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Accueil > Éditos de bulletins > 2020 > mars > 27

Une société malade, un monde à renverser

Deux semaines après que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié le Covid-19 de « pandémie », 2,6 milliards de personnes, soit plus d’un tiers de l’humanité, sont confinées – du moins soumises à ce régime de confinement à géométrie variable qui permet la continuation de l’exploitation salariée. Une situation ubuesque rendue indispensable par la trajectoire exponentielle de l’épidémie en l’absence de toute préparation sérieuse.

Impréparation et égoïsme national

L’émergence d’un coronavirus à l’échelle mondiale n’est pourtant pas une surprise pour les scientifiques, notamment après l’épidémie du SARS en Asie dès 2002. La question qui se posait aux spécialistes n’était pas de savoir si un tel virus pouvait déclencher une pandémie, mais quand. Depuis, les pays touchés directement ont pris quelques mesures, mais trop peu, et les autres, même les plus riches, aucune.

Au mois de janvier, alors que la Chine inaugurait le confinement dans la région de Wuhan, foyer de l’épidémie, les autres grandes puissances regardaient ailleurs. L’inquiétude venait plutôt de la baisse de production dans cet « atelier du monde », qui laissait augurer une pénurie d’iPhones et de pièces détachées pour l’industrie nationale. Au fur et à mesure de la progression du virus, chaque État a voulu mener sa politique dans ses frontières, à son rythme et à sa manière… pour aboutir après plus ou moins de détours et de retards aux mêmes mesures improvisées. Mais chacun son stock de masques et de respirateurs !

Le virus n’a que faire des frontières. Se barricader et conserver jalousement ses moyens pour son territoire est une stratégie vouée à l’échec puisque le développement incontrôlé de l’épidémie dans une région du monde rejaillira forcément sur toutes les autres. La cacophonie de réponses désordonnées et localisées à laquelle on assiste est un scandale sanitaire en soi. Qu’il s’agisse d’éradiquer le virus ou de contenir la pandémie, une réponse coordonnée à l’échelle du globe serait bien plus efficace – et rendue possible par la mondialisation des échanges et des productions.

La chair à virus : les travailleurs et les pauvres du monde entier

Ce qui est vrai à l’intérieur de chaque pays est encore plus marqué à l’échelle internationale : le confinement des riches n’a rien à voir avec celui des pauvres.

Presque un tiers des 1,3 milliard d’Indiens sont qualifiés de « migrants de l’intérieur », forcés de changer de région pour trouver du travail. Une fraction importante n’a pas de logement proprement dit, et les neuf dixièmes sont payés à la journée et en liquide. Le confinement les a plongés immédiatement dans le chômage, en plus de les livrer aux exactions des flics. Depuis quelques jours, ils sont des millions sur les routes, à pied, à tenter de rejoindre leur famille.

L’Inde ne compte qu’un respirateur pour 330 000 habitants. Mais le premier ministre nationaliste et intégriste hindou a conseillé aux femmes de taper sur leurs casseroles pour faire fuir le virus. Il n’est pas le seul à jouer de la fake-news pour masquer l’incurie : Bolsonaro pense que les « vrais » Brésiliens ne peuvent pas tomber malade, Donald Trump continue de dénoncer le « virus chinois » et Boris Johnson pariait sur « l’immunité de groupe » en risquant au passage quelques centaines de milliers de vies… avant d’être lui-même rattrapé par la maladie. Gageons qu’il aura un accès prioritaire au respirateur.

En Haïti, le décompte macabre des lits de réanimation n’est même pas significatif puisque cela fait des mois que les villes les plus pauvres ne parviennent pas à avoir de l’électricité plus de quelques heures chaque jour. À la périphérie de l’Union européenne, les camps de migrants bondés par une politique inhumaine et raciste de fermeture des frontières sont un terreau particulièrement favorable au développement du virus, loin des regards puisque les journalistes y sont interdits de séjour depuis quelques jours.

Plans de sauvetage… des profits

Oui, le virus peut prospérer sur l’océan de misère produit par cette société de classe. Les dirigeants du monde capitaliste se sentent tenus, comme à regret, de se pencher sur des problèmes de santé publique, mais ils ne perdent pas le sens des priorités qu’on peut lire clairement dans le montant des différents plans de sauvetage « de l’économie ».

345 milliards en France, 550 en Allemagne, 2 000 aux États-Unis… Elle est là la vigoureuse réponse coordonnée au niveau international : tous les États ont mis la main à la poche pour sauver les profits ! Cette débauche « d’argent magique » a suscité un rebond des bourses déprimées par le confinement, mais n’a eu aucun effet sur une autre pandémie qui se répand plus vite que le corona : le chômage. Record battu aux USA avec plus de trois millions de chômeurs supplémentaires en une semaine.

Ce ne sont pas les emplois que ces mesures visent à sauver – une évidence que le gouvernement français a été forcé d’admettre en refusant l’interdiction même temporaire des licenciements. Les aides aux entreprises sont des aides à leurs patrons, à fonds perdus et sans contrepartie.

Travailleurs, confinés ou pas, sauvons-nous nous-mêmes !

Non contents de saigner leur budget en subventions au patronat, les États profitent aussi de la crise sanitaire pour déclencher une Blitzkrieg contre les droits des travailleurs. Suspension du droit de grève au Portugal, ordonnances contre les « 35 heures » en France… Le virus a bon dos !

Revenons en Chine, là où tout a commencé. Alors que le confinement commençait à être levé dès la mi-février, la reprise progressive du travail – qui avait cessé plus rigoureusement qu’en France semble-t-il – s’est accompagnée d’une reprise des grèves. Elles n’étaient pas rares avant l’épidémie, mais elles se généralisent après, notamment pour le paiement des arriérés de salaires des derniers mois. Un foyer épidémique dont on ne peut que souhaiter qu’il tourne à la pandémie gréviste !

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