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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 144, mars 2022

« L’avenir en commun » de Mélenchon avec le Medef, ou bien la lutte du monde du travail ?

Mis en ligne le 1er mars 2022 Convergences Politique

La gauche politicienne est au plus bas. Elle paie la facture de toutes les trahisons passées des espoirs de ses électeurs, et le bilan du quinquennat Hollande qui a propulsé Macron au pouvoir. À quoi s’ajoute l’éclatement entre Jadot, Hidalgo, Roussel… et Mélenchon, le seul à tirer son épingle du jeu – au moins dans les sondages. Crédité d’un score moins mauvais que ses concurrents, il se présente comme le dernier recours, l’unique vote « efficace » et tente d’entretenir le mythe d’un bon gouvernement de gauche pour « changer la vie ».

Des promesses au rabais

Mais discutons déjà du programme tel qu’il est, avant les soldes du très hypothétique deuxième tour. En notant d’abord, qu’en bon candidat responsable, le leader de la France insoumise n’évoque même plus la « révolution par les urnes », dont le premier mot pourrait effrayer ses futurs partenaires. Même ses simples promesses ne volent pas haut.

Côté salaire il promet le smic à 1 400 euros, bien en dessous d’un minimum nécessaire pour vivre décemment aujourd’hui. Quant à l’ultra-nécessaire augmentation des salaires, elle est renvoyée aux prochaines NAO (les négociations obligatoires), dont il propose d’avancer la date, et à une vague « conférence sociale » ainsi qu’au progrès de la « citoyenneté dans l’entreprise ».

Le reste est à l’avenant. Comme instaurer un écart des salaires de un à vingt au maximum dans une entreprise : un plafonnement des salaires à 28 000 euros (smic à 1 400 euros oblige !). C’est déjà cossu ! Et ça ne gênera pas la grande bourgeoisie, dont la fortune est assise sur le capital, pas sur les salaires. Et si les cadres dirigeants des grandes entreprises touchent leur paie mirobolante d’une autre manière, cela ne changera rien pour les classes populaires.

Côté retraite, revenir à l’âge de départ à 60 ans (à peu près l’espérance de vie en bonne santé des ouvriers) après quarante annuités de travail. Ce n’est évidemment pas la réforme Macron que réclame le patronat, mais on n’en est même pas au retour aux 37,5 annuités d’avant. Et si on n’a pas du boulot dès 20 ans, le droit à une retraite complète, c’est plus tard.

L’avenir en commun… avec le Medef

Quant à réduire le temps de travail, Mélenchon promet… la semaine de 35 heures. C’est déjà la loi, même si les patrons ne cessent d’imposer, sous prétexte de « compétitivité » ou de chantage à l’emploi, des horaires plus élevés. Avec l’augmentation de la productivité, et compte tenu du niveau élevé du chômage et de la précarité, ne serait-ce pas travailler moins pour travailler tous qu’il faudrait imposer ?

Mais Mélenchon ne compte pas forcer la main aux capitalistes. Pour s’attaquer au fléau du chômage, il promet une « garantie d’emploi » aux chômeurs de longue durée : un contrat précaire payé au smic par l’État, dans un secteur « d’urgence ». Mais alors pourquoi pas un vrai emploi dans les services publics, qui en ont bien besoin ? Et pourquoi pas plutôt empêcher le patronat de produire des chômeurs ? L’idée, également reprise par la droite, n’est d’ailleurs pas nouvelle : après la révolution de février 1848, le gouvernement avait déjà mis en place des ateliers nationaux… avant de massacrer les ouvriers au mois de juin.

Et quand Mélenchon ose parler d’interdire les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices, il sait bien que les grands groupes maquillent leurs comptes pour justifier les mal-nommés plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui conditionnent les licenciements économiques. Ils ont aujourd’hui bien d’autres méthodes (suppressions des intérimaires, départs dits « volontaires »…) pour réduire les effectifs : Renault a pu supprimer 4 600 postes en France en deux ans sans y avoir recours. Autant dire que cette mesure ne fait pas peur au Medef.

Au point que son président, Roux de Bézieux, dialoguant avec Mélenchon sur un plateau de télé, disait prendre son programme tout à fait au sérieux. L’équipe de LFI s’en est réjouie, car ce programme est bel et bien destiné à convaincre le patronat que Mélenchon saurait gérer le capitalisme français. L’accent sur la relance de l’économie française par un « protectionnisme écologique et solidaire » censé garantir « l’indépendance » de la France, réaliser la « bifurcation » écologique et créer des emplois a effectivement de quoi plaire au patronat, qui profiterait des effets bénéfiques d’un plan de relance repeint en vert et en bleu-blanc-rouge.

Accroître la progressivité de l’impôt, en mettant désormais 14 tranches, ou limiter l’héritage à 12 millions d’euros, ne va pas non plus empêcher les bourgeois de dormir. Il y a longtemps que ceux qui ont les plus grosses fortunes savent les transmettre à leurs rejetons sans passer par la case « droits de succession ».

Un passé commun… avec Hollande et Mitterrand

Présenté comme sérieux et chiffré, pour séduire une partie du patronat (selon lui, il est même le « candidat du petit patronat »), le programme de Mélenchon n’est qu’un programme de gestion responsable de l’économie capitaliste, dont la bourgeoisie pourrait éventuellement s’inspirer si elle en ressentait le besoin pour apaiser les tensions en cas de crise sociale. À moins que celle-ci ne préfère imposer au gouvernement, quel qu’il soit, la politique inverse, selon ses besoins. L’expérience des passages au pouvoir de Hollande et Mitterrand avant lui ont bien montré les dégâts causés par cette gauche, dont Mélenchon se réclame encore.

Car le pire de tout dans la campagne de Mélenchon, c’est que même pour les toutes petites mesures dont il parle, il ne se donne pas les moyens de les imposer : le bulletin de vote, le dialogue social en entreprise ou la « nouvelle citoyenneté » ne vont pas faire cracher un sou aux patrons, ni porter atteinte à leur sacro-saint droit de propriété au nom duquel ce sont eux qui décident de tout, y compris de la politique des gouvernements et du futur président, quand bien même il s’appellerait Mélenchon.

Mais il est vrai que « Mélenchon président », même lui n’y croit plus. Malgré sa montée sondagière, il faut une grosse dose d’optimisme (voire plus) pour le voir remplacer Macron à l’Élysée. Son ambition est plus modeste : c’est celle d’une éventuelle recomposition de la gauche (après la déroute annoncée des socialistes et des écolos), et dont il deviendrait le chef…

Mais alors, en quoi voter Mélenchon serait-il « utile » ou « efficace » au monde du travail ?

Si les chances de Mélenchon sont ultra-minces, il faudrait quand même voter pour lui afin qu’il développe ses thématiques pendant l’entre-deux-tours ? Mais pour dire quoi ? Mélenchon promet un débat « plus honorable » pour confronter leurs « deux visions du monde ». Un débat avec Macron… une ambition encore plus modeste que ses promesses !

Car pour mettre en avant les intérêts du monde du travail, il y a plus efficace que cette vague perspective. Alors que Macron dévoile son programme d’offensive sur les retraites ou la fonction publique, l’urgence est à imposer les revendications des classes populaires. Et à rappeler que pour changer notre sort, c’est le rapport de force entre travailleurs et patronat qu’il faut changer.

Les nombreuses grèves qui éclatent en ce moment sur les salaires montrent la voie, tant sur la forme que sur le fond, du vrai programme de lutte dont ont besoin les classes populaires. Augmenter les salaires de 400 euros pour tous, pas un revenu sous 1 800 euros et leur indexation sur l’inflation. Et plus encore, réorganiser la production en fonction des besoins de la population, sous contrôle de celle-ci et des travailleurs eux-mêmes.

Voilà ce que nous avons à dire dans ces élections, que nous pouvons être nombreux à affirmer en votant pour un travailleur, un militant ouvrier, Philippe Poutou. Un moyen aussi de préparer les luttes de demain.

1er mars 2022, Hugo Weil

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