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Hôpitaux

Note de lecture

La casse du siècle – À propos des réformes de l’hôpital public

Mis en ligne le 29 octobre 2019 Convergences Entreprises

La casse du siècle – À propos des réformes de l’hôpital public

de Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent

éd. Raisons d’Agir, 2019, 185 p., 8 €


Cet ouvrage écrit par trois sociologues fait une analyse de l’hôpital public en revenant sur les réformes des cinquante dernières années. Nous en résumons ici quelques points.

En 1958 Robert Debré et le gouvernement font de l’hôpital l’élément central du système de santé pour le soin, la recherche et la formation, ce qui est qualifié « d’hospitalo-centrisme ». Plus tard la question du nombre de médecins à former entraîna des conflits d’intérêts entre les médecins libéraux (de ville) et les médecins hospitaliers. Dans les années 1980, « la priorité pour le pouvoir politique devient la maîtrise des dépenses de santé ».

1983 : passage du prix de journée » à un budget annuel à ne pas dépasser

Jusqu’ici les hôpitaux sont financés par un prix de journée global comprenant les soins et l’hébergement. En 1983 une dotation globale de financement la remplace, c’est un budget annuel qu’il ne faut pas dépasser et qui sous-évalue déjà les besoins des hôpitaux. En parallèle, une grande étude sur ce que produit l’hôpital et son coût est lancée, pour rationaliser le travail et industrialiser les soins.

2004 : tarification à l’acte (T2A)

Chaque intervention médicale ou chirurgicale est désormais un « acte », dont le tarif est fixé par l’administration. C’est ladite T2A, c’est-à-dire la tarification à l’acte, mise en place en 2004. L’objectif des hôpitaux est d’être rentable et de gagner en productivité. La gestion des structures hospitalières passe de l’État à la direction des hôpitaux. Les hôpitaux se retrouvent dans l’obligation de chercher des investissements individuels et s’endettent, contractant parfois des emprunts dit toxiques ; leurs endettements explosent. Le trou de la sécurité sociale est réduit. Plus question de parler de manque de moyens, mais on invoque désormais la mauvaise gestion financière et organisationnelle des directions comme responsable de la situation délétère. C’est la course à la rentabilité : le travail des soignants s’assimile à celui d’une chaîne d’usine. Les conditions de travail et de soins déjà mises à mal continuent de se détériorer.

Les suppressions de postes, la chasse « aux temps morts »…

Le plus grand poste de dépense étant le personnel, la rationalisation entraîne des suppressions de postes. Entre 2005 et 2009 l’activité du secteur hospitalier augmente de 11 % et l’emploi de 4 %, la charge de travail est encore augmentée et repose sur ceux qui restent. Les postes d’ASH (agent de service hospitalier) et les personnels techniques sont les premiers sacrifiés et les départs à la retraite ne sont plus remplacés. C’est aussi la chasse à ce qui est qualifié de « temps morts » : les pauses, les temps de transmissions…

L’activité définie par des seuls technocrates, qui ne comprend que l’activité tarifée, est mesurée selon le moment de la journée, les services… On déplace les agents à tout moment selon les besoins, comme des pions. C’est l’heure de la polyvalence et de la flexibilité du travail. Les réorganisations entraînent une individualisation du travail qui se transforme en succession de tâches : poser une sonde, distribuer un repas ou faire une toilette en x minutes. La charge de travail augmente encore, couplée à une perte totale de sens de son travail.

Les journées de douze heures

La T2A s’accompagne d’une augmentation des journées de travail en douze heures. Initialement régime dérogatoire, il concerne un soignant sur 10 et atteint 70 % du personnel dans certains hôpitaux. Accepté par bien des soignants (dans la mesure où cela octroie plus de jours de repos), cela permet de réaliser l’impossible succession d’actes demandés en horaires traditionnels. Les travailleurs hospitaliers exercent dans un sentiment permanent d’urgence, de stress des conséquences « si on y arrive pas », qui ajoutent de la souffrance à des métiers déjà usants physiquement et mentalement.

Le « virage ambulatoire »

Une partie des gains de productivité dans les hôpitaux sont réalisés grâce au « virage ambulatoire », présenté comme solution miracle depuis vingt ans. Les actes sont pratiqués en un jour, tout le monde y trouverait son compte : l’hôpital fait des économies, cela désengorge des services et le patient est censé être content de faire sa convalescence dans un cadre familier. Vu les progrès de la médecine, cela peut se justifier pour certaines interventions. Mais la logique est toute autre et cette solution est loin d’être miraculeuse : les patients ont l’impression d’être soignés à la chaîne et le suivi postopératoire est difficile à assurer du fait du manque de structures de médecine de ville. De nombreux médecins libéraux pratiquent souvent des dépassements d’honoraires excluant les plus pauvres. La prise en charge à domicile d’une population vieillissante repose sur la famille qualifiée « d’aide » par les technocrates. Les exclus des soins libéraux retournent vers l’hôpital. Entre 2000 et 2013 les généralistes ont reçu 15 % de patients en moins tandis que les soins aux urgences et en consultation externe ont progressé de 9 %.

Autant de raisons de la colère des travailleurs hospitaliers grévistes bien résumées dans cet ouvrage parfois technique mais éclairant, particulièrement les chapitres 2 à 4.

Andrée Grangé

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Numéro 129, novembre 2019

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