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DOSSIER : Premier recul du gouvernement : le CPE enterré… restent le CNE et la précarité

Le CPE enterré... restent le CNE et la précarité

Mis en ligne le 25 avril 2006 Convergences Politique

Remballé, le CPE. Le gouvernement a tenu bon... deux mois. Deux mois au cours desquels étudiants et lycéens n’ont cessé de faire monter la pression, ralliant à plusieurs reprises massivement les salariés dans la rue. Il faut dire que la riposte était à la hauteur de l’attaque.

Ce nouveau contrat destiné aux moins de 26 ans instaurait une période d’essai de deux ans au cours de laquelle le jeune pouvait se faire renvoyer à tout moment, sans justification et quasiment sans préavis (15 jours les quatre premiers mois, 1 mois après). Flexibilité totale, protections anéanties, le rêve de tout patron quoi ! Le tout arrosé de trois ans d’exonération de charges sociales en guise d’« encouragement »... De quoi voir rouge en effet !

D’autant plus que le gouvernement ne cachait pas son intention d’étendre très vite (avant l’été !) ce même contrat à tout le monde, avec la création d’un « contrat de travail unique » qui remplacerait le CDI. Une simple étape, le CPE, donc. Et pas la première, puisqu’il avait été précédé l’été dernier du CNE (contrat nouvelle embauche), sa version « adulte » mais limitée aux entreprises de moins de 20 salariés. CNE puis CPE emballés, le contrat unique, ultime étape, était dans la poche. Mais c’était sans compter sur la réactivité des jeunes. Le CPE est donc retiré... et le reste du projet suspendu. Pour le moment du moins... La victoire remportée s’avère être alors bien plus que celle de la jeunesse.

Une victoire, mais limitée

Si la victoire est de taille, elle est limitée. Et les étudiants en sont les premiers conscients, eux qui exigeaient non seulement le retrait du CPE, mais aussi celui du CNE et de toute la loi sur « l’égalité des chances » dont le CPE n’était qu’un article. Une loi révoltante dans son ensemble, qui comprend également l’apprentissage à 14 ans, le travail de nuit dès 15 ans, sans oublier la suspension des allocations familiales aux parents d’enfants absentéistes scolaires.

Quant à ce qui remplace le CPE, un « dispositif en faveur de l’insertion des jeunes en difficulté », pas de quoi sauter de joie. Car derrière cet intitulé ronflant, le gouvernement ne fait que renforcer des mesures déjà existantes. « On prend ce qui existe et qui fonctionne déjà, on le vitamine » a déclaré le rapporteur de la loi. « Ce qui fonctionne déjà » ? En fait, les dernières créations de la droite en matière de « contrats aidés », le Contrat d’insertion dans la vie professionnelle (Civis), le Contrat jeunes en entreprises et le Contrat de professionnalisation. Des contrats précaires (stages, formations sous payées, et débouchant rarement sur des vrais emplois...) ou des CDI... à mi-temps bien souvent, où les seuls « aidés » sont... les patrons, exonérés entièrement ou en partie de charges sociales, et qui plus est (les voilà donc les fameuses « vitamines »), vont recevoir des aides supplémentaires. De nouveaux cadeaux qui coûteront à l’État 300 millions d’euros !

30 ans de dispositifs en faveur... de la précarité

Efficaces ces contrats « aidés » ? Si c’était le cas, ça se saurait. Car cela fait trois décennies que ce type d’emplois prolifère, développé par la gauche comme la droite. Les noms avaient beau changer au gré de l’alternance, le principe restait le même : des contrats courts, sous-payés et subventionnés, devant aider jeunes, chômeurs ou Rmistes à « s’insérer » dans le monde du travail. Des TUC de Fabius (1984) au CJE et Civis de Raffarin, en passant par les CES de Rocard (1989), tous étaient présentés comme solutions au chômage. 30 ans après, le bilan est clair : un taux de chômage qui frôle les 10 % et qui touche près de 23 % des jeunes (contre 6 % en 1975). Quant aux CDD et autres contrats aidés, d’exceptions à la norme qu’est le CDI ils sont presque devenus la règle : ainsi en 2004, dans les établissements de plus de 10 salariés du secteur privé, 73 embauches sur 100 se faisaient sous contrats temporaires ; les jeunes seraient aujourd’hui 80 % à commencer à travailler sous cette forme.

Sous couvert de « plans d’urgence pour l’emploi » des jeunes et des moins jeunes, tous les gouvernements ont eu comme politique de systématiser la précarité, d’organiser un vivier de salariés flexibles et corvéables à merci, dans lequel les patrons n’ont plus qu’à puiser selon leurs besoins du moment.

Sauf que ces contrats ont beau prospérer, ils ne sont encore que des dérogations au CDI. Celui-ci, même de plus en plus grignoté et marginalisé, subsiste. Et cela suffit pour faire enrager le Medef qui peste à longueur de temps contre ces « rigidités » du Code du travail qui préservent encore un peu une partie des salariés.

Avec le CNE, le CPE et son projet de « contrat unique », le gouvernement Villepin poursuit certes de plus belle les politiques menées avant, mais il va plus loin encore, puisqu’il se plie complètement, sans aucun complexe, à la volonté du Medef de précariser totalement le contrat de travail. Et si en forçant Villepin à renoncer à son CPE le mouvement étudiant n’a pas bien sûr réglé le problème de la précarité (loin s’en faut), il a sans aucun doute mis un sérieux coup de frein au démantèlement du Code du travail. Pas un coup d’arrêt...

« Parce que la précarité n’est pas seulement le CPE ou le CNE, nous nous engageons à soutenir toutes les revendications qui seront définies par les salariés en lutte, comme l’augmentation des salaires et la requalification en CDI de tous les emplois précaires », écrivait la Coordination nationale des étudiants le 2 avril. Certes, ces luttes souhaitées par la coordination n’ont pas eu lieu mais, en s’adressant ainsi aux travailleurs, les étudiants soulignaient deux idées essentielles : d’abord que la précarité touche tout le monde, que ce soit sous la forme des CDD et des emplois aidés ou des bas salaires ; ensuite que ce combat, si elle l’a commencé, la jeunesse ne pourra pas le gagner seule, mais au côté de l’ensemble des salariés.

Agathe MALET


Des contrats aidés... ou des patrons subventionnés ?

Depuis 30 ans, sous l’égide de la gauche comme de la droite, des dizaines de contrats spécifiques ont été créés. Et pas moins de 35 contrats « en faveur » des jeunes. En voici quelques exemples :

  • Pacte national pour l’emploi - 1977, Barre, droite : première formule de contrat à durée déterminée destiné aux jeunes chômeurs, assortie de mesures d’exonération de cotisations patronales.
  • Stage d’insertion à la vie professionnelle (SIVP) - 1983, Mauroy, PS : stage rémunéré entre un tiers et la moitié du SMIC, assorti d’exonérations de cotisations sociales.
  • Travaux d’utilité collective (TUC) - 1984, Fabius, PS : petits boulots de 20 heures par semaine, payés un demi-Smic et exclus du droit social commun (retraite, chômage)
  • Contrat emploi-solidarité (CES) - 1989, Rocard, PS : contrats de deux ans maximum, 20 heures par semaine ; outre l’exonération de cotisations patronales, l’État prend en charge l’essentiel du salaire.
  • Emplois-jeunes - 1997, Jospin, PS : réservés aux secteurs publics et associatif et payés sur la base du SMIC horaire, quelle que soit la qualification, avec exonération de cotisations patronales, paiement par l’État de 80 % du salaire.
  • Contrat jeunes en entreprise (CJE) - 2002, Raffarin, droite : contrat à durée indéterminée à temps plein ou partiel, avec exonérations de charges sociales pour l’employeur et désormais une prime en sa faveur de 400 € par mois la première année et 200 la seconde.
  • Contrat de professionnalisation - 2004, Raffarin, droite : contrat de travail en alternance, de 6 à 12 mois (voire 24 mois), devant en théorie déboucher sur un CDI... Exonéré totalement de charges sociales, l’employeur percevra désormais en plus 200 € par mois la première année et 100 la seconde en cas d’embauche en CDI.

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