lib et les autres, etc… soit 1 375 plans dits sociaux, pour l’année 2003, renommés « plans de sauvegarde de l’emploi » (par Guigou à l’époque), soit près de quatre par jour !

Derrière ces plans, il y a les autres licenciements économiques, pour peu qu’ils se fassent par paquets de moins de 10, qui constituent 80 % environ du total. Par ailleurs, il y a les fins de contrats CDD, ou fins de mission d’intérim. Ce sont évidemment des licenciements collectifs dissimulés, par exemple quand Peugeot-Poissy licencie 750 intérimaires d’un coup, en octobre 2003.

Bilan pour décembre 2003 selon l’ANPE : 98 000 nouveaux inscrits au chômage après un CDD et 34 400 après une mission d’intérim, pour 16 000 inscrits suite à un licenciement économique (dont moins de la moitié dans le cadre d’un plan social).

Au programme 2004 : précarité et licenciements expéditifs négociés

Face à cette déferlante de suppressions d’emplois, le gouvernement prévoit un volet licenciements dans sa « loi de mobilisation pour l’emploi ». Il réfléchit à des formules de départ à l’amiable, où contre une certaine somme, le salarié s’engagerait à ne pas contester son licenciement. Pourrait aussi être mise en place une procédure de licenciements négociés avec les organisations syndicales de l’entreprise, qui pourrait déroger à la règle générale. Voire mettre en place une négociation préventive, c’est-à-dire marchander les réductions d’effectifs avant même l’annonce de tout plan de licenciement, sur le modèle expérimenté par les « accords de méthode » de la loi de décembre 2002.

La farce du « dialogue social »

A propos de cette future loi, le gouvernement a entamé un processus de « dialogue social ». Comme il l’a fait sur les retraites. Comme il l’a entamé aussi pour la réforme de la Sécurité sociale.

Si les syndicats ont vivement critiqué les demandes patronales, ils ne tiennent pas moins à y participer et être « constructifs ». Le Medef accepterait d’intégrer certaines propositions syndicales comme l’« anticipation » des restructurations : les syndicats seraient prévenus de la situation de l’entreprise, pourraient faire des contre-propositions, et conclure des accords de « gestion anticipée de l’emploi » ou des « contrats de reclassement ». Ce que certains appellent traiter le problème « en amont » ou « à froid ». C’est-à-dire avant que les travailleurs ne se soient échauffés.

La « gestion anticipée » ? Mais c’est ce que les patrons font déjà tous seuls avec un volant de plus en plus important de main-d’œuvre précaire, donc jetable.

Les « reclassements » ? Qu’on demande aux ouvrières de Moulinex ce qu’elles en pensent : 18 mois après la fermeture des usines, seuls 10 % des 3 000 salariés avaient retrouvé un CDI, alors que le 31 juillet 2003, la « cellule de reclassement » fermait ses portes. Mission accomplie mais 757 salariés sans solution, auxquels il faut ajouter ceux qui n’ont retrouvé que des contrats précaires ou qui sont en formation, à l’avenir incertain.

Michel CHARVET

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