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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 10, juillet-août 2000 > DOSSIER : L’immigration, un problème ?

DOSSIER : L’immigration, un problème ?

Les lois anti-immigration, une aubaine pour les patrons

Mis en ligne le 1er août 2000 Convergences Politique

La découverte à Douvres le 19 juin dernier des corps de 58 immigrants clandestins, morts entassés à l’arrière d’un camion frigorifique, a rappelé que des dizaines de milliers d’étrangers risquent chaque année leur vie pour entrer en Europe. À cette occasion, la presse et les politiciens ont dénoncé les réseaux de passeurs. Mais que dire de la responsabilité des Etats européens qui durcissent la législation anti-immigration ? Il s’agit là d’une politique délibérée, qui consiste à rendre fragile et précaire la main d’œuvre immigrée. Car ceux qui auront survécu sont destinés à être livrés au trafic d’exploiteurs sans scrupules, et cela avec la complicité des gouvernements.

S’il est difficile de chiffrer la proportion des sans-papiers dans le marché du travail clandestin, il est certain que l’immigration irrégulière lui fournit un précieux vivier de recrutement. Car les sans-papiers sont obligés de s’y soumettre, et de manière non pas saisonnière ou occasionnelle, mais permanente. Dans la confection, la tradition de l’emploi de clandestins est ancienne et se perpétue ouvertement dans des lieux connus comme le Sentier parisien. Depuis, la méthode a été reprise à plus grande échelle dans le secteur du BTP. Les grandes entreprises y organisent une sous-traitance en cascade avec en bout de chaîne de la production de très petites entreprises, qui puisent leur réseau de candidats parmi les travailleurs précaires, essentiellement sans-papiers. Quant à l’Etat, en tant que donneur d’ordres, il est le premier pourvoyeur de cette exploitation illicite. Tous les plus gros chantiers de la décennie - le TGV Atlantique, le tunnel sous la Manche, la Grande Arche, la Bibliothèque de France, le Stade de France... - ont systématiquement eu recours à l’exploitation de travailleurs sans-papiers. Enfin, à une échelle plus petite, l’emploi non déclaré d’étrangers, clandestins ou pas, est fréquent dans les entreprises de nettoyage, de distribution de prospectus, de restauration ou de forestage.

Placés sur les marges de la légalité, les étrangers sont soumis à la domination paternaliste de leur employeur, d’autant plus s’il est de même nationalité. Face au « risque commun » encouru, une fausse solidarité s’impose entre employeur et employé, qui justifie le respect de la hiérarchie traditionnelle : c’est la domination des aînés sur les cadets, des hommes sur les femmes, des castes supérieures sur les inférieures. Voilà donc le résultat de la politique dite de « fermeture des frontières » poursuivie par nos gouvernements. Elle revient à enserrer les travailleurs immigrés dans des frontières communautaires bien plus solides, qui leur font accepter l’absence de contrat de travail et donc de protection sociale, les salaires très bas ou même impayés, et les horaires illimités.

Certes, la loi prévoit de punir le travail clandestin, et a été rendue plus sévère au début des années 90. Mais au regard du code du travail, le patron d’un atelier de couture clandestin est coupable au même titre que l’artisan qui travaille au noir à son propre compte. Et même s’il est vrai que la loi prévoit de punir l’employeur et de protéger l’employé, quel écart entre la lettre et la réalité ! Car pratiquement, les gouvernants se sont entendus à faire un amalgame entre « travail clandestin » et « travailleurs clandestins ». Dès lors, c’est la traque aux immigrés irréguliers qui tient lieu de lutte contre le travail clandestin. Par contre, lors des campagnes gouvernementales de régularisation, les employeurs clandestins sont régulièrement amnistiés.

Simone CANETTI

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