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DOSSIER : La « refondation sociale » : une offensive patronale tous azimuts

Le MEDEF veut aussi refonder le syndicalisme...

Mis en ligne le 1er octobre 2000 Convergences Politique

Les projets patronaux vis à vis des syndicats couvrent en gros deux terrains :

  • celui du contrat des travail et des conventions ;
  • celui des parts de la masse salariale consacrée aux droits sociaux (maladie, retraite, chômage).

Concernant le premier terrain, le patronat veut dégager de la loi le maximum d’obligations et ramener le niveau contractuel au plus bas (l’entreprise, voir le salarié), pour limiter tout rapport de force collectif et les réglementations. En même temps, le patronat n’ignore pas la réalité de la classe ouvrière et de la lutte des classes. Le but n’est donc pas d’éliminer les syndicats, mais de les forcer à accepter le cadre contractuel, alors que la tendance essentielle dans les cinquante dernières années a été d’introduire dans la loi (essentiellement le Code du Travail), une série de dispositions légales, donc s’appliquant à tous les salariés et s’imposant a priori à tout le patronat.

Evidemment, un grand nombre de dérogations sont toujours venues contrecarrer cette tendance. Gouvernement, syndicats et partis de la gauche plurielle parlent souvent de « démocratie sociale ». Ce terme est encore plus creux que celui de démocratie parlementaire, car dans la société bourgeoise le patronat est en fait seul maître des conditions d’emplois, de travail et de rémunération. Le seul droit du salarié est de passer un contrat de travail avec son employeur, et c’est lui qui fixe ses conditions. C’est ce que Marx appelait le despotisme d’usine. Ce despotisme a été depuis longtemps encadré par un grand nombre de dispositions légales ou relevant des accords collectifs, à l’issue de grèves, d’actions collectives. Mais fondamentalement, un patron peut embaucher ou licencier, changer les horaires, le lieu d’affectation, bloquer les salaires, sans avoir réellement d’entraves à ses décisions. Même les CE, qui ont obtenu des droits de regards, ne sont jamais au bout du compte des lieux de décisions. La situation dans les PME ou même des entreprises plus grandes, où le droit syndical est précaire et son exercice souvent dénaturé par la menace ou la corruption, illustre bien que souvent le seul recours individuel du salarié est l’inspection du Travail ou les prud’hommes pour tenter de faire appliquer le Code du travail.

La représentativité syndicale

L’objectif patronal, qui craint que la baisse du chômage améliore le rapport de force des salariés pour négocier leurs conditions d’emplois est donc, à la fois de s’alléger du maximum de contraintes fixées dans la loi (heures sup. types de contrats,...), mais aussi dans les grandes entreprises de trouver un terrain d’accord avec les syndicats, au niveau le plus décentralisé possible. Pour cela, le patronat veut stabiliser une force syndicale représentative dans les entreprises, en offrant en contrepartie, ressources et heures de délégations, de plus en plus dépendantes, non pas de cadres légaux, mais de l’acceptation d’accords, dans le cadre de comités de suivi. Ainsi, déjà en Italie, l’évolution des règles de représentativité se fait en fonction de la signatures ou non d’accords conventionnels.

C’est pour cela que la patronat peut être tenté de faire évoluer aussi le droit syndical. Celui-ci permet aujourd’hui aux cinq grandes confédérations (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC) de créer sans conditions des syndicats et de bénéficier des droits dans toutes les entreprises. Ce système entrave l’existence de syndicats non-confédérés comme les SUD et offre ainsi une représentativité sur lesquels les salariés n’ont pas leur mot à dire. Mais ce système enlève aussi au patronat un moyen de pression efficace, car ces droits sont indépendants de la signature ou non d’accords dans l’entreprise. Il faut noter que la CFDT a récemment évolué sur cette question en proposant que la représentativité découle de l’élection directe des délégués syndicaux. C’est cette évolution que craignent aujourd’hui la CFTC, la CGC et même FO car la représentativité automatique et la légalité d’accords signés, même par des organisations syndicales très minoritaires, leur offrent une réelle rente de situation.

Diminuer le salaire social

Le second terrain est celui de la gestion du salaire social (cotisations santé, chômage, retraites, allocs familiales).

Là les objectifs patronaux sont de plus en plus lisibles. Limiter au maximum la masse salariale impose d’alléger au maximum la part de salaire appelée « charges sociales » et, en gros, de découper en trois ce domaine :

  • un relevant de plus en plus de l’assistance pour les plus pauvres des salariés et des chômeurs (CMU, RMI, retraites planchers) ;
  • un relevant de l’assurance individuelle, notamment pour la santé et les retraites ;
  • la dernière partie, celle faisant partie du salaire étant ramenée au minimum.

Sur ce terrain, les bureaucraties syndicales ont tout à craindre...et à espérer. Tout à craindre, car depuis des dizaines d’années, ce sont elles qui gèrent les caisses avec le patronat et en tirent de substantiels revenus. Le chantage patronal est cousu de fil blanc : soit les syndicats acceptent les règles de la refondation, soit elles courent le risque de voir le patronat se retirer de la gestion, celle-ci risquant d’être directement assurée par l’Etat et les syndicats de perdre des milliers de postes et des dizaines de millions de rentrées. C’est cette manne que le patronat fait miroiter, en promettant aux syndicats le maintien de leurs prébendes s’ils se mettent d’accord avec le MEDEF.

Sur ce dossier, les confédérations ont un fil à la patte ! Et les travailleurs sont pour l’instant spectateurs muets d’un théâtre d’ombre. Ils n’élisent plus depuis longtemps leurs représentants aux Caisses et ce sont en fait les patrons qui décident quel syndicat aura la direction des Caisses.

Le fil à la patte

Tout cela explique sans doute pourquoi aucun syndicat n’a jusqu’à ce jour appelé à une réelle mobilisation contre le plan du MEDEF, et qu’ils défendent becs et ongles le paritarisme. L’intérêt des travailleurs exigerait lui que les confédérations se retirent de la négociation avec le MEDEF. Que soit mis en avant, non pas l’étatisation des caisses, mais leur gestion ouvrière par des représentants élus et révocables des travailleurs, pour que l’argent des salariés soit gérés par les salariés eux-mêmes.

La CFDT a depuis longtemps affiché sa position qui est en gros similaire à celle du MEDEF. La direction Notat pousse à fond le développement du cadre contractuel de négociation syndicats-patronat, dans le cadre d’un syndicalisme de « cogestion », dans lequel l’Etat mette le moins son nez.

FO, pour sa part, qui a vécu longtemps de la gestion des Caisses, craint à la fois la disparition d’un système qui l’a fait vivre, ou sa continuation dans un cadre où elle serait marginalisée.

CFTC et CGC craignent plus que tout une évolution des règles de représentativité qui les transformeraient en confettis syndical (crainte qui est, à une bien moins grande échelle, celle de FO).

La CGT est, elle, sans doute la plus déstabilisée par l’offensive du MEDEF. Malgré le tournant pris lors des 35h et de l’accord CGT-CFDT, nombre de syndicats et de militants CGT ne peuvent accepter le cadre du MEDEF. En même temps, la Confédération veut prendre toute sa place comme interlocuteur du patronat. D’où un jeu d’aller-retours impuissants depuis 6 mois, où la CGT parle d’un front syndical uni qui n’existe pas, et en appelle à l’intervention d’un gouvernement qui souhaite la construction du nouvel édifice proposé par le MEDEF, tout en jouant les rôles de modérateur, comme dans le dossier du PARE.

Ainsi tous les syndicats non signataires de la convention UNEDIC, n’en continuent pas moins, fort discrètement de participer à tous les groupes de travail de la refondation sociale du MEDEF.

Ce qui serait nécessaire aujourd’hui serait une dénonciation globale du plan du MEDEF, une riposte globale contre ses projets. Les seuls à avoir dénoncé le cadre de la négociation avec le MEDEF se trouvent parmi ceux qui de toute façon ne sont pas invités à la table, le Groupe des 10, les associations de chômeurs et la CGT-chômeurs. La FSU et la CGT ont fait également de nombreuses déclarations et plusieurs structures CFDT ont dénoncé le rôle de leur confédération dans cette affaire. Mais, jusqu’ici aucune initiative de mobilisation n’a été prise. C’est bien l’enjeu des mois qui viennent, car le MEDEF roule lentement sa pelote.

Laurent CARASSO

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