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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 74, mars-avril 2011 > Tunisie, Egypte, Lybie, Algérie...

Tunisie, Egypte, Lybie, Algérie...

Le « miracle » économique vu par la bourgeoisie égyptienne

Mis en ligne le 10 mars 2011 Convergences Monde

Passant de 22 millions d’habitants au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale à plus de 80 millions aujourd’hui, la société égyptienne s’est urbanisée, a vu se réduire son secteur agraire et sa paysannerie (150 000 de moins par an), et voit se côtoyer au Caire les riches quartiers comme l’île de Zamalek avec ses splendides jardins et, séparés par un simple pont, des bidonvilles en pleine expansion. Portée en exemple par le FMI pour sa capacité à moderniser son économie, l’Égypte a vu croître des fortunes immenses, naître une nouvelle bourgeoisie, mais aussi un nouveau prolétariat élargi, plus féminisé, et plus précaire.

Sans perdre les caractères d’un pays dépendant de l’impérialisme, la société égyptienne s’est transformée rapidement et avec violence, en s’appuyant sur ses atouts : la rente du canal, la rente pétrolière, le Nil agricole, et sa force de travail. Par une plaisanterie résumée en un jeu de mots, les Égyptiens expriment cette douloureuse transition : la manne (al fawra) a pris la place de la révolution (al thawra).

D’un capitalisme étatisé à l’Infitah

Depuis la naissance du capitalisme en Égypte au tournant du xixe siècle, cette économie a été fortement intégrée au marché mondial, dominée à plus de 90 % par le capital des métropoles française, belge et anglaise. À partir de 1953, le régime nassérien s’est lancé dans un projet nationaliste de développement autoritaire, centralisé, dont les emblèmes ont été la nationalisation du canal de Suez et la construction du barrage d’Assouan. Cette période des nationalisations a néanmoins réservé à l’initiative privée la propriété foncière agricole, immobilière, et les investissements étrangers ont été encouragés dans les domaines pharmaceutiques, touristiques et pétroliers.

Les seuls bénéficiaires de cette « révolution » par en haut ont été une partie de la haute hiérarchie militaire et les secteurs dominants de la bureaucratie. Cette bourgeoisie d’État, une fois le statu quo accepté avec Israël, a manifesté – en modifiant ses alliances et en se rapprochant des États-Unis – d’autres aspirations sociales. Ce fut l’Infitah (l’ouverture, littéralement « la porte ouverte ») au marché mondial. Depuis 1979, l’Égypte est devenue le deuxième pays bénéficiaire de l’aide américaine après Israël ; le pays est dès lors devenu un pivot du dispositif de sécurité de l’impérialisme et un nouvel espace pour le capital.

L’Infitah s’est faite par vagues, comme celle de 1991 qui a amorcé les « ajustements structurels » préconisés par le FMI jusqu’à la dernière initiée en 2004, la plus dure et la plus soutenue qui a abouti à l’explosion actuelle. Cette politique a bousculé y compris les campagnes par une contre-réforme agraire, votée en 1992 : un million de familles ont été expulsées en quelques années par une augmentation des loyers parfois décuplés.

Nouvelle bourgeoisie et bourgeoisie d’État

Une bourgeoisie d’affaires et d’entrepreneurs nouveaux – dans les secteurs de la finance, des télécoms, des génériques de l’industrie pharmaceutique – a pris naissance aux côtés de la bourgeoisie d’État. Ces couches sociales ne sont, bien entendu, pas étanches : des généraux à la retraite prennent souvent des positions à la direction de conglomérats d’État, assurent des privatisations. Les firmes contrôlée par l’armée sont importantes et diversifiées (voir notre article, Que va faire l’armée ?). Dans une économie opaque, on estime que le poids de l’armée représente entre 20 et 40 % de l’économie du pays.

La crise internationale de 2008 a ralenti le flux de capitaux. Aujourd’hui, les autorités égyptiennes multiplient les signaux rassurants en direction des investisseurs internationaux, qui craignent que la période de transition ouverte par la chute de Moubarak ne soit marquée par de plus grands bouleversements. Certes !

Tristan KATZ

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