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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 23, septembre-octobre 2002 > DOSSIER : Syndicats / travailleurs : Un fossé grandissant

DOSSIER : Syndicats / travailleurs : Un fossé grandissant

A la tête des luttes, mais pour quelle fin ?

Mis en ligne le 5 octobre 2002 Convergences Politique

Bien des syndicalistes qui se heurtent quotidiennement aux patrons et subissent des discriminations dans l’avancement et les salaires, qui ont été parfois licenciés de certaines entreprises pour leur activité syndicale, sont souvent ulcérés par les critiques adressées aux syndicats par les révolutionnaires. Comment peut-on accuser les syndicats de freiner, et même trahir les luttes alors qu’ils sont à la tête de l’énorme majorité d’entre elles, voire les initient ? Les mêmes ne sont d’ailleurs pas moins ulcérés par les critiques des travailleurs du rang, qui sont souvent encore plus directs et méfiants. N’ont-ils pas un mal fou à trouver parmi ces travailleurs justement ceux qui veulent bien prendre un peu de temps pour s’occuper des affaires des salariés ?

Effectivement, les syndicats ont un rôle contradictoire dont tous les militants ouvriers ont intérêt à bien avoir conscience. Même si nombre de syndicalistes ont finalement plus de contacts avec les employeurs qu’avec les salariés, même s’ils recherchent systématiquent l’entente avec les capitalistes, cela ne les empêche pas de prendre la tête de luttes, en particulier quand il n’y a personne pour la leur contester, ce qui fut généralement le cas ces dernières décennies. Mais ce rôle contradictoire est aussi une bonne raison en période de mobilisation des salariés, pour que ceux-ci ne leur confient pas aveuglément et sans contrôle la direction de ces luttes.

Bref rappel du passé

Les syndicats essaient de faire ce qu’il faut pour ne pas perdre leur influence, pour ne pas se mettre trop visiblement au travers des aspirations des travailleurs. Même pour en être les interlocuteurs obligés, ils doivent justifier leur importance auprès des patrons et de l’Etat. Ils utilisent du coup des tactiques diverses et peuvent être amenés à généraliser une lutte pour mieux la contrôler tout aussi bien que l’émietter pour empêcher son développement.

Depuis près d’un siècle les syndicats ont contribué à lancer ou étendre tous les grands mouvements qui ont mis en branle de larges masses ouvrières de ce pays. Mais pas une de ces grandes luttes, de la grève des fonctionnaires de 1953 à celle des cheminots de 1995 en passant par celle des mineurs de 1963, pour ne pas parler des grèves générales de juin 1936 ou mai 1968, qui n’ait été à un moment freinée, canalisée ou dévoyée par les directions syndicales.

En 1936, la CGT a pu ainsi permettre au patronat de mettre un coup d’arrêt au mouvement général, tout en bénéficiant de l’engagement de larges masses dans l’action collective et d’un gonflement des adhésions multipliées par cinq en un an ! En fait, si le rôle de la direction de la centrale CGT dans le déclenchement et l’extension de la vague de grèves de mai-juin 1936 a été quasi-nul (aucun appel à la grève générale), cela ne l’a pas empêché de se propulser comme l’interlocuteur indispensable du patronat et d’apparaître comme le représentant des intérêts ouvriers, celle qui avait su négocier les accords Matignon (et alors que, on l’apprit par la suite, certains patrons n’en revenaient pas de s’en être tirés à si bon compte).

Chez les mineurs en 1963, c’est la surenchère de FO et de la CFTC sur la prudence de la CGT, majoritaire dans la branche, qui déclencha la grève illimitée. Mais c’est la concertation des trois qui permit de mettre fin au conflit au mécontentement d’une bonne partie des grévistes.

En mai 1968, tout en organisant de fait la grève générale afin d’empêcher de se laisser déborder par le mouvement spontané, la CGT a dans le même temps démobilisé en s’opposant à l’occupation massive et effective des usines comme en juin 1936. Du coup, il ne lui a pas été trop difficile de faire reprendre le travail malgré la minceur des concessions patronales et gouvernementales, malgré aussi l’échec politique puisque le ras-le-bol du régime gaulliste qui était pour une bonne part dans le déclenchement de la révolte n’eut aucun débouché immédiat.

Mettre l’organisation du combat sous le contrôle des travailleurs

Quelques exemples – et on pourrait les multiplier - qui montrent que les directions syndicales, si promptes à se plaindre de l’indifférence des travailleurs en temps ordinaire, n’ont rien de plus pressé lorsque ces travailleurs passent à l’action que d’agir, de parler, de négocier en leur nom mais par-dessus leur tête. C’est pourquoi dans les moments, peut-être rares mais fondamentaux, où la classe ouvrière se mobilise, elle n’a pas intérêt à remettre aveuglément son sort à ses directions patentées. Mais caussi alors qu’il devient possible que les salariés se dotent d’organisations qui représentent bien plus étroitement leur état d’esprit, leurs aspirations et leur volonté du moment. L’histoire a d’ailleurs montré amplement que pour mener les luttes, les plus limitées comme les plus grandioses, jusqu’au maximum de leurs possibilités, ces comités ouvriers, démocratiques, représentatifs et sous contrôle de leurs mandants, qu’on les ait appelés comités de grève, coordinations ou même soviets, sont absolument nécessaires.

Les militants ouvriers n’ont pour le moment en France pas bien souvent l’occasion de participer à ce type d’organisation. Ce n’est pourtant pas une raison de s’adapter au syndicalisme tel qu’il se pratique actuellement, c’est-à-dire quasiment en dehors de la participation des travailleurs du rang. Même dans les luttes élémentaires, la tâche des révolutionnaires est de préparer leurs camarades de travail à diriger eux-mêmes leurs luttes, à contrôler leurs organisations et à prendre conscience de leurs intérêts de classe en opposition au respect de l’ordre établi cultivé par l’appareil syndical.

Robert PARIS

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