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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 46, juillet-août 2006

Un livre : Révelation$

Mis en ligne le 28 juin 2006 Convergences Culture

de Denis Robert et Ernest Backes

Révélation$

Éd. Les Arènes, 2001, 19,99 €


En 2001, un ancien journaliste de Libération, Denis Robert, et un ex-cadre de la société Clearstream, Ernest Backes, publient sous le titre Révélation$ un ouvrage qui dénonce le rôle de cette société luxembourgeoise dans les circuits de la finance mondiale.

C’est rétrospectivement que ces « révélations » rencontreront un certain écho lorsque l’attention du public est attirée par les péripéties embrouillées qui mettent en cause le Premier ministre, son ministre de l’Intérieur, un « corbeau », un agent secret à la retraite, un informaticien plus ou moins barbouze, etc.

La boite noire du capitalisme

Les 25 dernières années sont marquées par l’essor des transactions financières internationales. Banques et sociétés en tout genre s’achètent et se vendent des titres par-delà les frontières. Encore faut-il que la transaction se « dénoue », c’est-à-dire que les titres et l’argent changent de main.

Ce dénouement des transactions financières internationales est l’affaire de deux sociétés dans le monde, Clearstream et Euroclear. Jouant apparemment un rôle purement technique, ces sociétés gèrent des flux qui se comptent en milliers de milliards de dollars [1].

Pour effectuer très rapidement les opérations, ces « dépositaires centraux » internationaux les ont entièrement dématérialisées. Lorsque Clearstream est informée d’une transaction entre ses adhérents, elle vérifie puis « dénoue » la transaction en débitant un compte de titres pour créditer l’autre, et vice-versa avec la monnaie.

Dès les années 1970 apparaît chez Clearstream un système de comptes dit « non publiés ». Certaines banques ont plusieurs comptes (pour leurs filiales ou pour gérer le portefeuille de grandes entreprises clientes) mais ne font apparaître qu’un compte principal et répartissent ensuite elles-même l’argent et les titres entre ce compte et les comptes « non publiés ».

Pour Robert et Backes, ce système (dont Backes semble être l’un des instigateurs) aurait connu une dérive complète. Les banques des pays industrialisés auraient multiplié les comptes non publiés au profit de filiales situées dans les Bahamas ou les îles Vanuatu, tandis que Clearstream aurait accepté de créer des comptes non publiés non rattachés à un compte publié, au profit de particuliers ou d’entreprises (qui, en théorie, n’ont pas le droit d’avoir de comptes) ou encore pour le compte d’officines bancaires douteuses notoirement liées à la mafia russe, aux cartels de la drogue colombiens, etc. D’où leur rôle clé dans les transactions financières frauduleuses : blanchiment, évasion fiscale, corruption, mais aussi financement des coups tordus des services secrets à travers le monde.

Des cadavres dans les placards

Le livre « Révélation$ » égrène ainsi une impressionnante liste de scandales ayant émaillé les dernières décennies. En outre, comme l’expliquera ultérieurement Denis Robert avec l’aide d’un ancien responsable informatique de la firme, les informaticiens de Clearstream auraient coutume d’organiser de fausses pannes permettant d’effacer les transactions les plus douteuses de la mémoire du système informatique de la société et de les soustraire ainsi à la curiosité d’éventuels enquêteurs.

Sans pouvoir se prononcer sur le détail, on doit reconnaître que les pratiques décrites sont vraisemblables. Même la thèse suggérée par Backes, selon laquelle son responsable direct, Gérard Soisson, aurait été liquidé, est crédible si l’on fait le rapprochement avec les affaires de la Banque Ambrosiano ou des frégates de Taiwan.

En revanche, sur le plan politique, la dénonciation de Clearstream rejoint la démarche de la gauche altermondialiste qui s’en prend toujours à tel ou tel aspect du système capitaliste (paradis fiscaux, multinationales, OMC, etc.) plutôt qu’au système capitaliste lui-même. En se focalisant sur Clearstream, machine à laver « l’argent sale », on finit par donner l’impression que l’argent qui circule par ailleurs dans l’économie capitaliste est « propre » [2].

Clearstream et autres officines du même type répondent simplement aux attentes contradictoires des capitalistes d’aujourd’hui : d’une part, profiter d’un système de transaction d’une grande fiabilité, aisément contrôlable ; de l’autre, bénéficier d’un certain degré d’opacité permettant d’opérer à l’abri des regards du fisc, de la justice et autres importuns.

Julien FORGEAT


À voir

On regardera avec intérêt la vidéo de Denis Robert, L’affaire Clearstream expliquée à un ouvrier de Daewoo, disponible gratuitement sur Internet à l’adresse http://www.dailymotion.com/video/98398


[1Denis Robert fait pertinemment remarquer que, dans toute la littérature consacrée à la faisabilité d’une Taxe Tobin sur les transactions financières internationales, personne ne s’est jamais avisé que la mise en œuvre de cette taxe serait un jeu d’enfant au niveau des deux dépositaires centraux.

[2« Ce n’est plus du capitalisme, c’est du vol organisé », s’écrie Denis Robert dans un de ses reportages. Il serait pourtant bien placé pour comprendre que c’est la même chose.

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