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Chronique d’une lutte ouvrière : la grève à Renault Maubeuge vue par un cheminot

Maubeuge construction automobile (MCA) est l’un des sites dans le collimateur de la direction du groupe Renault. Alors que le gouvernement s’apprête à arroser l’entreprise de cinq milliards d’euros de garanties bancaires, Renault a décidé de liquider 15 000 emplois dans le monde dont près de 5000 en France. C’était sans compter sur la réaction des ouvriers en Bretagne, à Maubeuge ou encore à Choisy. Chronique de la résistance à Maubeuge vue par les yeux d’un cheminot.

Samedi 30 mai, des milliers dans les rues

J’arrive sur le site de l’usine à l’heure du départ de la manif. On ne peut même pas entrer sur le parking car la foule le remplit déjà. Quand la manif commence, des milliers de personnes (8 000 d’après la CGT) défilent pour dire non à la délocalisation du site, pour défendre leur emploi. Pas une personne ne manque à l’appel. Impressionnant ! Tous les ouvriers sont là, accompagnés de leur famille, leurs amis et leurs soutiens. Il y a aussi des travailleurs des autres usines du coin, présents par solidarité ou parce que c’est aussi leur peau qu’ils défendent. On m’explique que derrière les 2000 emplois de MCA, ce sont au moins 10 000 autres qui en dépendent.

« Tous ensemble, tous ensemble »

La manif dure trois heures, sous un soleil de plomb. Les discussions vont bon train et tout le monde a en tête que ce n’est qu’une étape, qu’il en faudra d’autres. La franche réussite de celle-là donne du courage. Le moment le plus sympa, c’est quand la manif est passée devant l’hôpital de Maubeuge. Une trentaine d’infirmières en tenue de travail s’étaient mises devant et les applaudissements ont commencé à fuser de part et d’autre, chacun s’encourageant mutuellement dans son combat. Des slogans « tous ensemble » sont chantés et largement repris.

« Tout ça c’est pour le fric »

La manif finit devant la mairie de Maubeuge, loin de l’usine où j’ai laissé ma voiture ! Qu’importe, un manifestant me prend en co-voiturage pour m’y redéposer. C’est un ancien de MCA qui y a enchaîné les contrats précaires, sans pouvoir y être embauché. C’était une évidence pour lui d’être présent aujourd’hui. Pour ses anciens collègues, mais aussi parce que « tout ça c’est pour le fric » et donc, ce n’est pas acceptable. Pas difficile de se comprendre dans ces moments.

Mardi 2 juin, nouvelle journée de grève

Le week-end de la Pentecôte n’a pas entamé la détermination. Pas une bagnole produite ne sort de l’usine depuis vendredi dernier. J’arrive sur le piquet de grève à midi. Les grévistes y sont depuis 4 heures 30, bloquent les camions qui entrent et fouillent tous ceux qui sortent, pour éviter que la direction ne déménage les machines en douce.

« On ne veut pas d’un désert »

Tous évoquent les conséquences dramatiques que la fermeture de l’usine aurait sur la région. Comment retrouver du boulot ? Comment nourrir sa famille et rembourser la maison pour ceux qui s’installent ? Les petits boulots pour s’en sortir, voire pire, personne n’en veut et personne n’y croit. Si l’usine fermait, le coin deviendrait un désert. C’est aussi contre cet avenir noir qu’il faut se battre.

« Ma première grève »

On sent tout de suite la force de cette grève en discutant avec des ouvriers en lutte pour la première fois « parce que cette fois c’est du sérieux, il faut la faire ». Et quand ce sont ceux-là qui s’y mettent, en tenant le piquet de grève toute la journée, en cherchant à convaincre leurs camarades des ateliers, alors les travailleurs commencent à montrer leur force.

Cheminot, ouvrier de Renault, même combat

Dans les discussions, je me présente comme cheminot, gréviste de cet hiver, venu par solidarité et parce que le combat de ceux de MCA nous concerne tous. Pas besoin d’en dire plus, on fait instantanément partie de la famille ! C’est même un ouvrier de l’usine qui me dit qu’à la SNCF, les problèmes sont les mêmes avec les suppressions de postes.

D’une grève à une autre

Sur le piquet ou en mangeant le casse-croûte que les grévistes m’invitent à partager avec eux, on discute de la grève de cet hiver à la SNCF, qu’on a menée comme étant celle de tous les travailleurs et pas juste celle des cheminots. J’y raconte les liens avec les ouvriers de Cargill, le cortège commun contre les licenciements et la réforme des retraites qu’on avait réussi avec fierté. Participer à la grève à MCA, c’est simplement la suite logique de tout cela.

« La colère, elle bat la thune »

Mercredi 3 juin, la grève est suspendue. Les annonces du maintien de l’emploi jusqu’en 2023 et possiblement au-delà sonnent comme une victoire pour les salariés. La mobilisation a payé ! La colère qui s’est exprimée a poussé le gouvernement et Renault à y réfléchir à deux fois. Ils faisaient ça pour le fric, preuve est faite que « la colère, elle bat la thune » comme dit l’un des ouvriers. Une expérience décisive pour les MCA. Laissons leur la conclusion  : « Cette mobilisation, ça nous a rapproché entre collègues qui ne se connaissaient pas. On va surveiller nos arrières, ce qu’on ne faisait pas avant. Et la prochaine fois, on sera encore plus fort et on va déplacer des montagnes ! »

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