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DOSSIER : Le nucléaire en question

La France, l’autre pays du nucléaire

Mis en ligne le 22 avril 2011 Convergences Société

Le 18 octobre 1945, De Gaulle créait le Commissariat à l’énergie atomique. Après Hiroshima et Nagasaki, il ambitionnait de doter la France de l’arme atomique pour affirmer un rôle de premier plan sur la scène internationale. L’intérêt scientifique pour la physique de l’atome n’était alors qu’un alibi !

De la bombe…

En 1955 est créé au CEA un département spécial, baptisé « Bureau d’études générales », chargé de développer le programme nucléaire militaire ; il emploie surtout des civils, astreints comme les militaires à un strict silence.

De Gaulle revenu au pouvoir en 1958, l’objectif de la bombe française est revendiqué publiquement : le « Département des techniques nouvelles », l’ancien « Bureau d’études générales », devient « Direction des applications militaires » du CEA. En février 1960, la première bombe atomique française explose à Reggane, dans le sud de l’Algérie. Puis, après les États-Unis, l’Union soviétique, la Grande-Bretagne et bientôt la Chine, De Gaulle dote la France de la bombe H, beaucoup plus puissante ! La première bombe thermonucléaire française explose à Fangataufa, en Polynésie, en août 1968.

Dans l’essor de l’industrie nucléaire en France, il est bien difficile de distinguer activités civiles et nucléaires, étroitement liées. Les choix de conception des réacteurs ont ainsi pris en considération un déchet produit, le plutonium, fondamental pour certaines armes atomiques. Même si aujourd’hui, à Marcoule, Melox (filiale d’Areva) utilise aussi le plutonium provenant des combustibles nucléaires usagés pour fabriquer le combustible Mox utilisé dans certains réacteurs civils, comme le n°3 de Fukushima Daiichi… Sur le site de Tricastin, on enrichit de nos jours massivement de l’uranium pour les centrales nucléaires. Mais, dans les années 1960, le CEA avait sur le site une usine de production d’uranium à usage militaire (pour les bombes puis la propulsion nucléaire des sous-marins atomiques). Ce sont tous les choix techniques, d’approvisionnement, de priorité de recherche qui ont été faits en tenant compte des besoins militaires.

…aux centrales électriques

En 1974, c’est le début en France d’un gigantesque programme électronucléaire s’étalant sur une quinzaine d’années, dans un contexte où la montée du prix du pétrole rendait cette énergie un peu plus rentable. La part du nucléaire dans la production électrique française, qui était déjà de 23 % en 1980, monte à 76 % en 1990 [1], un taux qui dépasse largement l’usage du nucléaire des grandes puissances (États-Unis, URSS, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne). Un tel programme s’est appuyé en grande partie sur les capacités qui avaient été développées pour les besoins militaires. Un choix qui se voulait d’indépendance nationale, avec une maitrise des centrales, mais aussi de la production du combustible et du retraitement des déchets. C’était un choix politique d’indépendance vis-à-vis de la ressource pétrolière, secteur où les États-Unis gardent la main, bien plus que les considérations de coût qui sont souvent mises en avant par les gouvernements.

Des investissements d’une telle ampleur, s’ils sont une manne pour certains groupes privés, se sont avérés possibles car ils étaient menés par EDF, alors entreprise nationale ayant l’aval de l’État, seul capable de garantir les milliards d’euros que coûte chaque centrale !

Aujourd’hui, l’industrie nucléaire française reste marquée par cette histoire. Le rôle de l’État est toujours déterminant. Avec le CEA, centre de recherche public qui emploie 15 000 salariés, qui a toujours une « Direction des applications militaires ». Mais aussi Areva, principale entreprise française du nucléaire au développement international, détenue à plus de 90 % par le CEA et l’État. Et l’armée n’est jamais très loin : elle reste un important client et acteur des technologies nucléaires, avec ses traditions d’opacité qui règnent encore sur le secteur nucléaire en France

Michel CHARVET


La gauche, le PCF et l’atome

Les programmes nucléaires, civils comme militaires, ont été largement soutenus par la plus grande part de la classe politique française. Y compris, et c’est le plus spectaculaire, par le Parti communiste français.

Le CEA, à sa fondation en 1945, était dirigé, au moins pour ses aspects scientifiques, par un prestigieux membre du PCF : Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de chimie en 1935 avec sa femme Irène. Mais, dans le contexte de guerre froide, le PCF est mis à l’écart du gouvernement en 1947. Il conteste alors les programmes militaires atomiques américains comme français, en développant une propagande pacifiste. Parmi d’autres intellectuels, Joliot-Curie fut, en 1950, l’un des initiateurs de l’Appel de Stockholm, un appel international contre l’armement nucléaire, signé par des millions de personnes. Son engagement lui valut sa révocation de la direction du CEA.

Pendant près de trente ans, le PCF a critiqué, souvent avec virulence, la politique d’armement atomique de la France. Mais, dans les années 1970 et pour l’Union de la Gauche avec le PS de Mitterrand, le PCF se devait de donner des gages à la bourgeoisie pour espérer revenir au gouvernement. Ce fut un tournant à 180 degrés. Au placard, sa revendication de démantèlement de l’armement nucléaire français ! Le secrétaire général du PCF, Georges Marchais, expliquait à la radio en 1977 : « J’ai rencontré des spécialistes. Ils estiment que notre armée conventionnelle ne résisterait pas trois jours… Pire que Sedan en 1940… Nous nous sommes par conséquent prononcés pour la maintenance de la force de frappe nucléaire ».

La même année, le PCF se ralliait entièrement au programme de Messmer de construction de centrales nucléaires, abandonnant toute critique des programmes nucléaires, se faisant les propagandistes de l’énergie atomique face aux doutes bien légitimes de la population.

Mitterrand et les socialistes, dans l’opposition dans les vingt-trois premières années de la V° République, avaient eux aussi mis en cause la politique nucléaire de Gaulle et de ses successeurs, dans ses volets civils comme militaires. Des critiques abandonnées au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du pouvoir… et déjà largement enterrées quand Mitterrand a remporté les présidentielles de 1981 !

M.C.


[178 % de la puissance nominale installée est aujourd’hui produite par 46 réacteurs entrés en service entre 1980 et 1990.

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